La question n’est pas de savoir si Netanyahu doit partir, mais comment
Il a failli avec sa politique à l’égard du Hamas avant le 7 octobre, et sa présence complique la nécessaire défaite du groupe ; s’il ne veut pas se retirer, ses collègues devraient rechercher une transition qui minimise les divisions nationales et l’impact sur l’effort de guerre
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Ni la proposition de Tsahal d’évacuer les non-combattants de Rafah à Gaza, ni l’opération terrestre de grande envergure contre le dernier grand bastion du groupe terroriste palestinien du Hamas – où se trouveraient quatre bataillons, Yahya Sinwar et ses complices génocidaires, ainsi qu’un grand nombre d’otages – n’ont été approuvées par les États-Unis, qui les considèrent comme irréalisables. De son côté, Netanyahu a annoncé que la date du début des opérations de Tsahal à Rafah avait été fixée. Mais, sans le soutien matériel et diplomatique des États-Unis, aucune opération de ce type ne pourrait ou ne devrait être lancée.
L’opposition publique et politique de la communauté internationale au recours à la guerre par Israël n’a cessé de se renforcer depuis l’invasion et les massacres barbares perpétrés par les terroristes palestiniens du Hamas. Depuis le début, l’absence marquée de tolérance à l’égard du droit de l’État juif à affronter le gouvernement terroriste et militaire qui a envahi Israël et massacré ses civils, n’a fait que s’intensifier – une intolérance alimentée par les partisans et les apologistes du Hamas, embrassée par les antisémites, attisée par de dangereux imbéciles et encouragée par des politiciens sans foi ni loi.
Au fil des mois, l’administration Biden est passée d’une position initiale largement favorable au devoir d’Israël d’éliminer le Hamas, à une sorte d’exaspération profonde et manifeste face au nombre de civils tués à Gaza (même si elle reconnaît le cynisme du Hamas à mettre ces civils en danger). À cela s’ajoutent la crise humanitaire dans la bande de Gaza, le refus de la coalition de Netanyahu d’engager la moindre discussion de fond sur les possibilités d’une gestion viable de la bande de Gaza post-Hamas, et le rejet par le Premier ministre et sa coalition de la notion d’un Israël intégré dans la région. Ce dernier aspect, considéré comme essentiel à la survie même d’Israël par l’administration, exige au minimum une volonté de principe de s’orienter vers une solution à deux États avec une Autorité palestinienne « réformée ».
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Entre le stress des élections qui se profilent et la pression croissante exercée par une partie de la base démocrate, l’exaspération de l’administration Biden s’est de plus en plus focalisée sur Netanyahu. L’hostilité et la méfiance de l’administration à son égard, ainsi que la conviction que sa gestion inappropriée de la guerre après le 7 octobre, ajoutée à son refus, avant cette date, de reconnaître que le Hamas planifiait ouvertement le massacre d’Israéliens, ont fini par influer défavorablement sur sa position à l’égard de la guerre.
En témoigne le refus d’opposer son veto à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur le cessez-le-feu le mois dernier, l’appel de Biden à un cessez-le-feu unilatéral temporaire suite à la mort par erreur par l’armée de l’air de sept travailleurs humanitaires de l’ONG World Central Kitchen (WCK) la semaine dernière, et les allusions à des restrictions sur les munitions et autres fournitures en armement essentielles.
En tant que Premier ministre qui, pendant des années, a poursuivi une politique visant à acheter le Hamas alors que le groupe terroriste développait sa machine de guerre et déclarait ouvertement son intention de l’utiliser, Netanyahu aurait dû, bien entendu, reconnaître immédiatement sa responsabilité dans la pire catastrophe de l’histoire moderne d’Israël. Il aurait dû, dans l’intérêt national, fixer un calendrier pour la transition du pouvoir à travers un processus conçu, de façon cruciale, pour minimiser les perturbations de la guerre contre le Hamas et pour minimiser les luttes politiques intestines au sein d’Israël.
Mais de toute évidence, la psyché de Netanyahu ne semble lui permettre d’admettre le moindre échec. Il reste persuadé que tout le monde, sauf lui, est à blâmer : l’armée et les services de renseignement qui l’ont trompé sur les intentions du Hamas dans les années qui ont précédé le 7 octobre et qui n’ont pas su l’avertir dans les semaines, les jours et les heures qui ont précédé l’invasion ; les opposants politiques qui l’ont brièvement écarté du pouvoir pendant dix-huit mois en 2021-2022 ; l’électorat qui ne l’a pas apprécié à sa juste valeur et l’a contraint à former une coalition avec l’extrême droite messianique ; les critiques des médias ; les nombreux opposants à son projet législatif visant à limiter radicalement le pouvoir du système judiciaire ; le ministre de la Défense qui a averti que la refonte du système judiciaire déchirait la société israélienne tout en encourageant le Hamas et les autres ennemis d’Israël…
C’est pourquoi, alors que les appels au départ de Netanyahu se multiplient tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, il y a fort à parier qu’il se battra bec et ongles pour rester à son poste. Comme il le fait depuis des années, il qualifiera d’ennemi d’Israël quiconque remettra en cause le leadership inégalé qu’il s’attribue. L’idée d’un mouvement consensuel vers des élections anticipées en septembre – comme l’a proposé son rival, maintes fois battu, Benny Gantz – est pour lui un anathème. Passer le relais à un allié compétent ? Et malgré sa santé chancelante, il se refuse en outre à nommer formellement un adjoint.
Ainsi, tout comme lorsqu’il s’est obstiné à continuer à diriger le pays alors qu’il était traduit en justice pour corruption, ou lorsqu’il a persisté dans son attaque contre la démocratie israélienne – au cours de laquelle il a brièvement limogé son ministre de la Défense – aujourd’hui encore, c’est aux quelques hommes et femmes de bonne volonté au sein de sa propre coalition de lui dire que sa présence porte atteinte à l’État d’Israël. Ils se doivent de lui faire savoir que sa présence nuit à l’État d’Israël, que sa politique a renforcé et encouragé le Hamas et que, loin d’être le seul à pouvoir garantir à Israël les marges de manœuvre pratiques et diplomatiques nécessaires à la destruction du Hamas, il est presque le seul à ne pas pouvoir le faire.
Et ce n’est pas le seul message qu’ils doivent lui adresser. Ils doivent aujourd’hui aller au-delà du comportement d’autoconservation cynique et moutonnier dont ils ont fait preuve lors de la crise de la refonte judiciaire et protéger l’électorat qu’ils représentent en organisant une transition ordonnée du pouvoir. Dans une coalition 64-56, il suffit d’une poignée de personnes intègres prêtes à placer les intérêts du pays au-dessus de leurs intérêts personnels et de la peur de la machine pro-Netanyahu.
Israël est en proie à de multiples crises : une guerre au point mort dans le sud, un conflit potentiellement bien pire dans le nord, de vives tensions en Cisjordanie, l’hostilité de la communauté internationale, l’absence d’une diplomatie publique un tant soit peu compétente, une gouvernance dysfonctionnelle qui continue de décevoir les citoyens au niveau le plus élémentaire, et un électorat déchiré par la question du service national pour la communauté haredie, et bien d’autres choses encore. Netanyahu est en fin de compte responsable de toutes ces crises et il compromet la capacité d’Israël à y faire face.
Une fois de plus, il serait préférable pour Israël qu’il prenne seul l’initiative de se retirer, même s’il estime à tort que son départ est injuste. Cela l’aiderait peut-être à se libérer de la terreur inspirée par le tigre d’extrême droite qu’il a porté au pouvoir, s’il avait décidé sa sortie de scène d’ici quelques mois. Et peut-être même pourrait-il alors former un gouvernement traditionnel capable d’élaborer une véritable stratégie pour mener à bien la guerre et préparer un Gaza de l’après-Hamas.
Si son départ doit se faire autrement que de son plein gré, il devra avoir lieu dans le cadre d’un processus politique approprié, de manière à aider Israël à faire face à ce qui est, depuis le 7 octobre, une véritable crise existentielle – une manière, en d’autres termes, qui donnerait au Hamas et aux autres ennemis qui encerclent Israël de bonnes raisons de s’inquiéter et d’avoir peur.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel