Israël en guerre - Jour 367

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L’ascension improbable – et la remarquable endurance – de Volodymyr Zelensky

La biographie du président ukrainien, par le journaliste Serhii Rudenko, revisite son passé d’étudiant en droit et acteur de télévision, au prisme d'une guerre qui l’a révélé

Dans son discours du 24 février, au premier jour de l’invasion de l’Ukraine, le président russe Vladimir Poutine annonçait son objectif de guerre, à savoir « la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine ». Un jour plus tard, il qualifiait les dirigeants ukrainiens de « gang de toxicomanes et de néo-nazis ».

Assertion ô combien ridicule pour le journaliste ukrainien Serhii Rudenko, dans la mesure où son président, Volodymyr Zelensky, est juif.

« Peut-on un instant imaginer un instant qu’un État dirigé par un Juif puisse être néo-nazi ? » interroge Rudenko dans une interview accordée par courriel. « Il n’y a que dans l’esprit tordu de [Poutine] et de ses alliés [que c’est possible]. »

Rudenko est l’auteur d’un nouvel ouvrage consacré au chef de l’État ukrainien, Zelensky: A Biography.

Publié le 8 août, il revisite l’incroyable parcours de son sujet, depuis sa célébrité dans la peau d’un président ukrainien de fiction télévisée jusqu’à son triomphe aux élections présidentielles de 2019.

Son mandat de sixième président de l’Ukraine a peut-être commencé par un appel téléphonique peu agréable avec le président américain de l’époque, Donald Trump, qui a conduit à une tentative d’impeachment, mais Zelensky est aujourd’hui admiré du monde entier pour son leadership en temps de guerre.

Le livre rappelle que Zelensky, qui accuse la Russie de génocide, continue de se voir traiter par Moscou de néo-nazi.

« Moscou s’obstine à qualifier le sixième président de l’Ukraine, né dans une famille juive, de nazi », écrit Rudenko dans un chapitre du livre consacré au massacre de Boutcha.

« Cela donne de sérieuses raisons de douter de la santé mentale du maître du Kremlin et de son équipe. »

Il poursuit : « D’ailleurs, ils n’ont pas hésité à bombarder Babyn Yar, à Kiev, là où les nazis ont exécuté des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. »

Le livre rappelle que Zelensky s’est adressé à plusieurs Parlements, depuis le début de la guerre, parmi lesquels la Knesset, en mars, via Zoom.

Certains députés israéliens n’ont pas apprécié qu’il compare la Russie de Poutine à l’Allemagne hitlérienne. Il a en effet accusé les nazis de la Seconde Guerre mondiale et la Russie contemporaine d’utiliser tous deux le terme de « solution finale ».

Dans cette image publiée par le Bureau de presse présidentiel ukrainien le 1er mai 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, à droite, remet l’Ordre de la princesse Olga à la Présidente de la Chambre américaine, Nancy Pelosi, à Kiev, en Ukraine, le 30 avril 2022 (Crédit : Bureau de presse présidentiel ukrainien via AP)

Dans son discours, Zelensky a dit « quelques mots en ukrainien que vous connaissez très bien. Les mots de Golda Meir … ‘Nous voulons vivre, mais nos voisins veulent nous voir morts’. »

Lorsque le Times of Israel questionne Rudenko sur la judéité de Zelensky et son impact sur sa conduite en temps de guerre, il répond : « Je ne pense pas me tromper en affirmant que Zelensky est d’abord perçu comme un Ukrainien en Ukraine. Oui, il a du sang juif, mais ce n’est pas réellement important. Ce qui compte, c’est sa volonté de défendre l’Ukraine, de se battre pour son indépendance. »

Rudenko se décrit comme un témoin direct de l’invasion.

Il était à Kiev pendant la pandémie et il se souvient des premiers missiles balistiques russes tombés derrière chez lui, ce matin-là. La chaîne de télévision pour laquelle il travaille, Espresso, a été reconvertie en abri anti-aérien. Deux jours après le début du conflit, Espresso partait s’installer à Lviv, d’où elle diffuse ses programmes depuis. C’est là que Rudenko vit et travaille aujourd’hui.

« Imaginez un peu », dit-il. « Je suis assis à l’intérieur d’un abri anti-aérien, occupé à mettre la dernière main à la dernière partie du livre. Je sors. Une colonne de fumée s’élève depuis le lieu d’impact d’un missile russe. Aucun film ou livre d’horreur n’est aussi effrayant que la réalité. »

Serhii Rudenko, journaliste ukrainien, auteur de « Zelensky : A Biography ».

Le 31 août, Zelensky évoque le terme de « film d’horreur » pour décrire la guerre, dans un discours à la Mostra de Venise.

Il incarne la résistance, que ce soit en ouvrant le festival par un discours virtuel ou en accueillant le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d’un sommet à Lviv.

Rudenko concède : « Honnêtement, en 2020, en écrivant le livre, j’étais loin d’imaginer que Zelensky deviendrait cette personnalité appréciée et admirée des dirigeants mondiaux ».

« Zelensky : A Biography », de Serhii Rudenko. (Courtoisie)

Le livre relate l’ascension improbable de son personnage, né à Kryvyi Rih, en Ukraine, en 1978, fils d’Oleksandr et de Rimma Zelensky. Ses parents sont tous deux ingénieurs, et c’est à ce titre que la famille vit en Mongolie pendant quelques années. À l’âge de 16 ans, Volodymyr obtient une bourse pour étudier en Israël, mais son père refuse qu’il parte.

Zelensky étudie le droit à l’université, mais une fois son diplôme en poche, il opte pour une carrière d’acteur, un premier temps dans des spectacles d’improvisation comique, puis dans la fameuse série
« Serviteur du peuple ».

Le directeur de la chaîne de télévision 1+1, qui diffuse « Serviteur du peuple », n’est autre qu’Igor Kolomoisky, que le livre décrit comme un oligarque ukrainien avec des propriétés à Tel Aviv et Genève.

De 2017 à 2019, c’est d’ailleurs là que Kolomoisky vit en exil, ne revenant en Ukraine qu’après le succès écrasant de Zelensky, candidat réformateur, aux élections présidentielles.

Pendant la campagne, le président sortant, Petro Porochenko, accuse Moscou et Kolomoisky de soutenir l’opposition.

Le livre décrit un Kolomoisky triomphant après la victoire de Zelensky.

Pourtant, le gouvernement ukrainien finit par se retourner contre Kolomoisky, à travers une campagne contre les oligarques lancée par Zelensky en 2021.

Rudenko remet en cause les trois premières années de présidence de Zelensky, notamment sur la question – qui était une promesse de campagne – de la lutte contre la corruption.

Il interroge Géo Leros, membre du parlement ukrainien, premier à avoir porté des accusations de corruption contre l’entourage de Zelensky. Il s’entretient également avec Ruslan Riaboshapka, premier procureur général de Zelensky, en poste au moment de l’appel téléphonique du 25 juillet 2019 entre Zelensky et Trump.

Selon Rudenko, Trump aurait demandé à Zelensky d’intervenir dans le cadre de l’enquête sur Hunter Biden, fils de l’ancien vice-président américain Joe Biden. Burisma, une compagnie gazière ukrainienne, comptait le jeune Biden parmi les membres de son conseil d’administration. La société avait d’importantes dettes fiscales et son propriétaire, Mykola Zlochevsky, était accusé de corruption.

« Le président américain a clairement dit à Zelensky : l’aide financière à l’Ukraine en dépendra », assure Rudenko. La suite de la conversation entre Trump et Zelensky est connue du monde entier. »

Le tollé suscité par cet appel a provoqué la première tentative de destitution de Trump, qui a échoué au Sénat en 2020. Quant à Zelensky, il n’a pas accédé à la demande de Trump, ce qui a eu des conséquences importantes.

Le président américain Joe Biden s’entretient avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le 1er septembre 2021, à Washington (DC) (Crédit : AP Photo/Evan Vucci)

Rudenko écrit : « Si Zelensky avait accepté la proposition de Trump à l’été 2019 et rouvert le dossier contre le jeune Biden, qui sait comment la relation entre Biden et Zelensky aurait évolué ? Difficile à dire si l’Ukraine aurait, dans ces conditions, été aidée par les États-Unis à se défendre contre la Russie. »

Aujourd’hui, le conflit en est à son septième mois.

« La guerre a révélé Zelensky », affirme Rudenko.

« En temps de paix, nous n’aurions jamais rien vu des qualités que possède le sixième président de l’Ukraine. Ce courage. Cette bravoure. Avant la guerre, opposants et journalistes – moi inclus – ont eu la dent dure contre lui. Depuis la guerre, c’est un tout autre Zelensky. Et cet autre Zelensky, je l’espère, est le vrai Zelensky. Il ne joue plus au président. Il est le président d’un pays qui se défend contre une agression militaire. »

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