Lapid : Netanyahu est un « pleurnichard et un lâche » d’évoquer l’incitation à la haine contre lui
Si la violence et les menaces à l'encontre du Premier ministre sont inacceptables, nuisent à la démocratie et doivent être poursuivies, "Netanyahu n'est pas une victime", a déclaré le chef de l'opposition
Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a accusé lundi le Premier ministre Benjamin Netanyahu d’être un « pleurnichard et un lâche » après que le Premier ministre a tenu un débat de deux heures dimanche au sein du cabinet au sujet de l’incitation à la violence à son encontre.
Suite à ces propos, le Likud, le parti de Netanyahu, a accusé à tort le président de Yesh Atid de refuser de condamner les actes d’incitation à la violence contre le Premier ministre.
En lisant une lettre de menaces souhaitant la mort et la maladie à lui-même ainsi qu’à sa famille, Lapid a demandé aux journalistes, avant la réunion hebdomadaire des factions de son parti Yesh Atid à la Knesset, s’il avait déjà évoqué ce sujet auparavant.
« Vous en avez entendu parler ? Ai-je tenu une conférence de presse ? Ai-je organisé une discussion spéciale de deux heures entre factions ? Oui, il y a des menaces et des incitations à la violence. C’est un aspect terrible et triste du monde dans lequel nous vivons. Tous ceux qui accèdent à un poste de haut niveau passent par là », a-t-il déclaré.
« Lorsque j’étais Premier ministre, on est venu me voir pour me dire qu’il y avait de graves menaces contre ma vie. J’ai répondu, ‘En quoi cela me concerne-t-il ? Informez le Shin Bet’ et je suis retourné à mon travail », a poursuivi Lapid.
« Je répète et condamne toute incitation à la violence, mais voici une phrase qui n’en est pas une : Netanyahu est un Premier ministre pleurnichard, mauvais et un raté, qui ne se préoccupe que de lui-même et de ses affaires personnelles, et il devrait rentrer chez lui. »
« Chaque soldat à Gaza est plus menacé que lui, chaque combattant de Tsahal à Jénine est plus en danger que lui. L’homme qui a mis en place la machine à empoisonner, qui a fait venir des milliardaires étrangers et qui a installé une machine à inciter à la haine qui prend lentement le contrôle de tous les médias en Israël, se plaint qu’ils incitent à la violence contre lui ».
À la suite de la tentative d’assassinat de l’ancien président américain Donald Trump en Pennsylvanie ce week-end, le secrétaire du cabinet Yossi Fuchs avait projeté une compilation de vidéos montrant des critiques du gouvernement se livrant à de « l’incitation contre le Premier ministre » lors de la réunion hebdomadaire du cabinet à Jérusalem.
On entend dans cette courte vidéo plusieurs personnes, dont des manifestants antigouvernementaux, ridiculiser Netanyahu en le qualifiant de « traître », de « Satan » et « d’ennemi du peuple ». Certaines de ces personnes semblent le menacer de violence, notamment une femme qui déclare que « si les otages ne reviennent pas, nous attendrons avec un nœud coulant ».
La projection a été suivie d’un débat de deux heures sur la question, au cours duquel les ministres ont pointé du doigt le système judiciaire, les forces de l’ordre et le procureur général pour ce qu’ils ont qualifié de discours violent et incontrôlé de la part de membres du public à l’encontre de Netanyahu et de sa famille.
Répondant aux critiques de Lapid lundi soir, un porte-parole du Likud l’a accusé de « refuser de condamner les actes d’incitation à la violence et les appels à l’assassinat du Premier ministre et des membres de sa famille ».
« Le silence de Lapid normalise la violence et nous rapproche du prochain assassinat politique », a allégué le Likud.
Répondant aux accusations portées contre son chef dans un communiqué, Yesh Atid a, a son tour, accusé le Likud de mentir et a noté que Lapid avait « condamné l’incitation à la haine contre Netanyahu aujourd’hui devant les caméras lors de la réunion de la faction ».
« Il n’a fait qu’énoncer l’évidence : chaque soldat à Gaza est plus menacé que Netanyahu, chaque combattante à Jénine est en plus grand danger que lui, chaque observatrice kidnappée mérite plus de discussions au sein du gouvernement sur ce qu’elle vit », a souligné le porte-parole de Yesh Atid, ajoutant que « seul un leader lâche et pleurnichard comme Netanyahu pensait a sa peau avant la leur ».
Malgré l’affirmation contraire du Likud, Lapid a réagi lundi contre ce type de rhétorique, déclarant qu’il condamnait « toute expression d’incitation a la violence » et que ceux qui menacent Netanyahu « menacent également la démocratie israélienne » et « devraient faire l’objet d’une enquête et de poursuites judiciaires. »
Il a néanmoins insisté sur le fait que si la violence et les menaces à l’encontre du Premier ministre étaient inacceptables, « Netanyahu n’est pas une victime, c’est un pleurnichard et un lâche. »
« Il n’y a pas de discussion de deux heures sur les 101 victimes du kibboutz Beeri, il n’y a pas de discussion de deux heures sur le soldat qui a été gravement blessé par un drone dans le nord du pays. Qu’en est-il de la menace qui pèse sur sa vie ? Sa vie est-elle moins importante ? Pourquoi n’y a-t-il pas de discussion de deux heures sur les cinq soldates d’observation retenues en otage à Gaza ? « Seule l’incitation contre [Netanyahu] mérite deux heures de discussion ? Est-ce la seule chose qui compte ? »
« Je ne me souviens pas qu’il ait dit quoi que ce soit lorsque l’enfant de Naftali Bennett a reçu une enveloppe contenant une balle et des menaces de mort », a-t-il ajouté, faisant référence à une menace contre le Premier ministre de l’époque en 2022.
S’adressant à la Quatorzième chaîne lundi soir, – la deuxième interview à ce média de droite au cours du mois écoulé – Netanyahu a déclaré que le chef de l’opposition devrait dénoncer publiquement les incitations à l’encontre du Premier ministre et de sa famille.
« J’attends de lui qu’il agisse comme je l’ai fait, qu’il s’élève contre ces choses. Lorsque j’étais le chef de l’opposition, j’ai dénoncé ces choses. Il a également déclaré qu’il attendait de la procureure générale Gali Baharav-Miara et des responsables de l’application de la loi qu’ils « agissent contre ces crimes qui risquent de conduire à des assassinats politiques ».
Le Premier ministre a poursuivi en affirmant que des violences politiques similaires à la tentative d’assassinat de Trump pourraient se produire en Israël.
Il a ajouté que « cela peut arriver parce qu’il y a une incitation à la violence et au meurtre de représentants élus, de ministres, du Premier ministre et de sa famille ».
Netanyahu a fait valoir que l’incitation à la violence a atteint des niveaux « que nous n’avions jamais connus auparavant ». Il a affirmé que la localisation de sa famille est rendue publique, ce qui entraîne des menaces du Hamas à leur encontre.
« Personne ne fait rien à ce sujet », dit-il.
Des ministres en Israël se sont empressés de comparer l’incitation a la violence contre Netanyahu aux menaces contre Trump, affirmant que le Premier ministre risquait lui aussi d’être victime d’une tentative d’assassinat si on ne contrôlait pas les discours publics.
« C’est un miracle que ce qui s’est passé aux États-Unis ne se soit pas produit jusqu’à présent », a déclaré dimanche le ministre de la Justice, Yair Levin. « Nous avons prévenu que cela pourrait se produire ici. La justice a abandonné le Premier ministre. »
Après la projection de la vidéo, le ministre de la Sécurité intérieure Itamar Ben Gvir aurait, selon la Douzième chaîne, imputé la responsabilité de l’incitation a la violence a la procureure générale Gali Baharav Miara, avec laquelle il s’est publiquement disputé à plusieurs reprises par le passé, ainsi qu’à d’autres législateurs.
« Le temps est venu de faire comparaître ceux qui empêchent la mise en accusation, empêchent l’application de la loi et favorisent l’incitation a la violence », a affirmé Ben Gvir.
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a également paru accuser la procureure générale et les opposants politiques de Netanyahu et leur reprocher de faciliter la propagation de l’incitation à la haine lors de la réunion hebdomadaire des factions de son parti d’extrême droite, le HaTzionout HaDatit, à la Knesset lundi dernier.
Affirmant qu’Israël est confronté à une « incitation a la violence inédite contre le Premier ministre et les membres du gouvernement », Smotrich a exigé que « les dirigeants de la gauche, Lapid, Gantz et Baharav-Miara… mettent fin à cette incitation dangereuse ».
Plusieurs membres de la coalition de Netanyahu ont été reconnus coupables d’incitation a la haine, ont fait l’objet d’une enquête à ce sujet ou ont été accusés d’incitation a la violence.
Ben Gvir a été condamné pour incitation à la violence et soutien à un groupe terroriste en 2007 pour avoir distribué des autocollants sur lesquels on pouvait lire « Expulser l’ennemi arabe » et « Kahane avait raison ».
Le député Zvika Fogel, membre du parti Otzma Yehudit de Ben Gvir, a été interrogé par la police en 2023 après avoir explicitement soutenu des habitants des implantations extrémistes qui ont incendié des maisons et des véhicules palestiniens dans la ville de Huwara, au nord de la Cisjordanie. L’enquête a été clôturée en avril.
En mars dernier, Smotrich s’est excusé après avoir appelé à « effacer » la ville de Huwara, affirmant qu’il n’avait pas réalisé que ses propos pouvaient être interprétés comme un ordre militaire.
Netanyahu lui-même a été accusé à plusieurs reprises par la gauche ces dernières années d’avoir encouragé l’incitation a la haine qui a conduit à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995, ou tout au moins d’avoir contribué au climat politique incendiaire qui a conduit à l’assassinat.
Ben Gvir a lui aussi été accusé d’avoir joué un rôle dans le discours qui a conduit à l’assassinat de Rabin, car il a été filmé en train de se vanter d’avoir volé l’insigne de la voiture de Rabin, quelques semaines avant son assassinat.
« Tout comme nous avons réussi à voler cet insigne, nous pouvons arriver jusqu’à Rabin », avait déclaré à l’époque le futur ministre ultranationaliste.