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La Pologne invite Noa Kirel à visiter le pays après ses propos à l’Eurovision

Varsovie a évoqué des paroles "douloureuses" : la chanteuse avait dit que les 12 points accordés par la Pologne étaient une "victoire" après la mort de sa famille à Auschwitz

L'Israélienne Noa Kirel d’Israël, lors de la cérémonie des drapeaux, avant la Grande Finale du Concours de la chanson Eurovision à Liverpool, en Angleterre, le 13 mai 2023. (Crédit : AP Photo/Martin Meissner)
L'Israélienne Noa Kirel d’Israël, lors de la cérémonie des drapeaux, avant la Grande Finale du Concours de la chanson Eurovision à Liverpool, en Angleterre, le 13 mai 2023. (Crédit : AP Photo/Martin Meissner)

Des responsables polonais ont déclaré, samedi, qu’ils allaient inviter la jeune femme qui a représenté Israël lors de l’Eurovision, la pop-star Noa Kirel, dans le pays – une visite qui, selon eux, lui permettra d’apprendre à connaître davantage la Pologne après des propos « douloureux » que la chanteuse avait tenus au sujet du pays.

Kirel, qui est arrivée troisième du classement lors de l’Eurovision, a suscité la controverse en Pologne où elle a notamment été critiquée par les politiciens et dénoncée par les médias polonais pour avoir déclaré que les 12 points – la note maximum – octroyés par ce pays d’Europe de l’Est étaient une « victoire » pour elle et pour le peuple d’Israël.

« Quand la Pologne accorde douze points à Israël après l’assassinat, pendant la Shoah, de presque toute la famille dont je porte le nom, c’est une victoire », avait déclaré Kirel devant les caméras de la chaîne publique Kan juste après le concours.

« Le fait de recevoir 12 points de la part de la Pologne, après ce qu’ont vécu ma famille et tout le peuple d’Israël pendant la Shoah… Vraiment, des moments comme celui-là sont réellement une victoire », avait-elle ajouté quand un journaliste du site d’information Ynet lui avait demandé ce que signifiait pour elle le fait de recevoir la note maximum de la part de la Pologne.

Les membres de la famille paternelle de Kirel avaient été tués à Auschwitz. Elle avait visité le camp de la mort avec son père en 2019.

Dans un long post publié samedi sur les réseaux sociaux, le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Paweł Jabłoński, a écrit qu’il inviterait Kirel dans le pays « pour comprendre pourquoi elle a cette opinion de notre patrie et pour lui expliquer pourquoi ce qu’elle a dit est douloureux pour nous ».

Un incident qui relève de différends de longue date entre Israël et la Pologne sur l’initiative prise par Varsovie, depuis quelques années, de minimiser la responsabilité assumée par les Polonais dans les persécutions et dans les meurtres massifs des Juifs sur son territoire pendant le génocide.

Jabłoński a ajouté que Kirel devait « venir voir de ses propres yeux les lieux où l’Allemagne nazie a commis des crimes cruels contre les Polonais et contre les Juifs dans notre pays ».

Jabłoński a ajouté que si de nombreux Israéliens considèrent que « la Pologne a été la complice active des crimes allemands, et non la victime de l’Allemagne », c’est « souvent le résultat d’un manque de connaissance, d’un enseignement des faits incomplet et pas tant de la mauvaise foi ».

Le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Pawel Jablonski, à Varsovie, en Pologne, le 8 septembre 2020. (Crédit : Czarek Sokolowski/AP)

Il a évoqué les voyages qui permettent aux jeunes Israéliens de venir en Pologne, affirmant qu’ils donnaient une image incorrecte de la Shoah aux visiteurs.

Des voyages qui sont au cœur d’un accord qui a été récemment signé entre Israël et la Pologne pour tenter de favoriser la reprise de relations diplomatiques tendues depuis longtemps.

Cet accord a été très critiqué au sein de l’État juif. Il est accusé de coopter le positionnement adopté par les Polonais, même si les spécialistes soulignent les preuves importantes qui attestent de la coopération qui avait été mise en place entre les Polonais et le régime nazi.

L’accord signé représente une avancée dans la normalisation des liens avec la Pologne qui, il y a encore quelques années, était l’un des pays les plus pro-israéliens de toute l’Union européenne. Les relations s’étaient détériorées en 2018 après l’adoption, par la Pologne, d’une législation qui interdisait toute incrimination de la nation polonaise dans les crimes commis par le régime nazi. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Yair Lapid, avait déclaré que cette loi était antisémite, entraînant une querelle diplomatique.

Selon l’accord, les groupes d’élèves israéliens visiteront dorénavant une liste de sites recommandés par la Pologne qui, selon les critiques, donnent une vision dénaturée de la Shoah, ignorent la complicité apportée par les Polonais et glorifient les initiatives qui avaient pu être prises par les Polonais et qui visaient à sauver des Juifs.

La marche des vivants en Pologne, où les participants marchent entre Auschwitz I et Birkenau (Autorisation)

Dans son tweet, samedi, Jabłoński a indiqué que le nouveau cadre des voyages à destination des jeunes Israéliens « nous permettra, à long-terme, de construire de bonnes relations entre notre pays et Israël, sur la base de la vérité – celle que nos deux nations ont été les victimes des crimes allemands – et sur la base de la compréhension mutuelle. »

« Plus nous travaillerons sur ce sujet longtemps, plus nous le ferons de manière efficace, moins il y aura de stéréotypes mauvais ou de propos mensongers qui sont douloureux pour des millions de personnes en Pologne – des propos comme a pu tenir Noa Kirel », a-t-il continué.

Les jeunes Israéliens se rendent traditionnellement en Pologne pendant l’été, entre la Première et la Terminale, visitant les anciens camps nazis afin d’en apprendre davantage sur la Shoah et de pouvoir commémorer ses victimes. Un voyage qui est considéré depuis longtemps comme un rite de passage dans l’éducation israélienne et, avant la pandémie de COVID-19, environ 40 000 élèves israéliens partaient en séjour en Pologne chaque année.

Ce pays avait été le premier à avoir été envahi et occupé par le régime du dictateur nazi Adolf Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale, et son gouvernement avait collaboré avec les troupes fascistes de l’Allemagne. Les membres de la résistance et du gouvernement en exil avaient tenté d’avertir le monde de l’assassinat en masse des membres de la communauté juive et des milliers de Polonais avaient risqué leur vie pour venir en aide aux Juifs.

Néanmoins, des chercheurs spécialisés dans la Shoah ont collecté de nombreuses preuves qui soulignent que des Polonais avaient, eux aussi, tué des Juifs qui tentaient de fuir les forces nazies. Ils ont aussi évoqué les citoyens qui avaient fait du chantage à des Juifs réduits à l’impuissance, et ce, par appât du gain.

Six millions de Juifs – et notamment presque tous les membres de la communauté juive de Pologne, qui avoisinait alors les trois millions de personnes – avaient été assassinées par les nazis et par leurs collaborateurs pendant la Shoah. Les plus grands camps de la mort nazis se trouvaient par ailleurs en Pologne.

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