La maison du SS, Amon Goeth, sur le point de devenir une villa de luxe
Un promoteur prévoit d’emménager avec sa famille dans la maison utilisée par Amon Goeth, commandant du camp de Krakow-Płaszow, montrée dans “La liste de Schindler”
Stuart Winer est journaliste au Times of Israël
La maison polonaise d’un commandant de camp de concentration nazi qui a torturé et assassiné des détenus juifs dans le bâtiment devrait être rénovée et restaurée pour devenir une luxueuse villa familiale, à la consternation des militants de l’enseignement de la Shoah.
L’année dernière, le promoteur immobilier Artur Niemyski a acheté la maison, située à Płaszow, dans la banlieue de Cracovie, dans laquelle il prévoit d’emménager avec sa famille quand les travaux seront terminés, a annoncé mercredi le Daily Mail.
Entre 1943 et 1944, Amon Goeth, qui avait le grade de Hauptsturmfuhrer dans les SS, vivait dans la maison quand il était commandant du camp de concentration de Krakow-Płaszow. Quand le ghetto de Cracovie a été liquidé le 13 mars 1943, ceux qui ont été considérés comme aptes au travail y ont été envoyés.
Le cruel traitement de Goeth de ses prisonniers lui a valu le surnom du « Boucher de Płaszow ».
Les survivants du camp ont raconté sa brutalité, notamment quand il tirait sur des prisonniers juifs pour le plaisir et en torturait d’autres dans sa villa. Une fois, il a abattu un garçon juif qui avait quitté la salle sans permission, et il avait deux chiens de garde qui déchiquetaient à l’occasion des victimes.
Oskar Schindler, qui a sauvé la vie de 1 200 Juifs pendant l’Holocauste, a pu le faire en tirant partie de son amitié avec Goeth. Schindler a été un visiteur régulier de la maison, et beaucoup de ceux qu’il a sauvés en les employant dans une usine de munitions étaient prisonniers dans le camp.
La villa été décrite en 1993 dans le film de Steven Spielberg « La liste de Schindler », dans lequel l’acteur Ralph Fiennes, qui jouait Goeth, a été filmé en train de tirer sur des prisonniers juifs depuis le balcon de la maison de deux étages.
« Mon avis est que ce bâtiment a été occupé pendant une petite période par ce nazi, ce qui ne devrait pas influencer pour toujours [le destin de] cette propriété », a déclaré Niemyski.
« Beaucoup de maisons de la région ont été occupées par les nazis. Les officiers du camp vivaient dans toutes les maisons de la rue. De mauvaises choses sont arrivées dans de vieilles propriétés, mais en gros, ils vivaient dans le complexe. En général, je veux restaurer la maison pour qu’elle soit à nouveau une maison de famille polonaise, et la garder ainsi », a-t-il déclaré.
https://youtu.be/FcyLRTB9fRY
Niemyski a ajouté que même s’il n’autoriserait plus de visites pédagogiques dans la maison, cela ne les gênerait pas qu’elles se déroulent à l’extérieur.
« Ils peuvent prendre des photos depuis l’extérieur, c’est leur droit, a-t-il déclaré. Mais je ne les autoriserais pas à entrer. Pourquoi devrais-je permettre à des personnes de regarder l’intérieur de ma propriété privée ? »
Il n’a aucune intention d’offenser quiconque, a-t-il ajouté, soulignant ses bonnes relations avec les Juifs.
« J’étais en bon terme avec la communauté juive. J’ai dirigé des projets de rénovation d’une synagogue et j’ai rencontré à l’époque des groupes venus d’Israël, de New York, du monde entier, a-t-il déclaré. Je ne veux pas que quelqu’un se sente mal à cause de ce que nous faisons. »
Le rabbin Naftali Schiff, fondateur de l’œuvre caritative britannique JRoots, a affirmé que la rénovation de la maison blanchissait son sinistre passé.
« Nous accueillons le dialogue avec le propriétaire, mais il a bien précisé qu’il voulait que le monde oublie ce qui s’est passé ici », a-t-il déclaré au Daily Mail.
L’association, qui organise des pèlerinages sur des sites du patrimoine juif, a dans le passé emmené des groupes voir la maison délabrée. JRoots a lancé une campagne pour que la villa soit préservée comme site mémoriel.
« Nous voulons inspirer les jeunes gens à allumer des bougies ici et à apporter la lumière dans un endroit sombre, à chanter des chants juifs là où Goeth vous aurait fait tuer pour ce chant. Nous demandons à des jeunes gens de faire un serment dans cette maison de cruauté pour retourner en Grande-Bretagne et rendre la société meilleure, a-t-il déclaré. A présent, toute cette éducation a été perdue. L’histoire est effacée devant nos yeux. »
"Camp Commandant #AmonGoeth, infamous from the #movie Schindler's List, on the balcony of his #house…" #history #pics #photography pic.twitter.com/sUtoVRPi2n
— Rebecca Rocki (@RebeccaRocki) January 31, 2017
La plupart des témoignages sur les crimes de Goeth commis dans la maison proviennent de ses deux domestiques juives, Helen Horowitz et Helen Jonas-Rosenzweig, qui ont toutes les deux survécu à la guerre après avoir été sauvées par Schindler.
Une fois, Goeth a poignardé Horowitz dans la jambe, car elle n’avait pas fait assez de place pour le dîner.
« J’ai surmonté la douleur et couru dans la cuisine », a-t-elle raconté, selon le Daily mail. « Et après, j’ai vu qu’il avait coupé une veine. »
Une autre fois, il l’a agressée.
« Il était sadique, un sadique incroyable, a-t-elle raconté. Il a commencé à me battre et à me jeter de toutes ses forces. »
Les domestiques étaient gardés dans la cave de la maison, qui a été rénovée pour être utilisée comme atelier ou comme cave à vins.
Jonas-Rosenzweig, qui soutient le projet de transformation de la villa en mémorial, a raconté au Mail son expérience de la captivité chez Goeth.
« J’ai été prisonnière dans cette maison, et une victime. Je veux que le monde sache ce qui est arrivé ici », a-t-elle raconté.
Jonas-Rosenzweig a servi Goeth, qui a été marié deux fois, et la maîtresse avec qui il vivait, l’esthéticienne Ruth Irene Kalder. Le nazi organisait souvent des fêtes extravagantes pour les autres officiers SS. Elle était aussi chargée de s’occuper des chiens effrayants.
« L’un était noir et blanc. Il était si grand, a-t-elle raconté. Je brossais le chien, je nourrissais le chien. »
« Il donnait cet ordre au chien, Ralph, et il déchiquetait quelqu’un. Il le déchiquetait, il attrapait des morceaux du corps. »
Elle a raconté comment un jour Goeth lui a dit qu’il allait commencer à tirer depuis son balcon sur les prisonniers qui creusaient des fossés le long de la route, devant son jardin.
« Il m’a dit ‘regarde ces porcs. S’ils ne commencent pas à travailler dans quelques secondes, ils seront tous morts’ », a-t-elle raconté. La domestique a couru prévenir les prisonniers et a ainsi empêché un carnage.
Le 13 septembre 1944, Goeth a été démis de son poste au camp et a été accusé par les SS du vol de propriété juive qui, selon la loi nazie, appartenait à l’Etat, ainsi que de mauvais traitements et d’abus des prisonniers sous son commandement. Mais avant qu’il ne soit jugé, la Seconde Guerre mondiale a pris fin et il a été arrêté par l’armée américaine en mai 1945.
Il a été jugé et condamné à mort pour « avoir personnellement tué, mutilé et torturé un nombre important bien que non identifié de personnes. » Il a été pendu 10 jours après, le 13 septembre 1946.