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La Turquie joue la carte libyenne face à ses rivaux régionaux

Menacée de sanctions par l'UE pour ses forages illégaux au large de Chypre, Ankara entend s'appuyer sur son accord avec la Libye pour mettre fin à son isolement en Méditerranée

Des villageois réparent un drapeau turc, dans le village de Sugedik dans la province de, près de la frontière syrienne, le 20 janvier 2018.  (Crédit :AFP PHOTO / BULENT KILIC)
Des villageois réparent un drapeau turc, dans le village de Sugedik dans la province de, près de la frontière syrienne, le 20 janvier 2018. (Crédit :AFP PHOTO / BULENT KILIC)

En signant des accords militaire et maritime avec le gouvernement de Tripoli, la Turquie cherche à damer le pion à ses rivaux régionaux en Libye mais aussi en Méditerranée orientale riche en hydrocarbures, selon des analystes.

Les deux accords ont été signés le 27 novembre lors d’une visite du chef du Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) Fayez al-Sarraj à Istanbul où il avait été reçu par le président turc Recep Tayyip Erdogan, son principal soutien face à l’homme fort de l’Est libyen Khalifa Haftar.

Ankara ne faisait pas de secret de son soutien militaire au gouvernement de M. Sarraj reconnu par l’ONU, et M. Erdogan a même affirmé mardi qu’il était prêt à envoyer des troupes en Libye pour aider le GNA à repousser les assauts des forces du maréchal Haftar, qui bénéficie de l’appui des Emirats arabes unis et de l’Egypte, deux adversaires de la Turquie.

Mais c’est surtout l’accord de délimitation maritime qui a suscité une levée de boucliers, notamment en Grèce, en Egypte et à Chypre, car il permet à la Turquie de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale convoitées par ces trois pays.

« Le GNA s’est tourné vers la Turquie en quête de soutien et de légitimité et comme un moyen de contrecarrer l’influence des acteurs régionaux qui soutiennent Haftar, à savoir les Emirats et l’Egypte », note Alison Pargeter, experte de la Libye au Kings College à Londres.

« Repousser Haftar »

M. Sarraj, que ses détracteurs accusent de s’appuyer sur un salmigondis de milices, « a sérieusement besoin de l’aide de la Turquie pour pouvoir repousser Haftar », ajoute-t-elle.

L’accord maritime est vu par certains analystes comme la riposte de la Turquie à la création en janvier d’un forum de la Méditerranée orientale sur le gaz, dont Ankara a été exclu, lors d’une réunion au Caire de représentants de Chypre, de la Grèce, d’Israël, de l’Egypte, de l’Italie, de la Jordanie et des territoires palestiniens.

« La Turquie craint d’être mise au pied du mur depuis son flanc oriental face au projet de gazoduc liant les champs chypriotes aux marchés européens », décrypte Ege Seckin, analyste au cabinet IHS Markit.

« Les frontières maritimes définies dans l’accord (avec la Libye) couvrent une zone allant du sud-ouest de la Turquie au nord-est de la Libye et se chevauchent dont avec la route prévue de ce gazoduc », ajoute-t-il.

Menacée de sanctions par l’Union européenne pour ses forages illégaux réalisés au large de Chypre, dont elle occupe la partie nord, la Turquie entend s’appuyer sur son accord avec la Libye pour mettre fin à son isolement en Méditerranée orientale et faire valoir des droits sur l’exploitation des hydrocarbures.

Elle a ainsi mis en garde mercredi contre toute activité d’exploration d’hydrocarbures « sans autorisation » dans ses eaux territoriales délimitées par l’accord avec le GNA.

Eviter « une nouvelle Syrie »

Mais cet accord risque de tomber à l’eau si le GNA de Sarraj devait perdre le pouvoir à Tripoli, d’où la détermination d’Ankara à empêcher un tel scénario.

(FILES) L’homme fort de Libye Khalifa Haftar salue pendant une parade militaire à Benghazi, à l’est de la Libye, le 7 mai 2018 (Crédit : Abdullah DOMA / AFP)

« Si Haftar remporte la guerre civile en Libye, la Turquie n’aura aucune autre branche à laquelle s’accrocher en Méditerranée orientale », explique M. Seckin.

Après avoir essuyé un sérieux revers dans le cadre de son offensive sur Tripoli lancée en avril, le maréchal Haftar avait ordonné à ses forces de prendre pour cible les navires et intérêts turcs, d’interdire les vols depuis et vers la Turquie et d’arrêter les ressortissants turcs en Libye.

« Haftar n’est qu’un pirate », avait riposté M. Erdogan, qui compare volontiers le maréchal libyen au président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, sa bête noire.

M. Erdogan a affirmé mardi que les forces de Haftar bénéficiaient aussi du soutien d’une compagnie de sécurité russe, donnant du crédit à des informations de presse, démenties par Moscou, sur la présence de mercenaires russes en Libye.

Mais il a émis l’espoir que la Libye « ne se transforme pas en nouvelle Syrie », pays en proie à une guerre civile où Ankara et Moscou soutiennent des camps opposés tout en oeuvrant ensemble diplomatiquement pour y mettre fin.

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