L’armée permet à des soldats de s’isoler chez eux après une forte épidémie
Les parents des soldats de la Base 80, où plus de 100 militaires ont été contaminés, se sont plaints des conditions de vie peu sûres qui ont permis la propagation du virus
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
L’armée israélienne est revenue sur l’une de ses politiques adoptées dans le cadre de la lutte contre le coronavirus en donnant la permission aux soldats de se placer en quatorzaine chez eux plutôt que sur leur base, après la propagation désastreuse de la maladie au sein de la Base 80, une base de formation initiale.
Là-bas, presque 200 soldats se seraient trouvés, selon leurs parents, dans des conditions de vie peu sûres, assorties d’un manque d’hygiène qui auraient laissé toute latitude au virus de circuler en toute liberté.
Après avoir essuyé un retour de flamme au sujet de l’épidémie, les militaires ont pris la décision de permettre aux troupes qui vivent sur ces bases dites « fermées » de se placer à l’isolement chez eux – dans la mesure où ils peuvent le faire en toute sécurité.
C’est précisément ce qu’avaient demandé les soldats et leurs parents depuis le début de l’épidémie sur la Base 80, officiellement connue sous le nom de Base Dotan, à la fin du mois dernier.
« Au vu de l’évaluation de la situation en cours au sein de l’armée israélienne, il a été décidé qu’à partir d’hier, dans les unités dites ‘fermées’, la quarantaine à domicile sera l’option qui sera privilégiée », a fait savoir Tsahal dans un communiqué émis mercredi.
Les soldats placés dans l’incapacité de se mettre à l’isolement chez eux – qui ne disposent ni d’une pièce, ni d’une salle de bains séparées – pourront se mettre en quarantaine sur leur base ou dans une autre structure militaire.
Un porte-parole a confirmé que cette décision était venue spécifiquement répondre à l’épidémie qui a touché la Base 80, qui se trouve à proximité de la ville de Pardes Hanna-Karkur. 180 soldats avaient dû se mettre en quarantaine sur la base et plus de la moitié avait contracté la maladie. Il y a eu, ces dernières semaines, une série d’épidémies majeures sur les bases et au sein des unités militaires, des épidémies qui ont été accompagnées d’accusations de mauvaise prise en charge, de protocoles de sécurité inefficaces et de dépistages insuffisants.
Des dizaines de soldats de la base de formation de la Brigade Nahal ont été testés positifs au coronavirus cette semaine, comme cela a été aussi le cas de 36 marins embarqués à bord de l’INS Lahav. Plus d’une vingtaine de militaires appartenant à l’unité d’élite Duvdevan ont aussi été contaminés après qu’un officier a, selon des informations, contrevenu à sa quatorzaine, priant avec les troupes dans un espace clos pendant la fête de Yom Kippour.
Au total, 1 192 soldats et employés civils au sein de l’armée israélienne étaient, mardi, atteints par le coronavirus, la majorité d’entre eux ne présentant que des symptômes légers. Cinq d’entre eux se trouveraient dans un état modéré.
Mais la plus grande épidémie au sein de Tsahal semble assurément être celle qui frappe la Base 80, où au moins 140 soldats, mardi soir, étaient porteurs confirmés du coronavirus. A l’origine de cette propagation, un militaire qui aurait contracté la maladie alors qu’il se trouvait en congé chez lui pendant la fête de Rosh Hashana, au mois de septembre.
« Ils ont tout raté, de toutes les manières possibles », a commenté la mère d’une soldate de la base, mardi, auprès du Times of Israël, s’exprimant sous couvert d’anonymat parce qu’elle craint d’éventuelles conséquences sur sa fille au sein de l’armée suite à son témoignage.
Elle a accusé Tsahal d’avoir placé des personnes présentant des symptômes du coronavirus en quarantaine aux côtés de ceux qui ne montraient aucun symptôme – ce qui garantit qu’au final, tous les membres du groupe finiront par attraper la maladie.
« Ils les laissaient là, avec une situation qui ne pouvait que se dégrader. Ils tombaient malades et ils se contaminaient entre eux », a-t-elle continué.
Selon cette mère, et même si sa fille ressentait une douleur à la poitrine et d’autres symptômes mineurs, cette dernière a été maintenue en quarantaine avec d’autres soldats qui, pour leur part, ne présentaient aucune indication de la maladie. Elle n’a pas pu non plus effectuer un test de dépistage.
Ils les laissaient là, avec une situation qui ne pouvait que se dégrader. Ils tombaient malades et ils se contaminaient entre eux
L’armée israélienne, pour sa part, a démenti que les soldats présentant des symptômes aient été accueillis avec d’autres qui n’en avaient pas.
« On sépare les soldats qui ont des symptômes de ceux qui n’en ont pas dans les dortoirs, dans les douches, dans les salles de bains et dans les cantines », ont précisé les militaires dans un communiqué.
« Ceux qui sont en quarantaine et qui présentent des symptômes ont des chambres, des salles de bains et des douches séparées et ils ne se mélangent pas aux autres dans le régiment, même pendant les repas », a ajouté Tsahal.
Les militaires n’ont pas commenté le refus du dépistage qui aurait été opposé aux personnes symptomatiques.
Actuellement, l’armée – qui fait ses tests en internes – a mis en place des politiques plus strictes concernant ses troupes éligibles à un test de dépistage que ce n’est le cas pour le reste de la population.
Lors de l’épidémie qui s’est déclenchée à bord de l’INS Lahav, selon la radio militaire, la maladie avait été détectée en premier lieu parce qu’un soldat s’était fait dépister – un test qu’il avait payé personnellement – après le refus opposé par les militaires de lui faire faire un test.
L’armée avait initialement choisi de gérer ses propres tests pour préserver le système de santé civil. Néanmoins, cette façon de faire est actuellement examinée avec attention, les laboratoires civils étant dorénavant en mesure d’effectuer un nombre bien plus élevé de tests que ne le nécessite actuellement la population générale.
Les militaires ont aussi expliqué que tous les soldats en quarantaine bénéficieraient d’un contrôle médical quotidien.
La mère de la soldate en quarantaine a déclaré que ce n’était aujourd’hui pas le cas et qu’il y avait actuellement, dans l’armée, « une véritable crise sanitaire et sécuritaire ».
« Je lui envoie un oxymètre dès aujourd’hui parce qu’elle a des difficultés respiratoires et qu’il n’y a personne là-bas qui puisse leur apporter une attention médicale », a-t-elle dit mercredi.
« Ma fille ne peut pas respirer convenablement à l’heure qu’il est », a-t-elle ajouté. « Je veux juste m’assurer qu’elle va bien. »
Alors que les règles du coronavirus exigent le respect d’une quatorzaine après un contact avec un porteur confirmé de la maladie, chaque nouveau cas qui se déclare remet les compteurs à zéro pour les personnes présentes dans un groupe placé à l’isolement.
« C’est un système qui s’est complètement effondré – un échec en termes de quarantaine et un échec en termes d’hygiène », a-t-elle continué.
Pendant toute la période d’isolement, un grand nombre de parents des soldats de la Base 80 avaient demandé à l’armée d’autoriser leurs enfants à faire leur quarantaine chez eux.
« Tout le monde est fortement convaincu de cette nécessité », a poursuivi la mère, citant des conversations entre parents qui se sont réunis par le biais d’un groupe WhatsApp. « Nous voulons les avoir à la maison de manière à assumer la responsabilité de leur isolement. »
Dans certains cas, les parents se sont rendus sur la base elle-même pour s’entretenir avec les commandants de leurs enfants. Et, au cours d’un incident qui a eu lieu le 7 octobre, les militaires ont appelé la police en accusant les parents de bloquer la porte de la base.
Cette mère, présente ce jour-là, dément l’accusation et affirme qu’elle et les autres parents présents étaient en train de parler des conditions de sécurité sur la base.
Apprenant que l’armée allait modifier sa politique sur les quarantaines, mercredi, la mère a déploré que ce changement ne concernerait ni sa fille, ni les autres soldats actuellement placés à l’isolement.
« On a dit aux filles, hier, qu’elles allaient entrer dans une nouvelle période d’isolement de deux semaines », s’est-elle exclamée.
Un porte-parole de Tsahal a fait savoir que l’armée examinait actuellement la possibilité que ce changement de politique englobe également les militaires d’ores et déjà placés à l’isolement.