L’accès à Instagram suspendu dans tout l’Iran en raison des protestations
Le bilan des affrontements s'établit à huit morts, après plusieurs jours d’importantes manifestations suite à la mort d'une femme détenue par la police des mœurs
La population iranienne a vu l’accès à Instagram, l’une des rares plateformes occidentales de réseaux sociaux encore disponibles dans le pays, être vivement perturbé ce mercredi. Cela survient après plusieurs jours d’importantes manifestations qui font suite à la mort d’une jeune femme détenue par la police des mœurs.
Ces perturbations généralisées ont ainsi été signalées par NetBlocks, organisme basé à Londres qui surveille l’accès à Internet dans le monde. S’exprimant sous couvert d’anonymat pour des raisons de sécurité, des témoins en Iran ont indiqué qu’ils n’étaient pas en mesure de se connecter – que ce soit via l’application sur téléphone ou sur la plateforme Internet.
Ces mêmes témoins ont aussi indiqué que le service de messagerie WhatsApp était également inaccessible via le réseau mobile iranien, bien que le service soit toujours disponible via WiFi. L’étendue de la panne n’a pas été déterminée dans l’immédiat.
Ces perturbations limiteraient ainsi la possibilité pour les manifestants de s’organiser et de partager des informations. Les deux services appartiennent à Meta, société mère de Facebook, qui n’a pas répondu à une demande immédiate de commentaire.
Les autorités iraniennes n’ont pas non plus confirmé ces limitations. Néanmoins, le ministre iranien des Télécommunications, Issa Zarepour, cité par les médias d’État, aurait déclaré que certaines restrictions pourraient être imposées « pour des raisons de sécurité ».
L’Iran bloque déjà Facebook, Telegram, Twitter et YouTube – plusieurs hauts responsables iraniens utilisent néanmoins des comptes publics sur ces plateformes. De nombreux Iraniens contournent ces interdictions en utilisant des réseaux privés virtuels, tels que des VPN et des proxys.
Dans le même temps, plusieurs sites Web officiels, y compris ceux du guide suprême, du président et de la Banque centrale, ont été brièvement mis hors-ligne après que des pirates ont rapporté avoir lancé une cyberattaque contre des agences officielles.
Ces évènements sont survenus alors que, plus tard dans la journée dans nombre de villes d’Iran, comme dans le nord-ouest à Ourmia et Sardasht, des manifestations nocturnes ont encore éclaté mercredi soir pour la cinquième nuit consécutive.
Elles se succèdent dans une quinzaine de villes depuis l’annonce du décès de Mahsa Amini, vendredi, jusqu’à la ville sainte de Qom, au sud-ouest de Téhéran, cité natale du guide suprême iranien Ali Khamenei.
Le bilan s’établit à six morts selon les autorités iraniennes, auxquels il faut ajouter deux personnes tuées dans la nuit de mardi à mercredi selon un groupe kurde basé en Norvège.
Amnesty International a également dénombré la mort de six hommes, une femme et un enfant. L’organisation a dénoncé une « répression brutale » et « le recours illégal aux tirs de grenailles, billes d’acier, gaz lacrymogène, canons à eau et coups de bâton pour disperser les manifestants ».
Dans le sud, des vidéos datant apparemment de mercredi montrent des manifestants brûler un portrait immense du général Qassem Soleimani, tué par une frappe américaine en Irak en janvier 2020.
Ailleurs dans le pays, des manifestants ont incendié des véhicules de police, lancé des pierres sur les forces de sécurité et scandé des slogans hostiles au pouvoir, selon l’agence officielle Irna.
La police a riposté par des gaz lacrymogènes et de nombreuses arrestations, a précisé l’agence. D’autres images montrent des manifestants résistant aux forces de l’ordre. Les plus virales sur les réseaux sociaux sont celles où l’on voit des femmes mettre le feu à leur foulard.
Des hommes et des femmes, dont beaucoup avaient ôté leur foulard, se sont rassemblés à Téhéran et dans d’autres grandes villes du pays, selon Irna.
« Non au foulard, non au turban, oui à la liberté et à l’égalité ! », ont crié ces manifestants dans la capitale, leurs slogans ayant été repris par solidarité à New York ou à Istanbul.
Agée de 22 ans et originaire du Kurdistan (nord-ouest), Mahsa Amini avait été arrêtée le 13 septembre à Téhéran pour « port de vêtements inappropriés » par la police des mœurs, une unité chargée de faire respecter le code vestimentaire strict dans la République islamique.
Selon des militants, la jeune femme avait reçu un coup mortel à la tête, une allégation démentie par des responsables, qui ont annoncé une enquête.
Les femmes en Iran doivent se couvrir les cheveux et la police des mœurs leur interdit en outre de porter des manteaux courts au-dessus du genou, des pantalons serrés, des jeans troués ainsi que des tenues de couleurs vives.
Pour Mahtab, une maquilleuse de 22 ans coiffée d’un foulard orange qui laisse voir ses cheveux, interrogée à Téhéran, « le foulard doit être un choix, on ne doit pas nous forcer ».
À la tribune de l’ONU mercredi, le président des États-Unis Joe Biden s’est dit solidaire des « femmes courageuses d’Iran ».