La remise en question de la détention d’un terroriste présumé suscite des appels de la coalition à la démission d’un juge
Khaled Kabub, magistrat à la Cour suprême, avait déclaré que le suspect, qui avait lancé des bombes artisanales qui n'avaient pas explosé, pouvait avoir droit à une assignation à résidence, d'autres suspects ayant été libérés dans le cadre d'un accord sur les otages
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Des propos controversés qui ont été tenus par Khaled Kabub, magistrat à la Cour suprême, lors d’une récente audience consacrée à la détention d’un terroriste présumé a entraîné la colère, lundi, des ministres du gouvernement et des députés de la coalition, qui ont appelé à sa démission ou à son limogeage.
Les paroles du juge, prononcées pendant une audience de la Cour suprême en janvier dernier, ont été diffusées pour la toute première fois par la chaîne publique Kan sur la base du compte-rendu de la session qui avait eu lieu ce jour-là.
Pendant l’audience, Kabub avait demandé la raison pour laquelle le terroriste présumé en question ne peut pas être assigné à résidence, avec des dispositifs électroniques de restriction et de surveillance, dans la mesure où certains suspects arrêtés en même temps que lui ont été relâchés dans le cadre d’un accord – l’accord conclu avec le Hamas qui avait permis à certains otages, kidnappés le 7 octobre, de recouvrer la liberté.
Le magistrat avait toutefois statué, au final, que le terroriste présumé resterait en détention.
Le ministre des Communications Shlomo Karhi, qui appartient au Likud, s’en est pris à Kabub, disant qu’il avait cherché à octroyer au Hamas un « bonus » de négociations et il a appelé au limogeage du juge, tandis que l’organisation de droite BTsalmo a porté plainte auprès du Bureau du médiateur d’État chargé des magistrats.
L’audience en cause concernait un individu originaire de Jérusalem-Est qui avait été impliqué dans des émeutes qui avaient éclaté dans le quartier Sur Baher, au mois de novembre 2022. Le suspect, aux côtés de trois mineurs, avait jeté des bombes artisanales qu’il avait fabriquées. Les bombes n’avaient pas fait de blessé.
Lors de l’audience à la Cour suprême, au mois de janvier, qui était consacrée à une demande soumise par le Bureau du procureur de l’État qui réclamait une nouvelle prolongation de la détention de l’individu, Kabub avait demandé au représentant du procureur de l’État si une assignation à résidence assortie d’une surveillance et de restrictions électroniques pourraient être envisagées à la place de l’emprisonnement.
Il avait noté que trois des autres suspects arrêtés dans le cadre du même dossier avaient été relâchés et il avait affirmé que l’homme au centre de l’affaire pouvait ainsi, lui aussi, faire l’objet de mesures plus indulgentes.
Lorsque le procureur de l’État avait fait remarquer que les trois suspects ayant retrouvé la liberté avaient été relâchés dans le cadre de l’accord sur les otages qui avait été conclu avec le Hamas, Kabub avait insisté sur le fait que c’était bien son Bureau qui avait accepté leur libération et qu’il était donc raisonnable d’envisager d’alléger les dispositions portant sur la détention de l’individu.
« Vous avez estimé que leur remise en liberté était appropriée. Libérer ces personnes et affirmer que celle qui nous occupe présente un tel degré de dangerosité qu’il ne pourrait être relâché avec des restrictions et une surveillance électronique, il semble qu’il y ait une certaine dissonance entre ces deux positionnements… Le positionnement de l’État est bien rigide », avait dit Kabub.
Le magistrat avait finalement accepté la prolongation de 90 jours de la détention de l’homme mais il avait demandé à la Cour de district de Jérusalem de réfléchir à la possibilité d’une assignation à résidence, assortie d’une surveillance électronique et de restrictions.
En réponse à ces propos, Karhi a accusé Kabub d’apporter son soutien à la stratégie de négociation du Hamas.
« Le Hamas a assassiné, le Hamas a massacré nos fils et nos filles et il tente de nous obliger à libérer des meurtriers incarcérés en échange de nos otages, et le juge Kabub apporte sa pierre à l’édifice en accordant au Hamas un bonus dans le cadre de cet accord pour des terroristes qui sont encore en prison », s’est insurgé Karhi.
« La Commission de sélection judiciaire doit se réunir pour destituer sans délai le juge Kabub », a ajouté le ministre.
Moshe Saada, député du Likud, a déclaré que les propos tenus par le magistrat reflétaient « une déconnexion totale » avec la réalité. L’ultra-nationaliste Limor Son Har Melech a jugé que les propos du magistrat « étaient graves et scandaleux », appelant également son renvoi.
Le Bureau du Procureur de l’État, à Jérusalem, a dit à Kan qu’il rejetait les arguments avancés par Kabub, et il a insisté sur le fait que ce n’était pas lui qui avait décidé quels prisonniers palestiniens libérer dans le cadre de l’accord conclu au mois de novembre avec le Hamas, mais bien le gouvernement et le Shin Bet.
Il a ajouté qu’indépendamment de l’instance chargée de prendre ce genre de décision, le processus « ne doit influencer en rien les poursuites intentées contre les suspects n’ayant pas été intégrés dans l’accord sur les otages ».
L’Autorité judiciaire a indiqué en réponse que « les tribunaux ne s’expriment que par le biais de leurs décisions et de leurs jugements et seulement par ce biais-là », en référence au fait que Kabub avait finalement décidé de prolonger la détention du suspect.
Au cours des dernières semaines, des plaintes contre le magistrat ont été déposées au Bureau du médiateur du système judiciaire israélien pour des violations présumées des règles d’éthique imposées aux juges.
Il a notamment mis en cause pour avoir, semble-t-il, fait la promotion du cabinet d’avocats de sa fille à plusieurs occasions et pour avoir rencontré le maire de Tel Aviv, Ron Huldaï, une entorse faite au code de conduite des magistrats.