Lapid propose une constitution pour extraire Israël « de cette crise terrible »
Le chef de l'opposition appelle notamment à s'appuyer sur le début de la Déclaration d'Indépendance et à limiter l'activisme judiciaire tout en maintenant des tribunaux forts
Le chef de l’opposition Yair Lapid s’est prononcé vendredi en faveur de l’adoption d’une constitution afin de résoudre « la crise terrible » qui a été causée par la réforme judiciaire controversée du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« Ce gouvernement dangereux a raison sur une chose : l’ancien contrat conclu entre Israël et ses citoyens n’est plus valide aujourd’hui », a dit Lapid, qui a noté que le système avait « perdu l’équilibre ».
Lapid a ajouté dans une déclaration que la constitution devait commencer par le tout premier paragraphe de la Déclaration d’indépendance de 1948, qui note que la Terre d’Israël est « le berceau du peuple juif ».
Le chef de l’opposition a précisé qu’en plus de cette déclaration, trois Lois fondamentales devraient intégrer la constitution.
La première affirmerait la suprématie des Lois fondamentales du pays et elle soumettrait les autorités gouvernementales aux restrictions établies par la loi.
Lapid a ajouté que la seconde loi nécessitera « un travail courageux, réel et profond » pour déterminer le nombre d’hommes haredim que la société et l’économie israélienne peuvent soutenir dans un contexte d’études à plein temps de la Torah.
Des données émises au début de l’année par le Bureau central des statistiques ont indiqué qu’avec un taux de croissance de 4 % au sein de la communauté ultra-orthodoxe – c’est le plus élevé parmi tous les autres groupes de population – les haredim formeraient 16 % de la population au total à la fin de la décennie. Un important pourcentage d’ultra-orthodoxes étudient la Torah à plein temps, ce qui signifie qu’ils ne sont pas sur le marché du travail et qu’ils sont aussi exemptés du service militaire.
La troisième loi, a proposé Lapid, définirait les possibilités de réexamen judiciaire des lois qui sont adoptées à la Knesset.
Lapid a estimé que si « l’activisme judiciaire » devait être limité, « un État démocratique ne peut pas exister sans tribunaux forts et indépendants ».
De plus, le leader de Yesh Atid a indiqué que la commission chargée de nommer les juges devait changer de composition de manière à ce que la Cour suprême « soit diversifiée dans sa constitution et dans ses opinions mais qu’elle garantisse que les politiciens – indépendamment du parti auquel ils appartiennent – n’auront aucun contrôle dans le choix des magistrats ».
Aucun autre détail n’a été donné sur la composition potentielle du panel – l’un des fondements à la base du plan gouvernemental de réforme est la prise de contrôle, par ce dernier, de la Commission de sélection des juges, ce qui réduirait le pouvoir judiciaire en faveur du pouvoir politique.
Ses détracteurs affirment que les propositions de réforme judiciaire qui ont été faites par le gouvernement saperont la nature démocratique d’Israël et qu’elles supprimeront un contre-pouvoir déterminant, laissant sans protection les droits des minorités. Ses partisans disent que cette refonte est nécessaire pour freiner une cour qui, à leurs yeux, est outrageusement activiste.
Lapid a ajouté qu’en plus d’une constitution, il devait y avoir un enseignement en profondeur des valeurs démocratiques.
« Les enfants israéliens doivent non seulement apprendre les maths et l’anglais au meilleur niveau mais aussi ce qu’est l’égalité entre les citoyens, la raison pour laquelle les droits des femmes, des LGBT et des citoyens arabes sont importants, pourquoi le judaïsme ne contredit pas la démocratie mais qu’il la complète », a écrit Lapid.
« Au lieu d’une course hâtive et obscène vers un changement de régime qui nous transformera en une autre dictature ratée du Moyen-Orient, nous devons créer et nous battre pour une vision commune qui soit à la fois positive, optimiste et inspirante, pour nous et pour les générations à venir », a continué Lapid, qui a ajouté que ses propositions ne pouvaient être prises de manière unilatérale.
« Israël est une démocratie juive. Nous ne laisserons pas le pays devenir un État messianique, violent, nationaliste, antidémocratique, qui détruit son économie, qui porte gravement atteinte à la sécurité nationale et qui détruit l’idée sacrée que nous formons tous une seule nation », a-t-il poursuivi
« Une constitution pour Israël, basée sur la Déclaration d’indépendance, n’est pas seulement justifiée au niveau moral et au niveau éthique – c’est aussi la seule chose qui nous permettra de nous extraire de la crise terrible que nous connaissons », a conclu Lapid.
Le projet de réforme avancé par le gouvernement de droite, d’extrême-droite et religieux – c’est le gouvernement israélien le plus extrême de toute l’Histoire d’Israël – a entraîné un mouvement massif de protestation dans le pays depuis plus de deux mois et suscité les critiques des politiciens de l’opposition. Les économistes, des personnalités de premier plan du monde des affaires, des experts et des responsables de la sécurité l’ont dénoncé avec vivacité.
Un certain nombre de sondages ont indiqué que ces législations étaient largement impopulaires parmi les Israéliens.
Jeudi, le mouvement pour un Gouvernement de qualité en Israël (MQG), qui est au premier plan de la lutte contre le programme de réforme du système judiciaire en Israël, a émis dix conditions préalables à une solution de compromis avec notamment l’adoption d’une constitution basée « sur l’esprit » de la déclaration d’Indépendance et la mise en place d’une charte des droits qui ancrerait l’égalité de tous les citoyens « en matière de droits comme en matière de devoirs ».
Les groupes qui s’opposent à la réforme conservent un positionnement ferme, celui que des négociations sur un compromis potentiel n’auront pas lieu avant l’interruption de la campagne-coup de poing d’adoption des lois qui est en cours à la Knesset.
Le président Isaac Herzog a dénoncé, jeudi soir, le projet de refonte en disant qu’il était « oppressif » et dangereux pour la démocratie, appelant à ce qu’il soit immédiatement abandonné et remplacé par un cadre de réforme consensuel.