Israël en guerre - Jour 394

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La guerre d’Israël à Gaza, « légitime » mais « disproportionnée », dit Bernard Kouchner

Ex-chef de la diplomatie de 2007 à 2010, il a souligné qu'en tant qu'ancien humanitaire, il ne pouvait qu'être indigné, mais a insisté sur le droit d'Israël à vivre et à se défendre

L’ancien ministre français des Affaires étrangères français Bernard Kouchner était l’invité dimanche de Frédéric Haziza sur Radio J.

Surnommé le « French doctor », Kouchner, qui a créé Médecins du Monde, a soigné des années durant les enfants en Afghanistan, secouru les boat-people en mer de Chine, ou encore parcouru le Liban en guerre et Sarajevo assiégée.

Il a démarré l’interview en rappelant rapidement l’histoire d’Israël, évoquant notamment la place de la Shoah dans la fondation du pays. Aujourd’hui, pour désigner Israël, il a regretté qu’ « on parle de colonisation, de haine, de l’expansion d’un territoire, de génocide – dont on parle très souvent sans savoir ce que c’est ».

Il dit, le 7 octobre 2023, avoir ressenti « plus que de l’effroi », « une violence de sentiments, et j’allais dire de haine… » « ‘Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Pourquoi ?…’ Alors évidemment, pourquoi ? C’est à Gaza, Gaza était enfermé, c’était ce qu’on appelait ‘l’enfer à ciel ouvert’… » « Le 7 octobre, c’est incroyablement important, c’est vital. [La réponse d’Israël] est une réaction brutale, et on peut dire bestiale, complètement incompréhensible pour les gens et complètement évidente pour Israël. » Face au 7 octobre, « il était impossible [pour Israël ] de ne pas vouloir se rebeller, de ne pas vouloir se venger, de ne pas réagir ».

Alors que Frédéric Haziza lui demande s’il considère que la réponse d’Israël est « tout à fait justifiée », il répond : « Justifiée pas à la façon dont on la fait peut-être, mais en tout cas, [il fallait] réagir militairement contre les gens qui ont tué 1 200 personnes et enlevé 300 personnes… C’était impossible de ne pas réagir. » 251 personnes ont été kidnappées. On estime que 97 otages sont encore aux mains du Hamas et de ses complices.

Kouchner, chef de la diplomatie de 2007 à 2010 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a souligné qu’en tant qu’ancien humanitaire, il ne pouvait qu’être indigné.

Mais, « un an après, on a tué énormément de monde, les chiffres ne sont pas trop discutés ». Interrogé sur la fiabilité de ces chiffres du Hamas, il dit : « Ces chiffres étaient suspects, mais ils ont été confirmés par tout le monde », notamment les ONG. « Je ne sais pas si c’est 40 000 ou 35 000, mais c’est énorme ! On [Israël] a massacré énormément et détruit majoritairement, plus que la moitié, de toute la bande de Gaza. »

Le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, affirme que plus de 42 000 personnes ont été tuées ou sont présumées mortes dans les combats jusqu’à présent. Ce bilan, qui ne peut être vérifié et qui ne fait pas la distinction entre terroristes et civils, inclut les quelque 17 000 terroristes qu’Israël affirme avoir tués au combat et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.

Israël affirme s’efforcer de minimiser les pertes civiles et souligne que le Hamas utilise les Gazaouis comme boucliers humains, en menant ses combats depuis des zones civiles, notamment des maisons, des hôpitaux, des écoles et des mosquées.

« C’était une réaction extrêmement brutale. Et non seulement brutale, mais meurtrière. Je ne m’en satisfais pas. J’ai passé ma vie à essayer d’arrêter les guerres […]. Mais c’est comme ça ; on [Israël] devait réagir, » se résigne Kouchner.

« Que la réaction ait été légitime, oui, c’est vrai ; significative, oui. Maintenant, la poursuite de la guerre de cette façon… Je pense toujours que, non seulement il faut défendre les Juifs et les gens attaqués en général d’ailleurs, mais les Juifs en particulier ; mais, je ne pense pas qu’il y ait une solution militaire. » Il a regretté ainsi que toutes les tentatives de parvenir à la paix au fil des décennies ont échoué.

L’ancien ministre a aussi vivement dénoncé le rôle de l’Iran et salué le courage des femmes iraniennes qui se sont révoltées contre le pouvoir,
« au péril et aux dépens de leur vie ». Il a affirmé qu’on ne pouvait pas laisser l’Iran devenir une puissance nucléaire et a estimé que le monde serait un monde plus sûr sans le régime de Téhéran.

Il s’est dit surpris par le fait que la France n’ait pas réagi et salué la mort du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, responsable de la mort de 58 soldats français dans l’attentat perpétré contre le poste français, Drakkar, à Beyrouth, en 1983.

Bernard Kouchner a ensuite dit espérer une fin prochaine de la guerre, sans y croire. Il a dit avoir été « peiné » par les récentes déclarations d’Emmanuel Macron appelant à ne plus livrer d’armes à Israël. « Pourquoi a-t-il parlé comme ça ? Ce n’est pas un homme inculte… Il a été, vis-à-vis d’Israël, d’une agressivité, à mon avis, qui ne fondait pas son niveau de condamnation, sans rapport avec ce qu’il s’est passé… » « Ça m’étonne de lui, et c’est une grosse erreur », a-t-il poursuivi. « Je veux qu’Israël vive ! Est-ce que le président Macron veut qu’Israël vive ? Je crois que oui, honnêtement, mais il s’y prend mal… Nous avons aidé Israël, tout le temps. »

L’ancien ministre français a ensuite été interrogé sur l’antisémitisme en France, regrettant vivement le phénomène. « L’antisémitisme est la science des imbéciles. Quand on a rien à penser, on peut penser antisémitisme. […] C’est un mal très profond. » « La France a toujours été antisémite », a-t-il ensuite lancé. « Mais elle n’a pas été qu’antisémite ; elle a aussi été le phare du monde. Elle est aussi les droits de l’homme. » « Depuis un an, [l’antisémitisme] ne m’a pas étonné du tout… On voit les chiffres. »

Alors qu’il condamnait les positions et propos de membres de la France insoumise et de son leader Jean-Luc Mélenchon, Bernard Kouchner s’est soudainement lancé dans des propos qui ont ensuite été présentés par la presse française selon lesquels les actions de l’armée israélienne à Gaza justifierait l’antisémitisme en France.

« Comment faire pour ne pas être antisémite quand on voit les dégâts de l’armée israélienne ?! Contempler Gaza, c’est quand même un champ de meurtres, de désastre, c’est l’éclatement des familles. Bien sûr qu’il y a eu le 7 octobre, et Dieu sait si ça m’a révolté, mais se venger par 40 000 morts… Si le chiffre est vrai – il doit être un peu augmenté, mais il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde. C’est pas vrai que les Gazaouis étaient du côté du Hamas. »

« Avec ce qu’il se passe à Gaza, c’est normal qu’on soit antisémite ? », l’interroge, interloqué, Frédéric Haziza. « Ce n‘est pas normal, mais la réaction peut être celle-là. Mais c’est pas normal de tuer les gens ! C’est pas normal de faire la guerre ! […] C’est une guerre disproportionnée », a-t-il poursuivi. « La première chose que j’ai dit, la réaction militaire d’Israël après le 7 octobre était légitime et nécessaire, on l’attendait. Mais, continuer comme ça et n’avoir de solution que militaire, c’est une erreur. »

La dernière phrase de son interview a été pour les otages de Gaza : « Il faut libérer les otages ! Mais pour ça, il faut arrêter la guerre. »

Dans le sillage du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, les actes antisémites ont bondi de 1 000 % au dernier trimestre 2023. Depuis le début de 2024, ils ont quasiment triplé, avec « 887 faits » recensés au premier semestre, selon les derniers chiffres des autorités (par rapport à la même période un an auparavant).

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