Israël en guerre - Jour 368

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La maison, un endroit sûr ?

Alors que les roquettes menacent l’ensemble d’Israël, les demandes pour des pièces sécurisées spécialement construites montent en flèche parmi les propriétaires

Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Enfants jouant dans un abri anti-missiles conçu spécialement à cet effet, à Sderot, à la frontière avec la bande de Gaza. (Crédit : Hadas Parush)
Enfants jouant dans un abri anti-missiles conçu spécialement à cet effet, à Sderot, à la frontière avec la bande de Gaza. (Crédit : Hadas Parush)

Quand Faye Bittker et son mari ont acheté leur maison à Meitar en 2006, elle a remarqué l’espace vide et disponible sous la maison vieille de 32 ans, une des premières construites dans leur petit quartier.

« Nous avons pensé, ‘en faisons-nous un jacuzzi ou un abri contre les bombes ?’ » a-t-elle demandé.

Pour autant, la ville, au nord-est de Beer Sheva, n’a pas été touchée par les roquettes de Gaza. Un abri ou une pièce sécurisée apparaissait comme une perte d’espace, et en plus, il y en avait déjà un en bas de la rue. Leurs amis dans la ville alentour d’Omer ont pourtant fait appel au contremaître de Bittker pour construire leur propre abri.

« Tout le monde leur a dit, ‘vous êtes fous’ », raconte Bittker.

Trois heures plus tard, les roquettes ont commencé à atteindre Omer. Maintenant, explique Bittker, elle ne dit jamais non à une invitation à dîner de ses amis, sachant qu’il y a toujours un endroit blindé dans leur maison.

Dans sa propre maison, il manquait pourtant d’une pièce sécurisée bien à eux. Ils n’avaient pas à s’inquiéter tant Meitar demeurait hors de portée des roquettes.

« Nous avons toujours eu un faux sentiment de sécurité », explique Bittker.

Mais en 2012, les roquettes du Hamas ont commencé à atteindre Meitar aussi, et parce qu’elle avait promis à sa défunte mère qu’elle construirait une chambre forte pour les petits-enfants, Bittker et son mari ont commencé à le prévoir.

La chambre forte, ou mamad, est un terme né pendant la guerre du Golfe de 1990, quand les gens devaient courir vers un espace abrité, où ils mettaient des masques à gaz et attendaient les Scuds lancés depuis l’Irak. On parlait alors de « pièce close » à cause des fenêtres et portes recouvertes de plastique qui protégeaient les occupants contre les armes chimiques.

Au cours des 20 dernières années, les préférences du Commandement de la Défense passive de l’armée israélienne ont évolué, favorisant d’abord les abris contre les bombes en sous-sol ou les chambres fortes puis les espaces protégés en hauteur. Chaque nouvel immeuble doit contenir une chambre forte, ou mamad, acronyme de merhav mugan dirati, construite en béton armé avec une lourde fenêtre fermée et une porte de coffre-fort en acier pouvant protéger ceux à l’intérieur des explosions de roquettes.

Dans des temps pareils, tout le monde se bat pour ce genre de chambre forte, raconte Shahaf Pripaz, dont la compagnie, Migun Lekoulam (Protection pour tous) donne des avis et assure ce genre de construction.

« La demande est incroyable actuellement, je n’ai jamais vu quelque chose de semblable dans le passé », affirme Pripaz, qui vit dans la localité d’Erez, près de Gaza. « C’est vraiment une période folle ; je suis au téléphone tout le temps ».

Il existe une bonne quantité de fausses informations sur les exigences relatives à la chambre forte et sa construction.

Déplacement d'un abri à Ashkelon (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)
Déplacement d’un abri à Ashkelon (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)

« Les sociétés d’ingénierie sont souvent des intermédiaires pour rien », explique-t-il. « Les gens paient beaucoup et n’ont pas de véritables chambres fortes. Cela fait descendre les prix mais ils ne reçoivent pas les vraies installations ».

La société de Pripaz offre trois types de chambres fortes, parmi elles la megunit, une sorte de hangar indépendant qui coûte entre 30 000 et 40 000 shekels, pouvant être posé intacte dans l’arrière-cour.

« J’ai vendu plus de 100 de ce type ces cinq derniers jours », raconte-t-il. « C’est une autre pièce pour la maison, mais c’est simple et ce n’est pas cher ».

Il existe également la possibilité d’utiliser une pièce de la maison et de la fortifier en ajoutant du béton supplémentaire et de l’acier pour les murs, et remplaçant la porte et la fenêtre par des versions en acier renforcé. C’est une bonne option pour les gens plus âgés qui ne veulent pas s’éloigner au son de la sirène, a-t-il dit.

Puis il y a l’option d’une chambre forte liée à la maison, c’est la solution que le Commandement de la Défense passive préconise, explique Pripaz. C’est bien plus cher, avec des prix allant de 50 000 à 100 000 shekels, et Pripaz affirme que les clients potentiels sont des consommateurs vigilants.

« Les gens achètent la première marque qui apparaît sur Internet », explique-t-il. « Si vous comptez le faire, il faut que vous vous assuriez que le contremaître utilise le bon ciment et connaisse la bonne épaisseur ».

C’est un processus très bureaucratique, fait remarquer Charles Yawitz, associé chez Price Piltzer Yawitz Architectes.

Quand le Commandement de la Défense passive a insisté sur l’installation de chambres fortes dans tous les foyers, c’était HAGA, Hagana Ezrahit, ou l’organisation civile de la défense, qui devait signer tous les permis.

Mais ils ne donnaient pas les informations exactes.

« C’est une sorte de procédure secrète », rit Yawitz. « HAGA donnait les informations, ce n’était pas top secret, mais ce n’était pas un livre pour autant. C’était selon le secret-défense ».

Les architectes et les contremaitres se dirigeaient vers les bureaux de HAGA dans la base militaire ou l’infrastructure de l’armée la plus proche pour remplir les documents pour toute demande de chambre forte. Il n’est pas rare de se voir opposer un refus, explique Yawitz. Il a fallu 10 ans pour que le processus soit un peu simplifié par le Commandement de la Défense passive qui désormais publie sur son site Internet les spécificités de la chambre forte.

« Ils sont toujours en train de mettre à jour les exigences, ils veulent être sûrs que vous ne vous retrouviez pas avec une version moins coûteuse », dit Yawitz. « Ils veulent des fenêtre et des portes scellées et des systèmes de filtration de l’air en cas d’attaque chimique. Et l’architecte essaye souvent d’obtenir au développeur ou au client la plus simple version ».

Une chambre à coucher dans un abri (Crédit : autorisation)
Une chambre à coucher dans un abri (Crédit : autorisation)

L’autre inconvénient de la chambre forte c’est qu’elle « prend une pièce de la maison » explique-t-il, « et l’enlaidit ».

Bien qu’elle ait une épaisse et lourde porte de métal (que les contremaitres suggèrent souvent d’enlever et de mettre de côté jusqu’à ce qu’elle soit nécessaire), une seule fenêtre et beaucoup d’acier à l’intérieur, elle finit souvent en chambre normale dans les maisons israéliennes.

« Très peu de gens la laissent vide », remarque Yawitz. « C’est la même histoire depuis toujours pour les abris anti-bombes (dans les immeubles). Ils sont utilisés pour ranger des objets, pour les poussettes et autres, et quelqu’un doit les nettoyer quand les sirènes commencent à se déclencher ».

Dans les résidences privées que Yawitz conçoit, la chambre forte devient souvent « la garçonnière », raconte-t-il. Un repaire confortable pourvu d’un grand écran de télévision, de certains équipements sportifs et parfois même une table de billard.

« J’ai conçu plus d’une garçonnière », explique-t-il. « Ils décident que ce sera au sous-sol, donc ça ne gâche pas une chambre, et doit avoir une taille minimale, et à un moment l’homme de la maison dit, ‘je pense que j’en ferai mon bureau’ ».

Mais de nombreux Israéliens n’ont pas l’option garçonnière.

Ehud Zion-Waldoks – qui travaille avec Bittker au département communications de l’université Ben-Gourion dans le Néguev – a déménagé à Beer Sheva avec sa jeune famille il y a quelques années et observe de nombreuses mises à jour régulières sur Facebook sur la manière de s’adapter aux sirènes constantes.

Une aire de jeux construite dans un abri anti-bombe à Sderot (Crédit : Mitch Ginsburg/Times of Israel)
Une aire de jeux construite dans un abri anti-bombe à Sderot (Crédit : Mitch Ginsburg/Times of Israel)

Il y en a qui courent à chaque fois à l’abri anti- bombes du quartier, généralement utilisé à d’autres fins pendant les périodes plus calmes. Il peut se transformer en théâtre, en synagogue, en salle de yoga ou de danse, voire même en bar. L’utiliser à d’autres fins assure que les résidents savent où il se trouve, explique un porte-parole du Commandement de la Défense passive.

En effet, le fils de Sophie Kaye, âgé de 6 ans et demi, ne voulait pas quitter leur abri de quartier sur Tel Aviv la semaine dernière car il grimpait aux murs, littéralement.

« Il est utilisé comme un genre de local alternatif pour des cours de kung-fu », raconte Kaye. « Il comporte toutes les sortes de matelas et un grand mur d’escalade ».

Pour Bittker, la construction de leur propre chambre forte démarrera à la mi-août.

« C’était cher et long, mais au moins j’ai le sentiment que nous avons pris la bonne décision », affirme-t-elle.

Comme il s’est avéré, ils n’ont pas pu construire de chambre forte sous la maison, car le plafond était trop bas. A la place, ils en auront une derrière la cuisine. Il fera office de chambre d’amis, avec la machine à coudre de Bittker installée dans un coin.

Pour l’espace vide sous la maison, il sera transformé en chambre familiale.

« Nous allons tous y gagner », explique-t-elle. « Je construis une chambre forte dans laquelle je me sens forte ».

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