La « promenade en kippa » à Berlin et l’antisémitisme
Un récent trajet de 45 minutes au cœur d'une zone « no-go zone » pour les juifs suscite de véhémentes réactions
JTA – C’est presque dépassé : envoyer un Juif portant une kippa dans les rues d’une ville européenne pour voir comment les non-Juifs réagissent. Un soi-disant « test d’antisémitisme », c’est fait, ad nauseam.
J’ai donc été un peu surpris la semaine dernière quand j’ai lu un énième article sur le sujet sur le site du journal allemand Die Zeit. La journaliste Mariam Lau a accompagné le rabbin de Berlin Chabad Yehuda Teichtal lors d’une promenade dans un quartier fortement musulman pour voir comment les gens réagiraient.
Comme on pouvait s’y attendre, Teichtal, habituellement joyeux et optimiste – qui, comme l’a noté Lau, ne peut s’empêcher d’être juif avec son chapeau noir, sa barbe et son long manteau – a attiré de nombreux regards et au moins un commentaire antisémite évident en descendant la rue Sonnenallee, désigné par certains locaux comme une rue arabe.
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Quand j’ai posté l’article sur Facebook, je ne m’attendais pas à une tempête de réactions entre ceux qui croient fermement que l’Europe est un foyer de l’antisémitisme musulman, ceux qui pensent que le danger est exagéré à des fins politiques et ceux qui trouvent que ces expériences ne sont pas scientifiques et ne prouvent donc rien.
Pourquoi ce « test » a-t-il été fait maintenant ?
« Le Conseil central des juifs a parlé de « zones sans emploi » ou de « quartiers à problème » pour les Juifs de Berlin depuis un bon moment », a écrit Lau, qui a emmené Teichtal lors d’une marche de 45 minutes à Neukölln, un quartier décrit dans le titre de l’article comme « le cœur de la communauté arabe de Berlin ».
Une autre raison est peut être liée au fait que la population musulmane en Allemagne se développe rapidement. À la fin de 2015, environ 4,4 millions à 4,7 millions de musulmans vivaient en Allemagne.
Et puis il y a les déclics que les articles sur l’antisémitisme génèrent – c’est peut-être la raison pour laquelle les éditeurs ont traduit l’article en anglais. Ils savent que les Juifs américains sont inquiets pour l’Europe, leur crainte alimentée par un mélange volatil de réelles nouvelles et d’incitation de la droite populiste.
Il y a donc eu une éruption de ces expérimentations. Il y a deux ans, les promenades en kippa de Berlin ont décollé à la suite d’attaques mortelles de musulmans contre des juifs en France, en Belgique et au Danemark. Au début de 2015, le Daily Mail et le magazine Vice ont filmé des Juifs qui traversaient divers quartiers de la capitale allemande portant des calottes. Ni l’un ni l’autre n’a reporté d’évènements fâcheux.
Quant à la récente promenade de Teichtal, en plus des regards ostentatoires, les passants d’une voiture ont baissé leur fenêtre et ont fait un commentaire évoquant le Yahoud ou juif. Ce fut la réaction négative la plus évidente. Mais il aurait également été accueilli par quelques sourires dans une partie de la ville où se balade rarement un juif aussi orthodoxe.
Les réactions à l’article de Zeit sur mon mur Facebook ont été rapides et véhémentes.
Un ami a noté que la véritable nouveauté avait été oubliée : Les statistiques de police montrent que la plupart des 170 crimes antisémites reportés à Berlin en 2016 ont été perpétrés par les néo-nazis. (L’article indique également que le Centre d’information et de recherche sur l’antisémitisme de Berlin a enregistré beaucoup plus d’incidents, mais n’a rien dit sur ses auteurs).
Alors que la plupart des commentateurs ont convenu que l’article jouait avec des stéréotypes sur les musulmans, d’autres ont insisté sur le fait qu’un danger encore plus grave pour les juifs était que d’autres juifs refusent de voir la vérité.
Un ami a contesté la réponse de Teichtal à son enfant de 6 ans, qui a été taquiné à l’école pour être juif.
Lau a écrit : « Sa réponse : ‘Rien du tout. Ne faites rien du tout. Ignore-les.’ »
– « Ne faites rien du tout ? Je ne suis pas d’accord », a écrit un ami Facebook en Allemagne dont l’enfant a été une fois traité de « sale Juif » à l’école. L’incident a été signalé au directeur et a même été repris par le professeur d’éthique comme un exemple à suivre pour ne pas injurier vos camarades de classe.
Une promenade sous tension à travers Neukölln peut s’avérer un bon point de départ pour discuter des soucis pressants et réels. Mais un tel test en noir et blanc ne prouve pas grand-chose dans une réalité compliquée et en constante évolution.
Après tout, comme le dit Lau elle-même, juste au nord de la rue Sonnenalle se trouve un café hip israélien – « en fait plutôt un appartement-boutique avec un magasin de disques » – qui affirme son identité dans un lettrage hébraïque en gras.
Son propriétaire, Doron Eisenberg, a affirmé à Lau qu’il n’a jamais eu aucun problème avec ses voisins musulmans ou avec l’antisémitisme. Et il est là depuis plus de 45 minutes.
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