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La reconstitution israélienne d’un visage préhistorique, découverte de l’année ?

Découverts pour la première fois dans une cave sibérienne en 2008, les Dénisoviens ont coexisté avec les Néandertaliens et l'Homo Sapiens moderne pendant plus de 100 000 ans

Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

Liran Carmel de l'Université hébraïque dévoile un modèle 3-D du visage dûn espèce humaine préhistorique de Dénisova après avoir mené une recherche en utilisant des données d'ADN, lors d'une conférence de presse à l'Université hébraïque de Jérusalem, le 19 septembre 2019. (Photo par MENAHEM KAHANA / AFP)
Liran Carmel de l'Université hébraïque dévoile un modèle 3-D du visage dûn espèce humaine préhistorique de Dénisova après avoir mené une recherche en utilisant des données d'ADN, lors d'une conférence de presse à l'Université hébraïque de Jérusalem, le 19 septembre 2019. (Photo par MENAHEM KAHANA / AFP)

La prestigieuse revue scientifique Science a annoncé que le travail de scientifiques israéliens ayant reconstitué le visage d’une Dénisovienne adolescente, espèce cousine des humains modernes et des hommes de Néandertal, était l’un des quatre finalistes dans la catégorie « choix du public » du concours « Découverte de l’année ».

Ce sont 23 000 votants qui ont sélectionné les quatre finalistes – un nouveau médicament contre l’Ebola, une technique qui rend « visible » un trou noir, un nouveau médicament contre la fibrose cystique et une nouvelle technique israélienne d’analyse génétique qui permet de visualiser le visage d’une ancienne sous-espèce d’humains.

« Les hommes de Denisova, des cousins disparus de Néandertal, nous sont seulement connus par des petits bouts de fossiles retrouvés dans une cave russe en Sibérie. Pourtant, leurs traces génétiques sont présentes chez les humains modernes, tout particulièrement en Mélanésie et en Australie », peut-on lire sur la page internet de Science. « Cette année, des scientifiques ont utilisé une nouvelle méthode d’étude des protéines pour identifier un os de mâchoire en provenance du Plateau tibétain comme appartenant à un Dénisovien – la première trace physique en dehors de la Sibérie – et d’autres données génétiques du groupe pour reconstituer le visage d’une adolescente dénisovienne ».

Le vote a été clos à minuit lundi. Le 19 décembre, la revue annoncera sa sélection de découvertes, ainsi que le vainqueur du « choix du public » parmi les quatre finalistes.

Découverts pour la première fois dans une cave sibérienne en 2008, les Dénisoviens ont coexisté avec les Néandertaliens et l’Homo Sapiens moderne pendant plus de 100 000 ans. Pourtant, contrairement à leurs cousins néandertaliens, le manque de traces fossiles attestées – et leur état de fragmentation – ne permettait pas de créer une représentation anatomique de cette ancienne espèce.

Portrait d’une adolescente de Denisova. (Maayan Harel)

La technique israélienne révolutionnaire citée par Science, qui a déjà été publiée dans la prestigieuse revue Cell à la mi-septembre, a finalement contribué à lever le mystère.

Une équipe de chercheurs dirigée par le professeur de l’Université hébraïque Liran Carmel et le Dr David Gokhman a mis au point une méthode pour reconstituer ce à quoi ressemblaient nos anciens proches en utilisant du séquençage d’ADN de Dénisoviens à partir d’un unique fragment osseux. Les professeurs Eran Meshorer de l’Université hébraïque, Yoel Rak de l’Université de Tel Aviv, et Tomas Marques-Bonet de l’Institut de biologie évolutionnaire de Barcelone (UPF-CSIC) ont également contribué à l’étude.

Après environ 40 ans de fouilles dans la rivière de la vallée Anui en Sibérie, des scientifiques ont découvert en 2008 les restes d’une espèce d’humains auparavant inconnue. À l’époque, un fragment osseux microscopique, qui a fait l’objet d’une analyse ADN en Allemagne avec les restes des découvertes effectuées dans la cave, s’est révélé être un humain qui n’était ni un Néandertal ni un Homo sapiens.

« Il s’agissait de la première fois dans l’histoire de la recherche qu’un taxon – un groupe taxinomique – a été identifié par analyse ADN », explique la professeure Erella Hovers, paléo-anthropologiste à l’Institut d’archéologique de l’Université hébraïque.

À part ce premier fragment minuscule, qui provenait d’un petit orteil, peu de fragment osseux clairement identifiés comme ayant appartenu aux Dénisoviens ont été découverts, mis à part quelques dents et une mâchoire, récemment, au Tibet. Mais l’ADN des Dénisoviens se retrouve encore chez l’humain moderne, dont environ 6 % chez des Australiens aborigènes, Malaisiens et certaines autres populations d’Asie du sud-ouest. C’est peut-être l’une des remarquables différences génétiques observées chez les Inuits et les Tibétains qui permette à leurs corps de mieux résister au froid extrême et aux hautes altitudes, ont déclaré les chercheurs israéliens.

Une reconstitution en 3D d’une femme de Denisova. (Crédit : Maayan Harel)

Selon le professeur Carmel, qui s’était exprimé en septembre lors de l’annonce de ces découvertes, l’analyse ADN seule n’aurait pas permis aux scientifiques de reconstituer des caractéristiques physiques de cette ancienne espèce, au-delà des vagues informations sur leurs caractéristiques dont leurs cheveux, leurs yeux et leur peau sombre.

Les chercheurs israéliens devaient reconstruire les manières dont ces gènes s’expriment dans un organisme vivant. Comme Liran Carmel l’a expliqué, un têtard qui se transforme en grenouille a le même ADN que sa version adulte, mais ce sont deux organismes différents. L’un a des  branchies et une queue ; l’autre dispose de quatre jambes et peut vivre en dehors de l’eau.

Alors que l’ADN est identique, la manière dont il s’exprime est différente à cause de la méthylation, ou des changements chimiques qui peuvent activer ou désactiver l’ADN.

Pour arriver à comprendre comment un squelette est influencé par la modification de la méthylation de certains gènes, l’équipe de chercheurs a étudié les caractéristiques physiques avec une base de données de maladies dues à un seul gène, comme certains troubles « monogéniques » qui peuvent entraîner des changements dans la structure osseuse comme un petit pelvis.

Cette photo non datée fournie par Bence Viola de l’Université de Toronto en août 2018 montre la vallée au-dessus d’une cave où des fossiles de Denisova ont été retrouvés dans la région russe d’Altai Krai. (Bence Viola/Département d’anthropologie – Université de Toronto/Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology via AP)

Au cours des trois ans d’étude, l’équipe a testé sa théorie en dessinant les caractéristiques physiques de Néandertal, de l’Homo sapiens et des chimpanzés en se basant sur les modèles de la méthylation. Leurs prévisions étaient correctes à 85 %.

L’équipe a ensuite appliqué cette méthodologie de la méthylation aux Dénisoviens et a retrouvé 56 caractéristiques anatomiques différentes des humains modernes et de Néandertal, dont 34 dans le crâne, et incluaient probablement une longue arcade dentaire, pas de menton et un crâne très large.

« Nous avons utilisé cette technique pour tous les gènes influençant la morphologie du squelette et avons proposé une prévision anatomique détaillée de ce à quoi ressemblent les Dénisoviens », a expliqué le professeur Carmel lors de la conférence de presse.

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