L’alliance pour la paix veut aller plus loin que le partage d’un plat de houmous
Avec l’aide d’un réseau de coordination, le groupe éclectique d’ONG israéliennes et palestiniennes se rencontre pour former une union plus forte, sérieuse sur la construction de la paix

Il existe une ironie tragique parmi les organisations non gouvernementales (ONG) qui travaillent pour la paix et la coexistence : elles doivent se battre les unes contre les autres pour être financées.
Et aussi tenaces qu’elles puissent être dans le combat pour l’argent, les ONG populaires sont mal équipées pour se battre contre des législateurs étrangers afin de garder leur argent et payer leurs équipes.
Dans une tentative d’atténuer de telles disputes ainsi que d’assurer un flot de financements, plus de 90 associations de construction de la paix israéliennes, palestiniennes et jordaniennes ont rejoint un réseau de coordination international, l’Alliance pour la Paix au Moyen Orient (APMO).
L’APMO travaille dans les coulisses du pouvoir pour assurer que les aides continuent, et, peut-être de manière encore plus importante, créer un espace neutre pour que les organisations de toute la communauté incroyablement variée de construction de la paix israélo-jordano-palestinienne puissent se rencontrer et coopérer.
Jeudi dernier, pour la première fois, le réseau de coordination a organisé une conférence durant laquelle les personnes qui avaient pris part aux activités du groupe, ainsi que des personnalités de tout Israël et de Jordanie, se sont rencontrées, ont créé des liens et ont assisté à des séminaires sur la construction de la paix.

Bien que leurs objectifs ultimes puissent être les mêmes, les membres de ces ONG cherchant la paix ne se connaissent pas nécessairement les uns les autres, et leurs moyens de changement effectifs sont variés.
Par un travail environnemental partagé comme la conservation de l’eau ou l’agriculture, par des efforts scientifiques et pédagogiques partagés, des sessions de prières partagées, des entreprises commerciales partagées, et, le plus populaire, des sports partagés (tennis, taekwondo, squash, Basketball et football sont représentés), chaque groupe cherche à hisser le rameau d’olivier à sa façon.

En raison de la situation sécuritaire actuelle à Jérusalem – une vague de violence de six mois surnommée « l’intifada des loups solitaires » a créé des tensions importantes entre résidents juifs et arabes – l’évènement, organisé au YMCA du centre de Jérusalem, n’était pas ouvert au public.
Malgré l’atmosphère empoisonnée et le danger possible, tant d’ONG s’étaient inscrites pour la conférence que les inscriptions ont dû être arrêtées prématurément.
Le long du hall à colonnades du jardin de grands bâtiments du YMCA, les tables sont remplies de cartes de visite, de brochures et même de livres d’enfants écrits en hébreu, en anglais et en arabe.
Assise à l’une de ses tables, Duha Alma, 20 ans, est originaire du quartier Beit Safafa de Jérusalem.

Ces neuf dernières années, Alma a été membre de Joueurs pour la Paix, un groupe qui rassemble des Israéliens et des Palestiniens via le Basketball.
Il y a deux ans, son équipe mixte judéo-arabe, contre tout pronostic et face à un mur de pessimisme, a ramené à la maison le trophée du championnat féminin israélien des moins de 19 ans.
Aujourd’hui, la jeune militante de la paix affronte deux défis.
D’abord, la vague de violence a mené certaines de ses amies palestiniennes à la critiquer parce qu’elle voit ses amies juives.
« Elles disent que nous trahissons et oublions notre peuple. Mais la violence ne nous amène nulle part, à part à plus de violence et plus de morts », a-t-elle déclaré.
‘Elles disent que nous trahissons et oublions notre peuple. Mais la violence ne nous amène nulle part, à part à plus de violence et plus de morts’
« La violence, a-t-elle ajouté, est la voie facile. Nous prenons le chemin long et difficile d’améliorer les choses pour tous. »
Le second défi qu’elle affronte aujourd’hui est le fait que la plupart de ses amies juives sont à présent dans l’armée israélienne.
Certaines de ses amies arabes disent que ses camarades juives, qu’elle voit toujours quand elles ne portent pas l’uniforme, se retourneront contre elle dans l’armée et commenceront à haïr les Palestiniens.
Même si les valeurs de ses amies changent pendant leur service, Alma pense que leur moment ensemble a modifié de manière permanente leur mentalité envers les Palestiniens.
« Je préférerai quelqu’un des Joueurs pour la Paix à un checkpoint plutôt que quelqu’un qui n’a jamais rencontré de Palestiniens. Ils vont nous traiter comme des personnes », a-t-elle dit.
Plus que ‘la paix au houmous’
Joel Braunold, directeur exécutif de l’APMO, a déclaré que la conférence a un message fondamental : modifier l’image de ces ONG comme étant simplement « sympas ».
« Ces choses comptent vraiment dans la vie des gens », a-t-il déclaré.
Pour devenir membre de l’Alliance, les ONG doivent signer un accord déclarant qu’elles s’engagent à changer le statu quo.
En retour, les membres sont représentés par les lobbyistes de l’APMO à Washington.
La plupart de l’argent finançant de telles ONG en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et en Israël vient du programme d’apaisement et de gestion des conflits américains (US AID CMM), qui est réévalué chaque année par le Congrès, ainsi que de financements de l’Union européenne.
Cette année, dans un témoignage sur le travail de l’APMO, le Congrès a alloué 10 millions de dollars de financements CMM pour les ONG pour la coexistence israélo-palestinienne. C’est le morceau le plus important d’un total de 22 millions de dollars que le gouvernement américain réserve aux conflits internationaux.
Braunold pensait qu’environ un tiers des organisations venant à Jérusalem provenait de Cisjordanie. Il semblait cependant que les Arabes étaient majoritaires.
Huda Abuarquob, directrice régionale de terrain de l’APMO et ancienne professeur d’anglais à Dura, en Cisjordanie, a décrit les tentatives peu sérieuses pour la paix comme du « dialogue de houmous ».
« Par exemple, a déclaré Abuarquob, quelque chose comme des femmes se rencontrant autour d’un plat de houmous et parlant de ce qu’est être mère. »
Son travail avec l’APMO, a-t-elle déclaré, « est un dialogue qui nous conduit de parler à marcher ; un dialogue qui travaille à construire de vraies relations de confiance. »
Pour dépasser la paix du houmous, la conférence a fait intervenir un panel d’experts, dont R. David Harden, directeur de la mission d’US AID dans la région, ainsi que Richard Buangan, consul pour les affaires publiques et la diplomatie publique au Consulat des Etats-Unis à Jérusalem.
De plus, des dizaines d’innovateurs exceptionnels de la liste Forbes des 30 de moins de 30 ans d’Israël, un groupe d’environ 60 Israéliens désigné par le magazine comme leaders dans leurs domaines respectifs, étaient présents pour partager leur expertise.
Derrière la quête d’Abuarquob pour une construction sérieuse de la paix, on retrouve une philosophie qui demande qu’elle réussisse pour le bien des Israéliens et des Palestiniens.
La directrice régionale de l’APMO croit fermement aux idées de l’intellectuel brésilien Paulo Freire, résumées dans son livre, Pédagogie des oppressés.
Elle décrit la philosophie de Freire comme « la responsabilité des oppressés de se libérer, et ainsi, de libérer également leur oppresseur. »
Elle donne un exemple de sa philosophie en action : au moment où un survivant de l’Holocauste lui a dit de quitter la Cisjordanie et d’aller vivre à La Mecque.
« J’accepterai cela de n’importe qui au monde mais pas de vous. C’est le genre de rhétorique qui a mené à votre destruction », a-t-elle répondu au survivant. « Il a ensuite pleuré et admis que ses mots venaient d’un sentiment de peur que son peuple affronte à nouveau la destruction. »
Abuarquob souligne qu’elle « résiste » à l’injustice ne venant pas uniquement d’Israël, mais également au sein de la société palestinienne.
« Résistance » est un terme parfois utilisé par les Arabes, particulièrement Palestiniens, comme un euphémisme pour la lutte violente.
Abuquorb est cependant partisane de l’idée que « le dialogue est une forme de résistance ».
‘Le dialogue est une forme de résistance’
Contrairement à la plupart des personnes interrogées pendant la conférence qui se sont plaintes d’être ciblées par des groupes anti-normalisation en Cisjordanie, Abuarquob a déclaré que personne ne l’a encore accusé de « collaborer » avec les Israéliens.
« En fait, a-t-elle déclaré, mes amis proches pendant que c’est un moyen pour engager et apporter la cause palestinienne à la conscience des Israéliens. »
‘Nous ferons tout ce qui peut bénéficier à notre société’
La table de Suzan Qassas, pharmacienne de 24 ans qui travaille à Abu Dis, était couverte de broderies palestiniennes.
Depuis qu’elle a 14 ans, elle est volontaire au centre pour les femmes Shorouq, qui cherche à autonomiser économiquement les femmes palestiniennes en leur apprenant à fabriquer des produits commercialisables comme des broderies et des plats cuisinés pour qu’elles puissent aider leurs familles.

Le centre donne aux femmes des produits crus pour la cuisine et des tissus pour qu’elles puissent travailler avec, et ne demande qu’une petite portion des profits pour couvrir les frais généraux.
Beaucoup des femmes qu’aide Qassas, a-t-elle déclaré, n’ont pas terminé le lycée et peuvent avoir un mari qui est malade et ne peut pas travailler.
La pharmacienne a déclaré qu’elle n’avait pas beaucoup travaillé au centre dernièrement, en partie parce qu’elle vient de se marier et est enceinte. Mais une fois qu’elle a entendu parler de la conférence APMO, elle a décidé de revenir dans le jeu au moins pour une journée de plus.
La mère de Qassa vient du quartier Abu Tor de Jérusalem, et son père, bien qu’originaire de Jaffa, a une carte d’identité de l’Autorité palestinienne de Cisjordanie. Aujourd’hui, ses parents vivent à Abu Tor, mais Qassas dit que le ministère israélien de l’Intérieur n’a pas répondu à ses demandes de vivre dans la capitale. Elle ne sait pas pourquoi et vit seule depuis des années dans la maison de la famille à al-Eizariya, une ville située à l’est de Jérusalem.
Si l’expérience de Qassas avec la bureaucratie israélienne a entraîné une quelconque amertume, elle le cache plutôt bien.
Bien que le centre qu’elle a représenté à la conférence de l’APMO se concentre principalement sur l’autonomisation des femmes palestiniennes, l’ONG avec qui elle travaille mène aussi un projet qui amène les enfants palestiniens de la région d’al-Eizariya à rencontrer des enfants israéliens à Jérusalem.
« C’est quelque chose en plus. Nous ferons tout ce qui peut bénéficier à notre société », a déclaré Qassas.
Le centre commence aussi un projet pour aider les femmes palestiniennes souffrant d’un cancer du sein.
Depuis le poste d’observation qu’avait Qassas pendant l’entretien, elle a pu voir toutes les tables représentant les ONG pour la paix.
Scannant son environnement, elle a déclaré que « chaque organisation a son rôle, sa propre voie. Mais je suis heureuse que nous soyons tous ici pour travailler ensemble vers le même objectif. »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel