L’Autorité des antiquités réprime à nouveau les revendeurs et les voleurs
L’agence de régulation mandate une base de données numérique et “colmate les brêches” pour empêcher les objets volés d’atteindre le marché israélien

Le villageois arabe portant un t-shirt du parc national Acadia est déterminé, propose une dernière fois en interrompant une conversation autour d’un café à Jérusalem de vendre une pièce byzantine et des sceaux qui viennent d’être découverts. Le vendeur n’est pas intéressé, et lui répond fermement encore une fois.
Aucun plaidoyer ne le fera acheter.
Le voleur d’antiquités abandonne finalement et part, se retirant en ce mois d’avril.
« Cela serait mieux pour lui qu’il trouve un nouveau moyen de gagner sa vie », note le marchand d’antiquités.
Le voleur n’est probablement pas seul. Une nouvelle disposition de l’Autorité israélienne des antiquités demandant aux vendeurs d’antiquités licenciés du pays d’enregistrer leurs objets dans une base de données numérique, veut faire cesser le fléau des vols d’antiquités en Israël.
Cette disposition a été introduite le 28 mars, après un dernier appel désespéré des vendeurs pour stopper la régulation qui a été rejetée par la Haute cour de justice.
Comme l’a dit un vendeur d’antiquités au Times of Israël, le but est de « boucher tous les trous » qui ont permis à certains vendeurs licenciés d’interagir avec le marché « gris très foncé » d’Israël. Certains vendeurs abandonneront en conséquence ce commerce, a-t-il supposé.
L’Autorité des antiquités a tenté d’introduire ce système, Antique-net, depuis quatre ans, mais une poignée de vendeurs a mené une action en justice, interrompant le processus.
A présent qu’il est juridiquement contraignant, les vendeurs doivent photographier, enregistrer et décrire tous les objets de leur entrepôt et les télécharger sur le réseau de l’autorité. Tous les ventes et achats doivent être enregistrés pour être approuvés par l’autorité ; une fois autorisé, un objet est transféré numériquement de l’inventaire du vendeur à celui de l’acheteur.

Cela signifie qu’il va devenir beaucoup plus difficile pour les antiquités du marché noir d’arriver jusque dans le magasin d’un vendeur autorisé.
« Beaucoup des objets en vente sur le marché légal ont des dossiers de propriété et de lieu de découverte archéologique falsifiés », expliquait en 2011 Morag Kersel, de l’université DePaul.
« Les pillards font des fouilles illégales pour trouver des objets, qui entrent dans des réseaux bien organisés de vente leur permettant d’être blanchis en cours de route, pour finalement être vendus à des touristes qui ne se méfient pas et à des collectionneurs, avec une facture de vente ‘propre’ dans un magasin autorisé par l’Etat. »
En théorie, les vendeurs licenciés ne pourront acheter des objets qu’à d’autres vendeurs licenciés, à l’étranger, ou à un vendeur en Israël qui a fait approuver la vente par l’autorité des antiquités. Les vendeurs qui ne se conforment pas et n’enregistrent pas perdront leur licence.
Israël a d’abord agi pour mettre fin aux fouilles illégales et au marché noir des antiquités en 1978. Avant cette date, le marché était quasiment non régulé. Les archéologues, comme les voleurs, pouvaient creuser et vendre des objets anciens, comme les premiers manuscrits des rouleaux de la mer Morte, avec peu de supervision juridique.
Avec la loi sur les antiquités de 1978, tous les nouveaux objets découverts et datant de plus de 1 700 ans devenaient automatiquement propriété de l’état, et tout ce qui était sur le marché avant cette année était autorisé à la vente pour les vendeurs licenciés.
Dans leur bataille juridique perdue, les plaignants ont affirmé que les nouveaux protocoles étaient « une autre bataille dans la guerre visant à éliminer la vente des antiquités », et étaient « plus stricts que ceux imposés aux vendeurs d’armes, de médicaments ou de substances dangereuses », selon un article du quotidien économique Calcalist.
Mais cela n’a pas ému la Haute cour de justice. Elle est rejeté l’appel fin décembre 2015, et a ordonné que les régulations Antique-net entrent en action le 28 mars.
Amir Ganor, directeur de la division de prévention des vols de l’autorité, a déclaré qu’à la fin de l’année 2015, il y avait 57 vendeurs d’antiquités licenciés qui avaient mis en ligne leurs inventaires. Quinze autres ont commencé depuis début 2016. Plusieurs autres ont refusé.
« Je ne pense pas qu’ils cesseront leurs opérations, mais nous travaillerons pour mener des opérations d’application de la loi contre eux », a fermement déclaré Ganor.
« Nous supposons qu’avec le temps le stock des antiquités entre les mains des vendeurs diminuera », a-t-il dit, et que la route des achats d’objets illégaux étant bloquée, les vols devraient aussi diminuer, en théorie.
D’autres pays, comme l’Allemagne, envisagent d’adopter un système similaire dans le cadre d’un effort international plus large pour briser les ventes illégales d’antiquités, a déclaré au téléphone Eitan Klein, l’adjoint de Ganor.

Donnez-nous plus de temps
Dans la Vieille Ville de Jérusalem, une extension de la Via Dolorosa abrite plusieurs magasins d’antiquités palestiniens. Les nouvelles régulations sont accueillies ici de manière mitigée. Un commerçant a refusé de discuter du sujet. Un autre s’est plaint que comme son magasin n’avait pas pu se conformer à l’ordre de la cour pour numériser son inventaire, les ventes étaient gelées et qu’il perdait de l’argent.
Rami Baidun, deuxième génération de vendeurs dans la Vieille Ville, a cependant déclaré que la base de données numérique était une situation gagnant-gagnant pour les vendeurs et l’autorité des antiquités, même si elle est « non traditionnelle » dans son approche et difficile pour certains anciens du métier.
« C’est vraiment une bonne méthode pour rendre le contrôle du commerce des antiquités plus efficace. En tant que vendeur d’antiquités, je pense que c’est pour l’instant peu pratique et inconfortable, mais que les résultats et les conséquences à long terme sont censés être mieux pour les deux [parties] », a-t-il dit, penché sur la jambe de marbre blanc d’un athlète classique qu’il a achetée en Europe aux enchères.

En même temps, Baidun a dit que l’autorité des antiquités aurait dû donner aux vendeurs plus de trois mois pour basculer vers le nouveau système. « Ils auraient dû être plus flexibles », a-t-il dit. Trois mois, c’est pas suffisant pour beaucoup de personnes pour cataloguer et télécharger leur inventaire.
« Mais je pense qu’à un moment tout le monde le fera », a-t-il ajouté.
Le marché noir international des antiquités a attiré l’attention dans le monde entier ces dernières années, en partie parce que l’Etat islamique finance certaines de ses opérations en vendant des objets pillés en Irak et en Syrie.
Ganor a affirmé que le marché noir des antiquités est le troisième plus profitable, après les drogues et les armes, une affirmation souvent répétée mais difficile à évaluer.
Selon Interpol, « il est très difficile de se faire une idée précise de combien d’objets de propriété culturelle sont volés dans le monde et il est peu probable qu’il y ait jamais des statistiques correctes. »
Les experts en vol d’antiquités disent qu’il est quasiment impossible de mettre un chiffre sur la valeur du marché légal des antiquités, et encore plus pour le marché illégal.
Une répression plus large
L’enregistrement des antiquités s’inscrit dans le cadre d’une campagne plus large de l’unité de prévention des vols d’antiquités de l’autorité pour réprimer le marché noir et empêcher le pillage de sites antiques.
En mars, l’autorité des antiquités a appelé les Israéliens à se porter volontaires pendant quelques heures par mois pour aider à protéger les 30 000 sites archéologiques d’Israël des pilleurs et des vandales. Depuis la publication de l’annonce, il y a un mois et demi, plus de 180 personnes se sont enregistrées, a dit Ganor.
« Nous reconnaissons que parmi la population générale, il y a des personnes qui peuvent aider les opérations de protection et de préservation des antiquités du pays », a-t-il déclaré dans son bureau du musée Rockefeller, à Jérusalem Est.
‘Presque une colline sur deux est un site archéologique ici’
« Ce n’est pas un secret que l’autorité n’a pas beaucoup d’employés », a-t-il dit. Il y a en tout 700 employés qui travaillent dans tout le pays pour protéger ses milliers de sites antiques. « Presque une colline sur deux est un site archéologique ici. »

Ganor a décrit son organisation comme celle d’une unité militaire, avec des exécutants sur le terrain qui recherchent et arrêtent les voleurs d’antiquités sur le fait, un équipement sophistiqué, comme des drones (il n’a pas voulu donner plus de précisions sur les moyens dont il disposait), pour surveiller les sites, et des informateurs et des agents sous couverture.
Pour le moment, Ganor a dit que l’autorité essaie toujours de savoir quoi faire des nouvelles recrues volontaires.
« Si nous réussissions à utiliser la population pour qu’elle soit nos yeux sur le terrain, nous pourrions mieux protéger les sites antiques. »
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