La lutte pour les pauvres : le talon d’Achille de Netanyahu
Les partenaires de la coalition veulent un recentrage des priorités économiques en faveur des pauvres
JTA – Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réalisé tous ses vœux lors des dernières élections : il va pouvoir constituer un gouvernement plus large et plus stable, de droite, axé sur la sécurité et la diplomatie.
Mais tandis que la coalition sera plus ou moins unifiée s’agissant du conflit avec les Palestiniens, elle pourrait être divisée sur une autre question : comment dépenser l’argent des contribuables ?
Deux des partenaires de coalition entrants – le parti centriste Koulanou et le parti orthodoxe Shas – ont mené des campagnes pour recentrer les priorités économiques du pays sur les pauvres. Sous Netanyahu, Israël a perdu beaucoup de son caractère historique socialiste et émergé comme l’un des pays les plus économiquement inégaux du monde développé.
« Netanyahu est plus républicain que les républicains américains », déclare le professeur de politiques publiques de l’Université hébraïque Momi Dahan. « Il est contre les impôts et les subventions. Shas, j’imagine, voudra augmenter les subventions. Et le revers de la médaille sera l’augmentation des impôts. »
Si la sécurité est une préoccupation constante des électeurs israéliens, les deux dernières coalitions de Netanyahu se sont effondrées en partie en raison de conflits budgétaires.
En 2012, le Premier ministre a convoqué des élections après avoir lutté pour un soutien en faveur de son budget d’austérité. Deux ans plus tard, il s’est rendu de nouveau aux urnes après un affrontement avec le ministre des Finances d’alors, Yair Lapid, sur le budget de la défense et la proposition controversée de ce dernier de réduire la taxe sur la vente de nouveaux appartements à certains jeunes couples.
Mais cette fois-ci, Netanyahu pourrait avoir encore plus de mal à compter sur ses partenaires soucieux des pauvres.
Shas a concentré sa campagne de cette année sur les pauvres « transparents » Israéliens. Netanyahu et Lapid, clamait Shas, ont abandonné les pauvres en 2013 avec des réductions de subventions accordées aux familles nombreuses et aux étudiants religieux, et avec une hausse de la taxe sur la vente.
La plateforme économique du Shas appelait à augmenter les impôts sur la fortune, le salaire minimum et le financement du logement public.
Un panneau du Shas, accroché dans le quartier chic de Tel-Aviv, Ramat Aviv, affirmait : « Si vous vivez à Ramat Aviv, ne votez pas pour nous. Si vous travaillez pour un résident de Ramat Aviv, seulement Shas. »
« Dans la dernière décennie, le Likud a cherché de nouveaux partenaires », a déclaré le président du Shas, Aryeh Deri, il y a quelques semaines. « Mes amis, que faites-vous avec ces gens qui ne savent que s’occuper des riches ? »
Ce message était également véhiculé par Koulanou, le nouveau parti dirigé par Moshe Kahlon – ancien ministre du Likud qui a rompu en 2014, affirmant que le parti avait perdu sa philosophie sociale et faisait trop peu pour aider les pauvres. Pendant sa campagne, Koulanou a également accusé Netanyahu de négliger les Israéliens à faible revenu et d’ignorer la hausse drastique des prix du logement.
Eli Alalouf, 3e sur la liste de Koulanou, a rédigé l’an dernier un rapport demandé par le gouvernement sur la lutte contre la pauvreté, qui préconisait l’augmentation des allocations de chômage – une proposition que Netanyahu n’a finalement pas adoptée.
En 2009, en tant que ministre des Communications de Netanyahu, Kahlon a baissé les prix de la téléphonie cellulaire en favorisant la concurrence. Il a promis d’appliquer le même modèle au secteur du logement, de vendre des terres étatiques et de soumettre la bureaucratie du logement à une autorité unique.
« Comment le public ne voit-il pas qu’on le dupe sous ses yeux ? », a demandé Kahlon dans un discours en février. « Il est balancé de gauche à droite, et de droite à gauche, et en attendant, le coût de la vie augmente et le rêve d’un appartement devient de plus en plus irréalisable pour les jeunes couples. »
Contrairement au Shas, qui veut des impôts plus élevés et des allocations plus directes aux Israéliens qui ont des faibles revenus, Kahlon croit en des solutions à la crise du logement fondées sur le marché – ce qui, selon les analystes, facilitera la voie à suivre pour lui et Netanyahu. Le Premier ministre, après tout, a soutenu la réforme de la téléphone mobile de Kahlon.
« Je pense qu’ils se comprennent, observe Noam Gruber, haut membre du Centre Taub de politique sociale. Ils ont la même vision capitaliste, mais Kahlon est un capitaliste social et Netanyahu est un capitaliste américain. Je ne pense pas que ce soit une bonne recette pour une crise. »
Les demandes du Shas pourraient être plus difficiles à digérer pour Netanyahu. Le bilan économique du Premier ministre est rempli de réformes politiques visant à privatiser des entreprises publiques, à rogner sur le budget social et à affaiblir le robuste filet de sécurité social du pays.
Au milieu d’une crise économique, en 2003, Netanyahu a réduit les allocations familiales et les aides sociales, coupé les revenus et les taux d’imposition des sociétés et vendu des actions des grandes industries.
Ces politiques ont contribué à stabiliser le taux de croissance économique du pays pendant le ralentissement économique mondial – en 2009 – et à maintenir le chômage à moins de 6 % à l’orée de 2015.
Mais l’inégalité des richesses en Israël ressemble désormais à celle des États-Unis et près d’un quart des familles israéliennes vivent en dessous du seuil de pauvreté – les chiffres les plus affligeants du monde développé.
Malgré tout cela, selon Dahan, les exigences des politiciens ultra-orthodoxes pourraient s’adoucir si à la clé, ils reprenaient le contrôle des services religieux.
« A court terme, ce sont des partenaires assez commodes », dit Dahan des partis ultra-orthodoxes. Si Netanyahu leur donne des privilèges sectoriels, il peut les acheter. Ils s’aligneront avec les choix du gouvernement. »