L’antisémitisme actuel ressemble à celui des nazis, disent des rescapés de la Shoah
Les survivants du génocide comparent les incidents antisémites qui ont suivi l'attaque du Hamas à la discrimination des nazis : "C'est ainsi que cela a commencé avec les Allemands"
JTA – Les similarités ne manquent pas : verre brisé, bâtiments incendiés, magasins fermés, juifs assassinés.
Quatre-vingt-cinq ans après la Nuit de Cristal, ces émeutes contre les Juifs qui ont marqué un tournant brutal dans la campagne de persécution nazie en Allemagne, les survivants de la Shoah affirment que ce qui s’est passé dans le sud d’Israël le 7 octobre – et la façon dont ils ont vu le monde réagir depuis – leur rappelle ce qu’ils ont vécu dans leur enfance.
« Je n’en croyais pas mes yeux lorsque j’ai vu les événements du 7 octobre se dérouler », a déclaré Maud, qui vit aux États-Unis, dans son témoignage enregistré cette semaine par la Marches des Vivants, une organisation qui fait visiter à des groupes les sites des camps de concentration en Europe.
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« Je n’arrive plus à dormir depuis ; cela m’a rappelé tellement de souvenirs. C’est tellement visuellement proche de ce que j’ai vu quand j’étais enfant. J’ai du mal à supporter ce que je lis, ce que j’entends et ce que je vois à la télévision. Je n’arrive pas à l’accepter. C’est tellement difficile. »
La Marches des Vivants a partagé les témoignages de huit survivants vivant dans quatre pays en amont de la commémoration de l’événement, qui est généralement marqué par de sombres cérémonies au cours desquelles les responsables gouvernementaux réaffirment leur engagement à respecter la promesse de « Plus jamais ça », faite après la Shoah.
Cette année, ce cri de ralliement peut sembler plus difficile à faire entendre, un mois seulement après l’attaque du Hamas contre Israël, qui a fait 1 400 morts, des milliers de blessés et durant lequel des centaines d’otages ont été emmenés à Gaza.
En raison des sévices qu’elles ont subis, et notamment de leur incinération, de nombreuses victimes n’ont encore pu être identifiées, comme en témoignent les personnes qui ont travaillé sur les sites des massacres et à qui ces actes ont rappelé les pires horreurs de la Shoah. L’attaque et la réponse militaire d’Israël ont déclenché une montée de l’antisémitisme dans le monde.
« Cela a commencé par des mots et s’est poursuivi par des actes », a déclaré Nate, originaire du Canada, évoquant son expérience en Pologne alors qu’il était enfant. Il a survécu à Auschwitz, contrairement à la majorité des membres de sa famille. « Je suis atterré de voir les attaques dont les Juifs font l’objet aujourd’hui. Les Juifs ne sont pas en sécurité. J’ai vu où l’antisémitisme peut mener et je suis très inquiet ».
Signe de l’impact du climat actuel sur les survivants, la Marches des Vivants a annoncé mercredi en fin de journée, après la publication de certains témoignages, que les survivants ne souhaitaient pas voir leurs noms et leurs photos publiés. Nombre d’entre eux prennent depuis longtemps la parole en public pour raconter leur histoire, mais aujourd’hui, explique l’organisation, ils craignent de compromettre leur sécurité personnelle en s’exposant.
Ce ne sont pas les premiers témoignages où les survivants de la Shoah font des comparaisons directes entre les traumatismes de leur enfance et ce qui s’est passé le 7 octobre. Quelques jours seulement après l’assaut, des survivants ont tenu une conférence de presse émouvante au United States Holocaust Memorial Museum de Washington.
« Ce n’est pas ce que nous espérions pour ce dernier chapitre de notre vie, qui nous pousse à nous interroger sur ce que sera notre héritage, sur l’avenir de la mémoire et de l’enseignement de la Shoah et sur l’avenir de notre peuple », a déclaré Nat Shaffir, 85 ans, survivant de la Shoah de Roumanie, lors de la conférence de presse.
La semaine dernière, à New York, des centaines de survivants de la Shoah ont posé avec des photos des quelque 240 personnes retenues en otage par le Hamas à Gaza, dans le cadre d’une campagne mondiale visant à attirer l’attention sur leur sort.
Toby Levy, 90 ans, qui travaille depuis longtemps comme guide au Museum of Jewish Heritage, raconte que « c’est ainsi que tout a commencé avec les Allemands ».
Kristallnacht ou la Nuit de Cristal est un vaste pogrom contre les Juifs planifié et coordonné par le gouvernement nazi, dans la quasi-totalité des villes d’Allemagne du 9 au 10 novembre 1938. (En Allemagne, on l’appelle désormais Reichspogromnacht afin d’éviter les associations d’images moins poétique que la traduction anglaise ou française pourrait évoquer). Les émeutiers ont détruit en deux jours des centaines de synagogues, pillé des milliers de commerces et tué au moins 91 Juifs ; 30 000 hommes juifs ont été envoyés dans des camps de concentration.
La Nuit de Cristal a marqué la fin de tout reliquat de sentiment de sécurité pour les Juifs allemands et a accéléré la campagne génocidaire des nazis à leur encontre, qui aboutira à l’assassinat de 6 millions de Juifs en Europe avant la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945.
« Ce que le Hamas a fait aux Israéliens le 7 octobre est aussi cruel, barbare et tragique que ce que les nazis ont fait aux Juifs il y a 80 ans », a déclaré Benjamin, un survivant qui vit en Grèce, dans son témoignage à la Marches des Vivants. « Quand je vois des maisons juives marquées de Magen David, cela me rappelle des souvenirs cauchemardesques de mon enfance, me renvoie aux croix gammées et aux camps de concentration ».
Il termine toutefois sur une note plus optimiste : « Mon message est que nous, le peuple juif, avons connu de grandes souffrances tout au long de notre histoire, la Shoah étant la période la plus sombre. Mais même si la période actuelle est très difficile, le retour à la vie normale dans l’État d’Israël et dans la diaspora juive ne saurait tarder, et ce grâce aux courageux soldats de Tsahal ».
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