La Haute Cour rejette la validation des mariages hors rabbinat
Les juges ont décidé de ne pas intervenir dans l'affaire du couple orthodoxe israélien victime d'un flou marital depuis 3 ans après s'être marié en dehors du Grand-Rabbinat
La Haute Cour de justice a rejeté jeudi la requête d’un couple israélien en proie à un flou marital depuis trois ans après s’être marié dans le cadre d’une cérémonie juive orthodoxe privée sans faire appel au Grand-Rabbinat d’Israël.
Le rabbinat refuse en effet d’inscrire le mariage de Noam Oren, 26 ans, et de son épouse célébré en 2016 dans ses registres, et ces derniers ne sont pas autorisés à épouser quelqu’un d’autre. Ils sont tous deux Juifs orthodoxes.
Cette requête marquait la première fois qu’un amendement controversé, lequel interdit les mariages alternatifs « privés » en dehors du Grand-Rabbinat, était examiné par une haute instance judiciaire israélienne. Adopté il y a quelques années, il précise qu’une peine allant jusqu’à deux ans de prison peut être infligée aux couples se mariant dans ces conditions et aux rabbins encadrant ces unions.
Dans son jugement, la Haute Cour a indiqué avoir décidé de ne pas intervenir dans l’affaire après avoir établi que le Grand-Rabbinat était dans son droit en contestant la cérémonie alternative, assurée par un rabbin qui n’est pas autorisé, par les autorités religieuses officielles, à officier des mariages.
La requête a été déposée en mars 2018 par l’organisation Mavoi Satum, une ONG qui aide les femmes confrontées à des maris récalcitrants qui refusent de leur accorder l’acte de divorce religieux [guet], les empêchant ainsi de se remarier et qui opère un programme pour des mariages religieux alternatifs, notamment celui d’Oren.

S’exprimant auprès du Times of Israël en 2018, au moment du dépôt du recours, Noam Oren avait alors expliqué que la raison pour laquelle il avait choisi une cérémonie alternative était que le Grand-Rabbinat refusait de célébrer le mariage s’il incluait une condition qui annulerait rétroactivement le mariage au cas où l’un des partenaires refusait d’accorder ou d’accepter un divorce. Il s’agissait ainsi d’éviter un scénario qui empêche aux femmes de pouvoir se remarier pendant des années.
C’est le rabbin orthodoxe Dr Michael Avraham, qui enseigne à l’Institut Jesselson pour l’étude de la Torah de l’université Bar Ilan mais qui n’est pas autorisé par le Grand-Rabbinat à officier à des mariages, qui a célébré la cérémonie en 2016.
Le couple a ensuite fait confirmer son mariage par un tribunal rabbinique dirigé par le rabbin orthodoxe Dov Levin, un ancien officiel du rabbinat qui a rejoint le programme de mariage alternatif Mavoi Satum en 2016, après avoir accusé le Grand-Rabbinat de ne pas remplir correctement sa mission de vérifier les antécédents juifs.
Mais quand le couple a essayé de se faire enregistrer comme mariés auprès des autorités, l’autorité rabbinique a rejeté leur demande en se basant sur l’amendement interdisant les mariages privés. Pour compliquer l’affaire, elle a établi que le statut marital du couple était « en doute », puisque leur mariage n’a pas été réalisé conformément à la loi juive, ce qui implique qu’ils ne peuvent pas épouser d’autres personnes.
La seule solution proposée par le Grand-Rabbinat pour sortir le couple de l’impasse était de procéder à une deuxième cérémonie de mariage, sans la garantie prénuptiale de divorce et sans les bénédictions traditionnelles, par un rabbin reconnu par l’autorité religieuse.
Le recours de Mavoi Statum auprès de la Cour suprême au nom des Oren vise à contraindre le Grand-Rabbinat à formaliser sa position sur les accords prénuptiaux, et comme l’espère l’ONG, à revenir sur la criminalisation des personnes qui officient à des mariages en dehors du cadre des autorités d’État.
Dans un communiqué diffusé jeudi après la décision de la Haute Cour, l’avocate Batya Kahana-Dror s’est montrée prudente quant à l’évolution de la Haute Cour sur la question.
Elle a déclaré que les juges, lors de l’audience, avaient exprimé leur soutien aux accords prénuptiaux et semblé adopter un avis juridique selon lequel les responsables de mariages hors rabbinat ne pouvaient être incarcérés, sauf si le mariage restait « secret ».
Le Grand-Rabbinat d’Israël supervise toutes les questions d’état civil pour les Juifs, y compris le mariage et le divorce, et ne reconnaît pas les unions civiles ou les cérémonies célébrées par des responsables non affiliés au Grand-Rabbinat.
En juillet 2018, la police a brièvement arrêté un rabbin massorti, Dov Haiyun, lors d’une perquisition chez lui, pour les « mariages » illégaux qu’il avait célébrés. Après avoir été interrogé, Haiyun a été libéré, alors que sa détention avait déclenché un tollé.