La loi pour réintégrer Deri à son poste pourra être votée – avec des modifications
Le texte supprimant le réexamen par la Cour suprême du choix des ministres donnera le pouvoir à l'opposition de contraindre le Premier ministre à justifier une nomination

La coalition a avancé mercredi une législation taillée sur mesure pour réintégrer le chef du parti Shas, Aryeh Deri, au sein du cabinet, envoyant ainsi en première lecture en séance plénière de la Knesset le projet de loi supprimant la capacité de la Cour Suprême à réexaminer les nominations ministérielles.
Le projet de loi, adopté le mois dernier en lecture préliminaire, a été approuvé par une commission parlementaire spéciale qui avait été mise en place pour débattre de cette proposition de changement – qui intervient quelques semaines après la décision de la Haute Cour de Justice, qui a jugé les deux nominations de Deri aux postes de ministre de la Santé et de ministre de l’Intérieur « déraisonnables à l’extrême » en raison d’infractions commises dans le passé.
Initié par le député du Shas Moshe Arbel, le projet de loi permettrait au Premier ministre Benjamin Netanyahu de renommer Deri, même après avoir été contraint par la Cour et par la procureure-générale de renvoyer Deri de son cabinet en janvier.
La commission a voté par 9 voix « contre » et 6 « pour » en faveur de la présentation du projet de loi au premier des trois votes en séance plénière, un vote qui devrait avoir lieu lundi prochain.
Le conseiller juridique de la commission, Eyal Lev Ari, a déclaré que des changements avaient été introduits dans le texte du projet de loi afin de permettre à la Knesset d’exercer un certain contrôle sur les nominations ministérielles.
Selon la version révisée, la faction la plus importante au sein de l’opposition pourra exiger un vote séparé de la plénière pour approuver jusqu’à un quart des nouveaux ministres, au cas où il persisterait un doute sur leur conformité aux critères légalement définis pour un candidat.
En outre, 40 législateurs pourront introduire une demande d’éviction d’un ministre – qui devra ensuite être approuvée par la commission de la Chambre et par une majorité de législateurs – et 40 députés auront également le pouvoir de convoquer une session en plénière au cours de laquelle le Premier ministre sera dans l’obligation de répondre aux objections formulées à l’encontre d’une nomination spécifique et d’expliquer en quoi elle est légale. Le ministre désigné sera également autorisé à répondre aux questions soulevées lors de cette session.
Une autre modification qui a été introduite vise à réduire le contrôle judiciaire sur les nominations de vice-ministres.

Au cours de la discussion en commission, Lev Ari a déclaré que le fait que la loi entre immédiatement en vigueur créait certaines difficultés juridiques car elle pourrait être considérée comme taillée sur mesure pour les besoins d’un individu spécifique, ce qui augmenterait les possibilités de voir la Cour suprême l’annuler pour « abus de l’autorité de la Knesset ». Il a néanmoins déclaré qu’il ne pouvait pas affirmer avec certitude que le projet de loi avait franchi ce seuil.
La conseillère juridique de la Knesset, Sagit Afik, a déclaré qu’elle n’était pas convaincue que les nouvelles mesures résoudraient les difficultés juridiques, « mais elles renforcent la transparence et le contrôle de la Knesset, ce qui pourrait être appréciable ». Elle a également déclaré qu’elle n’était pas convaincue qu’il était juste d’inclure les nominations des vice-ministres dans le projet de loi actualisé.
Selon les conseillers juridiques et les législateurs de l’opposition, il suffirait d’inclure une clause stipulant que la loi entrera en vigueur à une date ultérieure, par exemple lors de la prochaine Knesset, pour que le projet de loi devienne équitable.
Au cours de la discussion, la députée Avoda Efrat Rayten a déclaré que « cette loi introduite à la suite de la dernière décision [de la Haute Cour] rend impossible toute tentative de ne pas faire le lien et de prétendre qu’il ne s’agit pas d’une loi sur mesure ».
« Il est clair qu’il s’agit d’une loi personnelle », a-t-elle ajouté.
La députée de Yisrael Beytenu, Yulia Malinovsky, a déclaré que même avec les modifications apportées, « il y a là un mécanisme qui permet, quoi qu’il arrive, au gouvernement de faire ce qu’il veut. » Elle a ajouté que cette loi n’était pas « soutenue par le public », et qu’elle était « une insulte absolue à l’intelligence des citoyens d’Israël. »
« Laissez tomber. Deri ne sera pas ministre », a déclaré Mme Malinovsky.

Il y a quelques semaines, avant la lecture préliminaire, le ministre de la Justice Yariv Levin, co-architecte du projet de la coalition visant à étendre considérablement le pouvoir de l’exécutif en supprimant le rôle de contre-pouvoir du système judiciaire, avait déclaré que « tout ne devrait pas être soumis à un contrôle judiciaire », ajoutant que la capacité actuelle de la Cour à examiner les nominations « est un problème de prise de pouvoir sans prise de responsabilité », et que » le détenteur de l’autorité en porte la responsabilité ».
Ce projet de loi constitue un amendement à la loi fondamentale quasi-constitutionnelle : Le gouvernement. Le projet de loi établit que : « Il n’y aura pas de contrôle judiciaire par un tribunal judiciaire sur toute question liée ou découlant de la nomination d’un ministre et de sa révocation, sous réserve du respect des conditions d’éligibilité énoncées à l’article 6 » de la même loi.
En décembre, la coalition avait fait adopter une modification de cette même loi fondamentale : Le Gouvernement pour faciliter la nomination initiale de Deri, suite à sa condamnation à 2022 avec sursis pour délits fiscaux.
Cherchant à éviter une décision de la commission centrale électorale sur la question de savoir si la condamnation de Deri comportait une dimension « turpitude morale », ce qui lui aurait interdit d’exercer toute fonction politique pendant sept ans, la coalition avait modifié le libellé de la loi pour appliquer le critère d’aptitude uniquement aux peines privatives de liberté.
Outre sa condamnation pour fraude fiscale en janvier 2022, Deri avait purgé une peine de prison pour une condamnation pour corruption en 1999 liée à sa conduite en tant que ministre, et il avait été condamné une nouvelle fois en 2003.
Dans son arrêt explosif de janvier 2022, la Haute Cour a déclaré que la décision de Netanyahu de nommer un criminel financier condamné au poste de ministre en charge des importants budgets du ministère de la Santé et du ministère de l’Intérieur était « déraisonnable à l’extrême. »
La Cour avait également statué que selon le principe d’Estoppel, Deri ne pouvait pas occuper un poste ministériel, car dans son accord de peine de janvier 2022, il avait donné au tribunal de première instance de Jérusalem l’impression qu’il quittait définitivement la politique.
Deri nie s’être jamais engagé à se retirer définitivement de la vie politique.
Carrie Keller-Lynn a contribué à cet article.