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La 'langue universelle' de la technologie

La Start-Up nation peut-elle être un incubateur pour les entrepreneurs palestiniens ?

Une initiative propose aux diplômés en informatique en Cisjordanie des stages à Jérusalem dans des entreprises multinationales et israéliennes

Dov Lieber est le correspondant aux Affaires arabes du Times of Israël

Des stagiaires du Programme de stages palestiniens (PIP) lors d'une visite au centre de recherche et développement de Microsoft à Herzliya le 20 juillet 2016 (Crédit : Autorisation)
Des stagiaires du Programme de stages palestiniens (PIP) lors d'une visite au centre de recherche et développement de Microsoft à Herzliya le 20 juillet 2016 (Crédit : Autorisation)

Lorsque Sari Taha, 28 ans, a commencé sa formation en génie mécanique à l’université Birzeit de la ville de Ramallah, en Cisjordanie, il savait qu’il devrait rechercher un emploi en Arabie Saoudite ou aux Emirats Arabes Unis quatre ans plus tard.

Taha n’a pas réussi à trouver un emploi dans le Golfe. A la place, il a travaillé dans une entreprise de construction locale avant de trouver un emploi pour six mois au Nigeria. Ensuite, il est retourné chez lui, pour travailler dans le secteur de la restauration. Finalement, il a décidé qu’il allait reprendre les études et se spécialiser dans le domaine des affaires à l’Institut Technion à Haïfa.

Les problèmes de Sari font partie du défi propre aux jeunes Palestiniens qui cherchent à pénétrer le marché de la technologie.

Environ 2 000 diplômés en informatique sortent des universités palestiniennes chaque année, selon un rapport de Paltrade 2014. Mais il n’y a pas assez d’emplois pour eux en Cisjordanie, et selon le rapport, ces diplômés ne sont pas « suffisamment qualifiés » pour travailler sur le marché palestinien. La conséquence est que la plupart des diplômés doivent chercher des emplois dans le Golfe. Et la concurrence est féroce là-bas.

Quatre ans plus tard, Taha a vendu ses actions d’une start-up qu’il avait cofondée, il est à présent en train de mettre en place le tout premier parc technologique palestinien, qu’il espère transformer en une Silicon Valley de la Cisjordanie. La ville de Rawabi – la première ville palestinienne, planifiée avant sa construction, est présentée comme un exemple de ce qui peut être réalisé dans un futur Etat palestinien et devrait accueillir le parc.

Le destin de Taha, un résident de Jérusalem-Est, a été modifié grâce au Programme de stages palestiniens (PIP), une initiative financée par l’USAID qui existe depuis trois ans et qui recrute des diplômés palestiniens en informatique et les envoie faire des stages dans des multinationales et des start-up israéliennes.

L’objectif ? Que ces stagiaires palestiniens puissent acquérir les connaissances nécessaires pour fonder une start-up prospère et compétitive et qu’ils ramènent leurs connaissances chez eux pour contribuer à la construction d’une filière palestinienne en haute technologie.

Sans ressource naturelle et sans le contrôle sur leurs propres frontières, les Palestiniens espèrent que la haute technologie pourra jouer un rôle majeur dans leur économie délabrée. Selon la Banque mondiale, le produit intérieur brut (PIB) palestinien a diminué depuis 2013, principalement en raison de la baisse de l’aide étrangère.

‘Une expérience que vous ne trouvez pas en Cisjordanie’

L’initiative PIP a été mise en place par Yadin Kauffman, un immigrant américain en Israël qui a cofondé en 2011 Sadara (le mot arabe pour « avant-garde »), la première société de capital-risque ciblant les start-ups dans le domaine de la technologie palestinienne.

Le président et le fondateur du PIP, Yadin Kauffman, qui est également le co-fondateur de Sadara Ventures / Middle East Venture Capital Fund, le premier fonds investissant dans les sociétés technologiques palestiniennes (Crédit : Autorisation)
Le président et le fondateur du PIP, Yadin Kauffman, qui est également le co-fondateur de Sadara Ventures / Middle East Venture Capital Fund, le premier fond investissant dans les sociétés technologiques palestiniennes (Crédit : Autorisation)

Le fonds d’investissement de 30 millions de dollars recueilli par Sadara, qui est soutenu par des investisseurs de premier plan, dont George Soros, le fondateur d’AOL, Steve Case, et l’ancien président d’eBay Jeff Skoll, ainsi que Google, Cisco et la Banque européenne d’investissement, ont soutenu six compagnies palestiniennes dont trois sont des start-up.

Mais l’initiative PIP de Kauffman, qui a commencé à proposer les premiers stages pendant l’été 2014, vise à fournir au secteur technologique palestinien un autre type de capital : l’expérience.

« J’ai vu, lors de mon travail d’investissement dans des sociétés palestiniennes qu’il y avait beaucoup de jeunes diplômés talentueux venant des universités palestiniennes qui n’avaient eu aucune occasion de travailler et d’acquérir de l’expérience dans une entreprise technologique de grande taille », a souligné Kauffman dans une interview accordée au  Times of Israel.

« C’est quelque chose qui est important pour le perfectionnement professionnel de ces jeunes diplômés.»

Kauffman, qui a participé au boom de la technologie israélienne dans les années 1980 en tant qu’investisseur, a comparé les stages palestiniens en Israël à l’expérience précieuse qu’ont reçue les Israéliens dans la Silicon Valley.

Les stages PIP sont des stages de trois mois rémunérés, complétés par des ateliers, des visites d’entreprise, des événements pour se créer un réseau et de mentorat. Kauffman admet qu’il y a une limite à ce qu’on peut apprendre en si peu de temps. « Mais », a-t-il ajouté, « au moins, ils peuvent voir à quoi ressemble une entreprise importante ».

Nadine Handal, une étudiante, qui a participé au PIP de Jérusalem-Est et qui a fait du développement de logiciels lors d’un stage chez Intel, a déclaré que le programme offrait une « expérience unique … différent de celui que vous pouvez trouver en Cisjordanie ».

« Le PIP essaie de vous mettre dans un environnement avec des professionnels qui ont une grande expérience dans l’industrie et qui ont une exposition dans les marchés mondiaux. Je voulais avoir ce genre d’expérience », a-t-elle ajouté.

Après avoir terminé son stage, l’étudiante de Jérusalem-Est a été embauchée par Intel et elle y a travaillé pendant quelques ans.

Après avoir quitté son emploi en Israël, Handal, qui a étudié le génie informatique en Cisjordanie, étudie actuellement l’analyse des données aux États-Unis. Son objectif est d’ouvrir sa propre société palestinienne d’analyse de données.

« J’espère être l’une des personnes qui apporteront ces nouvelles connaissances à ma communauté et au secteur informatique palestinien », a-t-elle déclaré.

« Cela peut offrir des opportunités d’emploi à un grand nombre de jeunes talents palestiniens qui cherchent des opportunités. Ils apprendront à connaître un nouveau domaine en plein essor et se familiariseront avec les progrès de la technologie dans le monde ».

Le taux de chômage dans les Territoires palestiniens à la fin de l’année 2016 était de 27 % (18 % en Cisjordanie et 42 % à Gaza) et la création d’emplois n’a pas suivi le rythme de croissance de la population active, selon la Banque mondiale.

Handal a indiqué que les séminaires sur les entreprises du PIP, au cours desquels les meilleurs enseignants, y compris de Harvard et de Brown, formaient les stagiaires en entrepreneuriat, lui avaient été forts utiles.

« Je les ai trouvés très importants pour moi, surtout parce que je viens d’une formation technique avec peu de connaissances dans les affaires et en gestion », a-t-elle fait valoir.

Une relation gagnant-gagnant, strictement commerciale

Le PIP, qui a été incorporé aux États-Unis et qui reçoit des fonds de l’USAID, est intentionnellement apolitique. Il s’agit uniquement de business.

Mais le fondateur du PIP soutient que les Palestiniens et les Israéliens – si on élimine les extrémistes politiques des deux côtés – seront les bienvenus.

« Presque tout le monde s’accorde à dire qu’il est dans l’intérêt d’Israël d’avoir une économie palestinienne qui se développe, capable d’employer des gens et de réussir. La plupart des gens ici [en Israël], à droite comme à gauche, comprennent que cela n’est pas dans notre intérêt d’avoir du chômage ou d’avoir un exode des cerveaux », a déclaré Kauffman.

Jesse Divon, 31 ans, originaire d’Angleterre, a été chargé par Kauffman de gérer le programme PIP.

Le coordonnateur des programmes du PIP, Jesse Divon, s'adressant aux candidats éventuels à Jérusalem le 14 novembre 2016 (Crédit : Autorisation)
Le coordonnateur des programmes du PIP, Jesse Divon, s’adressant aux candidats éventuels à Jérusalem le 14 novembre 2016 (Crédit : Autorisation)

« Le PIP fait tout le travail de base pour les sociétés d’accueil – le recrutement, la sélection, l’obtention des permis, l’hébergement près de l’entreprise, les signatures des contrats, et ainsi de suite. Les sociétés d’accueil ont seulement à faire passer les entretiens aux candidats proposés par le PIP et – si ça colle – ils commencent à travailler ».

Divon a déclaré que bien que la logistique pour amener les Palestiniens de la Cisjordanie en Israël ne soit pas simple, l’Administration civile israélienne et l’organisme militaire responsable des affaires civiles palestiniennes ont été « coopératives » dans la délivrance des permis pour les stagiaires pendant la durée de leur séjour en Israël.

Le processus d’approbation pour les stagiaires PIP est « très sélectif », selon Divon. Seuls ceux qui montrent un véritable potentiel pour atteindre l’objectif du PIP – c’est-à-dire dynamiser le secteur hi-tech palestinien – sont pris en charge. Jusqu’à présent, il y a eu 30 stagiaires sélectionnés par le PIP. Dans la dernière série de sélection pour les stages qui ont commencé au début de l’année 2017, Divon estime que seuls environ 10 à 15 % des candidats obtiendront un stage dans une entreprise.

Jusqu’à présent, plus d’un tiers des stagiaires ont continué à travailler dans leur société d’accueil après la fin du stage, ce qui est, selon Divon, un chiffre « particulièrement élevé compte tenu des obstacles logistiques », a-t-il déclaré.

« Du côté de l’entreprise, il est souvent surprenant de voir à quel point ils tirent des bénéfices de la participation au programme. Les stagiaires dépassent souvent les attentes, tandis que les entreprises voient également là une opportunité d’accroître la diversité des employés et de s’engager dans la responsabilité des entreprises », a fait valoir Divon.

Le secteur de la haute technologie palestinienne est constitué en grande partie de sociétés qui externalisent ou de copies d’entreprises existantes adaptées au marché de la langue arabe. Par exemple, la première start-up palestinienne est Yamsafer, qui est essentiellement la version du monde arabe de bookings.com.

À ce jour, aucune société dans le domaine de la technologie palestinienne n’a été rachetée par une entreprise plus grande ou une multinationale. Si seulement une entreprise palestinienne était acquise, a estimé Kauffman, cela inspirerait d’autres entrepreneurs palestiniens à tenter d’entrer dans la voie de la start-up et à créer un certain élan.

La « langue universelle » de la technologie

Taha, l’ingénieur mécanicien qui n’arrivait pas à trouver un emploi décent après l’université, a été embauché en août par le développeur de Rawabi, l’homme d’affaires palestinien Bashar al-Masri, pour se joindre à une équipe afin de créer un pôle technologique dans la nouvelle ville palestinienne.

Le pôle technologique, encore en phase de planification, pourrait se révéler crucial pour le secteur palestinien de la haute technologie, et si tout se passe comme prévu, selon Taha, cela peut être aussi une aubaine pour le secteur de la haute technologie d’Israël.

« Le secteur de la haute technologie et des technologies de l’informatique fait partie des rares options dont nous disposons pour créer des emplois et faire croître l’économie pour que l’État ne soit plus aussi tributaire de l’aide étrangère comme aujourd’hui », a fait valoir Taha.

En 2005, le secteur de la haute technologie représentait moins de 1 % du PIB palestinien. En 2008, après avoir investi 15 millions de dollars pour créer trois grandes sociétés d’externalisation en Cisjordanie, le secteur a atteint près de 7 % du PIB, employant quelque 5 000 personnes, selon un rapport Paltrade, publié en 2014.

L’économie palestinienne dépend largement de l’aide étrangère et près d’un quart de la main-d’œuvre est employée par l’Autorité palestinienne, selon un rapport de la Banque mondiale de 2014.

« Ce que nous espérons faire au pôle technologique de Rawabi est de convaincre les entreprises palestiniennes en haute technologie de s’installer ici et d’essayer d’intégrer de petites multinationales pour ouvrir des opérations en Palestine. Cela permettrait d’accroître la qualité et la compétitivité des talents locaux », a déclaré Taha.

La capacité de Taha d’assumer la responsabilité pour la création du pôle technologique de Rawabi est inextricablement liée à son expérience avec le PIP, a-t-il affirmé.

Il a fait son stage chez Takwin labs, un fonds de capital-risque basé à Haïfa qui travaille spécifiquement avec des sociétés arabo-israéliennes spécialisées en haute technologie. Après son stage, il a été embauché pour travailler chez Takwin à temps partiel.

Au sein de l’entreprise israélienne, il a mené des études de marché, fait preuve de diligence raisonnable, participé au développement des affaires et à la budgétisation financière tout en travaillant sur sa propre start-up technologique : une société fabriquant des piles renouvelables au zinc qui pourrait fournir de l’énergie aux pays en développement.

Taha voit le pôle technologique de Rawabi comme étant un futur partenaire naturel avec les centres israéliens de recherche et développement.

« S’ils pouvaient externaliser vers le secteur palestinien, ce sera mieux et cela évitera des tracas », a-t-il déclaré à propos des sociétés spécialisées dans la haute technologie israélienne, dont certaines continuent à externaliser des emplois dans des endroits comme l’Inde et l’Ukraine. Israël fait face à une pénurie d’ingénieurs et de travailleurs qualifiés et cherche à exploiter de nouvelles sources de travailleurs, y compris les femmes, les populations arabes et ultra-orthodoxes qui ont été les oubliés du boom de la haute technologie.

« La Palestine est plus proche en termes de fuseau horaire et de culture. Vous pouvez organiser des réunions entre les équipes. Dans cette génération, les gens appartenant à la technologie parlent tous la même langue. C’est universel », a-t-il souligné.

Les grandes multinationales en Israël, dont Cisco, Microsoft, HP et Intel, externalisent déjà vers des entreprises palestiniennes en Cisjordanie. Depuis 2010, la société israélienne Mellanox Technologies externalise des emplois de programmation auprès de Palestiniens en Cisjordanie.

Requis : juste quelqu’un avec un ordinateur portable

Le Dr Paul Rivlin, le chercheur au Centre Moshe Dayan et le rédacteur en chef du Iqtisadi, une publication mensuelle sur l'économie du Moyen-Orient (Crédit : Autorisation)
Le Dr Paul Rivlin, le chercheur au Centre Moshe Dayan et le rédacteur en chef du Iqtisadi, une publication mensuelle sur l’économie du Moyen-Orient (Crédit : Autorisation)

La population que constitue les travailleurs qualifiés, encore inexploitée, augure un réel potentiel pour le marché palestinien de la haute technologie, a déclaré le Dr Paul Rivlin, un chercheur au Centre Moshe Dayan et le rédacteur en chef d’Iqtisadi, une publication mensuelle sur l’économie du Moyen-Orient.

« Compte tenu du fait qu’il y a une population instruite et qualifiée, on peut être optimiste quant au potentiel du secteur palestinien de la haute technologie », a-t-il déclaré, en particulier dans les technologies basées sur la langue arabe.

« Le marché [palestinien] est très petit, mais la taille n’est pas tout et n’est pas liée à la haute technologie. Vous n’avez pas besoin d’une usine. Vous avez besoin d’un gars avec un ordinateur portable », a-t-il ajouté.

Les restrictions israéliennes rendent les choses plus difficiles pour les entrepreneurs palestiniens, qui ont des difficultés à voyager à l’étranger ou d’inviter d’autres personnes à leurs rendre visite, ce qui réduit leurs capacités à « bâtir la confiance » avec des donateurs ou des collègues potentiels.

Le marché des affaires de l’Autorité palestinienne est également souvent entravé par la nécessité de connaître « la bonne personne », a-t-il ajouté, ce qui rend plus difficile la gestion d’une entreprise.

Mais compte tenu de tout cela, a déclaré Rivlin, les Palestiniens peuvent considérer Israël comme un exemple de marché de la haute technologie capable de surmonter les défis car le pays est à la fois petit et bloqué par les conflits.

« Regardez Israël. Le contexte n’est pas idéal pour réussir », a-t-il souligné. « Pourtant, avec des conflits constants, à la fois intérieurs et à l’extérieur, l’économie a énormément prospéré ».

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