La Haute-cour refuse de fermer Sde Teiman, ordonnant le respect de la loi pour les détenus
La Cour a noté que les conditions de détention, dans le centre, se sont améliorées depuis le dépôt de la requête, déclarant que le respect de l'État de droit était ce qui distinguait précisément Israël de ses ennemis
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
La Haute Cour de justice a mis en garde l’État, mercredi, lui demandant de respecter la loi dans le traitement des Palestiniens soupçonnés de terrorisme incarcérés dans le centre de détention de Sde Teiman. Elle n’a toutefois pas ordonné au gouvernement de fermer la prison, comme le demandaient les organisations qui avaient déposé une requête auprès de la plus haute instance judiciaire d’Israël.
Dans une décision prise à l’unanimité, la Cour a noté dans sa décision finale que les conditions de détention en vigueur à Sde Teiman avaient changé de manière significative depuis le dépôt de la requête, renonçant à ordonner sa fermeture.
Les juges ont toutefois souligné que le respect de l’État de droit était une composante essentielle dans un gouvernement démocratique, y compris en période de guerre et que c’était cet État de droit qui distinguait Israël de ses ennemis.
L’une des organisations à l’origine de la requête, l’Association pour les droits civils en Israël (ACRI), s’est félicitée de cette décision tout en déplorant que la Haute Cour s’avère être nécessaire « pour rendre des décisions qui devraient être évidentes, à savoir que l’État doit respecter la loi ». Elle a rappelé qu’il était interdit aux autorités de faire preuve de maltraitance à l’égard des prisonniers.
La requête avait été déposée au début de l’année par l’ACRI, ainsi que par les groupes de défense des droits de l’Homme Médecins pour les droits de l’homme, Gisha et Hamoked. Elle avait été soumise au tribunal après des accusations qui avaient laissé entendre que des soldats de l’armée israélienne – des réservistes en majorité – s’étaient rendus coupables d’abus systématiques à l’encontre des terroristes présumés palestiniens capturés par les forces de sécurité dans le contexte de la guerre à Gaza.
Ces accusations et la requête avaient entraîné une controverse énorme – certains avaient notamment estimé que les conditions de détention des prisonniers à Sde Teiman et les abus commis à leur encontre s’apparentaient à des crimes de guerre, violant éhontément le droit international.
Un soldat a été mis en examen pour avoir maltraité des détenus dans le centre. Cinq autres font actuellement l’objet d’une enquête pour abus sexuels présumés sur un prisonnier à l’aide d’un objet.
Début juillet, la procureure-générale Gali Baharav-Miara avait dit au Premier ministre Benjamin Netanyahu qu’un retard dans la réduction du nombre de détenus à Sde Teiman – un retard qu’elle avait attribué au ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir – pourrait avoir « des conséquences très graves et très larges ». Elle n’avait pas donné de détail.
Après ces pressions juridiques et judiciaires, le gouvernement a considérablement réduit le nombre de détenus dans ce centre, qui était passé de quelque 700 personnes à son apogée à quelques dizaines seulement à la fin du mois d’août.
Le gouvernement a également indiqué à la Cour, dans un document écrit, qu’il avait réduit l’utilisation de moyens de contention et qu’il fournissait de la nourriture et des traitements médicaux conformément aux exigences de la loi.
De surcroît, le gouvernement a fait construire un nouveau centre de détention dans la base militaire dont l’ouverture est prévue cette semaine et qui, selon lui, offrira les mêmes conditions d’incarcération que celles des prisons existantes – justifiant ainsi sa demande aux juges de rejeter la fermeture définitive de Sde Teiman.
Dans sa décision, le tribunal a pris acte de l’amélioration des conditions de détention et il s’est donc contenté de donner l’ordre à l’État de respecter les lois relatives à la détention de ces suspects à l’avenir.
La Cour a estimé que la guerre actuelle présentait de « nombreux défis » pour le pays, notamment celui de savoir comment incarcérer le grand nombre de détenus capturés par les services de sécurité pendant le conflit, mais elle a toutefois ajouté que cela ne dispensait pas l’État de respecter la loi.
« La protection de l’État de droit, même pendant une guerre difficile, est l’expression claire de la différence qui existe entre un État démocratique qui lutte pour sa vie et une organisation terroriste qui veut le détruire », a écrit le président par intérim de la Cour suprême, Uzi Vogelman.
La juge Daphne Barak Erez a écrit, de son côté, que les mesures prises par l’État pour mettre Sde Teiman en conformité avec la loi israélienne étaient suffisantes pour satisfaire la Cour, ajoutant que les conditions antérieures « ne reviendront pas ». Elle a insisté sur le fait que les détenus devaient être incarcérés d’une façon respectueuse de la loi.
« Cette obligation ne dépend pas et elle ne saurait être influencée par le contexte de la détention des prisonniers au sein du centre », a-t-elle poursuivi. « Contrairement aux organisations terroristes, Israël est un État de droit, et c’est aussi ce qui fait sa force ».
Vogelman a ajouté que les accusations portant sur des comportements criminels à Sde Teiman devraient faire l’objet d’une enquête de la part des autorités, notant que de telles investigations avaient d’ores et déjà été lancées.
Il a également déclaré qu’en cas de nouvelles accusations portant sur les conditions de détention à Sde Teiman, les parties plaignantes seraient en droit de s’adresser à nouveau à la Cour.
Ces accusations de graves violations des droits de l’Homme à Sde Teiman à l’encontre de détenus palestiniens avaient fait leur apparition au début de l’année – divers médias et organisations de défense des droits signalant l’usage extrême de contraintes physiques, des amputations entraînées par l’utilisation prolongée de menottes, des passages à tabac et des problèmes médicaux touchant les prisonniers qui avaient été négligés au sein du centre.
Les cinq soldats qui font actuellement l’objet d’une enquête sont soupçonnés de sodomie aggravée (un chef d’accusation équivalent au viol), ainsi que d’autres formes d’agression et d’abus à l’encontre d’un détenu.
Après l’arrestation de neuf soldats par la police militaire à Sde Teiman, à la fin du mois de juillet, pour des soupçons de violences, des manifestants de la droite de l’échiquier politique – avec notamment des députés de la coalition et des ministres du gouvernement – avaient fait irruption dans la base de Tsahal pour tenter d’entraver la mise en détention des suspects.
Lorsqu’ils avaient réalisé que les soldats avaient déjà été emmenés à la Cour militaire de la base de Beit Lid, les émeutiers avaient pris d’assaut les lieux, affrontant les soldats de Tsahal avant d’être expulsés.