La Knesset adopte la « loi norvégienne »
Souhaitée par Gantz, la loi est passée après l'acceptation supposée de ce dernier d'amender l'accord de coalition protégeant Netanyahu face à un éventuel jugement de la Haute-cour
La Knesset a approuvé, lundi, une loi qui autorise les ministres à abandonner leurs postes de députés au Parlement pour permettre à un autre membre de la liste de leur parti de prendre leur place.
La Loi dite « norvégienne » a été adoptée en deuxième et en troisième lectures par 66 voix « pour » et 43 voix « contre ».
Elle devait obtenir une majorité de 61 votes pour intégrer pleinement l’arsenal législatif israélien.
Kakhol lavan aurait déploré l’absence du Premier ministre Benjamin Netanyahu lors du vote. Des sources proches du Premier ministre ont indiqué que même sans sa présence, il était certain que le texte obtiendrait les 61 voix nécessaires pour son approbation, a fait savoir le site Ynet.
La Loi norvégienne a été critiquée, ses détracteurs estimant qu’elle augmente les dépenses gouvernementales en assurant les rémunérations des ministres mais aussi celles des députés qui prennent leur place au Parlement.
La législation permet à n’importe quel député nommé à un poste du cabinet de démissionner temporairement de la Knesset, laissant au candidat qui lui succède sur la liste du parti la possibilité d’entrer au Parlement à sa place. Selon les dispositions de la nouvelle loi, en cas de démission du cabinet, le ministre retrouve automatiquement son siège à la Knesset.
Au moins douze ministres et députés devraient utiliser la loi norvégienne, ce qui permettrait de faire entrer à la Knesset un nombre similaire de parlementaires – une opération qui devrait coûter environ 20 millions de shekels par an, selon les estimations.
Le chef de l’opposition, Yair Lapid, du parti Yesh Atid, a fustigé la loi pour son coût élevé.
« Au beau milieu de la nuit, comme des voleurs, la coalition a adopté la loi norvégienne », a commenté Lapid. « Le cinquième gouvernement Netanyahu est en train d’exploser tous les records en termes de déconnexion et d’opacité. Ces gens gaspillent l’argent public pour leurs emplois au lieu de verser des allocations-chômage aux indépendants et mettre en place des subventions pour les chômeurs », s’est-il indigné.
Cette loi est importante pour Kakhol lavan parce que, sur ses 15 députés, trois seulement ne sont actuellement pas ministres ou vice-ministres – et sont donc en mesure de passer du temps dans une commission de la Knesset et de se consacrer aux affaires courantes.
Les élus de l’opposition ont fermement condamné la loi. Ils ont estimé que le gouvernement d’unité n’en avait besoin que dans la mesure où il avait permis la mise en place d’un nombre excessif de postes au cabinet suite à l’accord de coalition et que, ce faisant, il ne disposait plus suffisamment de gens pour siéger au Parlement.
Le texte est arrivé en séance plénière pour ses dernières lectures après avoir entraîné une impasse entre le parti du Likud et son partenaire au sein du gouvernement d’unité, Kakhol lavan. Le problème aurait été résolu par le biais d’un accord qui prône une révision de l’accord d’unité gouvernementale, qui devrait être réadapté.
Netanyahu avait initialement reporté le vote de la Loi norvégienne, des informations laissant entendre qu’il cherchait à obtenir, en échange, un changement rétroactif dans l’accord conclu entre le Likud et le parti du ministre de la Défense, Benny Gantz.
L’accord convenu entre les deux parties stipule que si la Haute-cour de Justice devait rejeter certaines dispositions de l’accord de coalition avant le mois de novembre 2020, un nouveau scrutin serait organisé et Netanyahu resterait Premier ministre intermédiaire.
Mais si la Knesset devait être dissoute et que de nouvelles élections devaient être organisées entre le mois de novembre 2020 et le mois de novembre 2021 – à l’issue d’une « période d’urgence » de six mois mais avant que Gantz ne devienne Premier ministre dans le cadre de l’accord de partage de pouvoir – Gantz deviendrait automatiquement Premier ministre par intérim, à la place de Netanyahu.
Cette clause devait servir de moyen de dissuasion pour éviter que le Likud ne mette un terme au partenariat et n’appelle à de nouvelles élections avant que Gantz n’obtienne une chance de devenir Premier ministre.
Mais Netanyahu demanderait maintenant à ce que l’accord soit modifié de manière à ce qu’une éventuelle intervention de la Haute-Cour, quel que soit le moment pendant le mandat du gouvernement, puisse entraîner automatiquement de nouvelles élections avec Netanyahu qui resterait à la barre.
Netanyahu craint que la Cour ne lui interdise de servir au poste de Premier ministre d’alternance dès le mois de novembre 2021 comme cela a été convenu avec Gantz, en raison de son procès pour corruption. Cette dernière demande a lieu alors qu’il craint que les magistrats ne prennent une telle décision après le mois de novembre, selon la Douzième chaîne.
Une source du Likud a indiqué à la chaîne Kan que Gantz avait accepté de faire ce changement réclamé par Netanyahu.
« Kakhol lavan a cédé. Nous amenderons l’accord et garantirons la continuation du mandat de Premier ministre d’alternance pendant un an et demi », a noté la source.
Des sources issues de Kakhol lavan ont toutefois démenti ces informations auprès des médias, disant que le parti avait seulement accepté de réfléchir à un tel changement.
Ce compromis aurait été trouvé malgré une rencontre antérieure entre le leader du Likud et Gantz, qui auraient échoué à trouver un accord.
Gantz a expliqué aux membres de la formation Kakhol lavan, lundi, qu’il organiserait une réunion pour les informer de l’évolution de la situation, selon la Douzième chaîne.
Netanyahu demanderait également le changement de l’accord dans le but que le gouvernement puisse servir pendant un plein mandat de quatre ans au lieu des trois années actuellement déterminées, inquiet de ce que cette clause de trois ans ne donne à la Cour une raison pour annuler l’arrangement conclu.
L’accord trouvé lundi entre les deux parties survient dans un contexte de tensions qui seraient croissantes au sein du gouvernement.
Netanyahu aurait été furieux des déclarations faites récemment par les ministres de Kakhol lavan, notamment par le ministre de la Justice, Avi Nissenkorn, qui a défendu le système judiciaire face aux attaques du Premier ministre et par la ministre de l’Egalité sociale, Meirav Cohen, qui a affirmé que son parti « ne croit pas Netanyahu, et ne croit pas en Netanyahu ».
De plus, les leaders de Kakhol lavan seraient opposés à l’intention déclarée de Netanyahu d’annexer certains secteurs de la Cisjordanie de manière unilatérale.
L’accord de coalition conclu entre Netanyahu et Gantz permet au Premier ministre de faire avancer les initiatives d’annexion des territoires de Cisjordanie alloués à Israël par la proposition de paix de l’administration Donald Trump dès le 1er juillet, indépendamment du soutien apporté par Gantz à une telle démarche. Mais les Etats-Unis désireraient que l’annexion unilatérale ne débute qu’avec l’aval des deux hauts-responsables israéliens.
Tandis que Gantz et Gabi Ashkenazi, ministre des Affaires étrangères issu des rangs de Kakhol lavan, ont tous les deux publiquement soutenu le plan « de la paix vers la prospérité » du président Donald Trump qui a été dévoilé au mois de janvier dernier, ils n’ont pas approuvé l’annexion unilatérale prévue par Netanyahu des territoires attribués à Israël par la proposition.
La loi norvégienne tire son nom d’une législation obligeant tous les ministres du gouvernement, en Norvège, à démissionner de leur poste au Parlement. Ce processus vise à mettre en place une séparation des pouvoirs claire entre l’exécutif et les députés.
La version israélienne vient néanmoins principalement en réponse à ce que de nombreux observateurs considèrent comme une Knesset en sous-effectif, avec un nombre significatif de sièges parlementaires inactifs dans les faits en raison du travail menés par ceux qui les occupent au sein du cabinet. Selon les dispositions actuelles de la loi, les ministres du cabinet sont très limités dans leurs fonctions de députés. Ils n’ont pas le droit de servir de président ou de vice-président du Parlement, de siéger au sein des commissions, ni même de proposer des projets de loi.
Une loi similaire autorisant juste un ministre par parti à démissionner avait été approuvée dans la Knesset précédente mais elle ne s’appliquait pas aux gouvernements futurs.
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