Israël en guerre - Jour 342

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L’avenir « virtuel » de l’enseignement de la Shoah est déjà là

De la reconstitution des procès de Nuremberg à la "visite" d'Auschwitz-Birkenau en réalité virtuelle, les nouvelles technologies remplacent les rencontres avec les survivants

Amanda Friedeman répond à une question d'un étudiant adressée à Adina Sella, survivante de la Shoah, alors qu'elle est représentée sous forme d'hologramme tridimensionnel au Centre Take A Stand du Illinois Holocaust Museum and Education Center, le 26 octobre 2017, à Skokie, Illinois. (Joshua Lott/AFP)
Amanda Friedeman répond à une question d'un étudiant adressée à Adina Sella, survivante de la Shoah, alors qu'elle est représentée sous forme d'hologramme tridimensionnel au Centre Take A Stand du Illinois Holocaust Museum and Education Center, le 26 octobre 2017, à Skokie, Illinois. (Joshua Lott/AFP)

Certains concepteurs de réalité virtuelle (RV) font ce qui a longtemps été considéré comme verboten [interdit] dans l’enseignement de la Shoah : ils recréent des aspects du génocide afin que les utilisateurs puissent « vivre » ces années sombres dans le confort des casques de RV.

De la dissimulation dans « l’Annexe secrète » avec Anne Frank au creusement de fosses communes à Auschwitz-Birkenau, de nombreux aspects de la Shoah ont été récemment mis en scène dans des simulations basées sur la réalité virtuelle. La technologie a même été utilisée comme preuve contre un criminel de guerre nazi, lorsqu’une simulation en RV a permis de démontrer que l’accusé aurait été au courant des activités meurtrières à Birkenau.

Avec de moins en moins de survivants pour témoigner en personne, les concepteurs de la RV se préparent au jour où les témoins oculaires de la Shoah ne seront plus parmi nous. Cependant, toutes les simulations ne sont pas accueillies avec enthousiasme.

« Il y a toujours un risque que la technologie soit utilisée à de mauvaises fins, c’est pourquoi l’éducation est si importante », a déclaré Thomasz Majewski du Real Invented Studio, les créateurs de l’application « AuschwitzVR ».

Dans une interview avec le Times of Israël, il a déclaré : « Les jeux ne sont pas mauvais en eux-mêmes. Aujourd’hui, ils peuvent être un grand outil didactique. Nous avons de nombreux exemples de jeux éducatifs. C’est une énorme responsabilité pour les créateurs de ne jamais franchir cette ligne entre le bon sens, le respect du sujet, la responsabilité et le divertissement ordinaire et bon marché. »

Il y a deux ans, la simulation RV « Witness : Auschwitz » a été accusée par certains critiques de jeux juifs de dépasser les bornes. Avec l’affirmation que « les utilisateurs participeront à l’horreur quotidienne du camp d’extermination », le jeu ressemble à un tour de « Choisissez votre propre aventure » à travers le camp de la mort nazi allemand où un million de Juifs ont été gazés et brûlés.

En espérant éviter certaines des critiques auxquelles fait face « Witness : Auschwitz », les concepteurs de la future simulation « AuschwitzVR » ont pris un chemin différent. Par opposition à l’approche « comme si vous y étiez » de « Witness : Auschwitz », le concept de « AuschwitzVR » sera une « visite » non participative des parties reconstruites du camp.

Site des crématoires de « AuschwitzVR ». (Avec l’aimable autorisation de Real Invented Studio)

Dans une reconstitution du bâtiment du crématorium, par exemple, une rangée de fours en brique en prolongement de l’endroit où un ascenseur faisait monter les cadavres des chambres à gaz situées en dessous. Il n’y a ni personnes, ni feux, ni rien d’autre dans la pièce bordée de fenêtres, ni possibilité de « participer » à quoi que ce soit.

Thomasz Majewski, concepteur de jeux. (Avec l’aimable autorisation de Real Invented Studio)

Selon M. Majewski, le recours aux technologies les plus récentes est essentiel pour capter l’attention – et l’imagination – de jeunes adultes qui ne rencontreront jamais de témoin oculaire du génocide.

« Cette forme d’éducation permet à diverses institutions de dépasser les murs de leurs locaux et atteindre le destinataire individuel très directement », a expliqué  M. Majewski.

« En regardant des films, en lisant des livres, en examinant des photos et des documents ou en utilisant toute autre forme de représentation traditionnelle, une certaine barrière se crée qui nous sépare et sépare notre expérience des événements auxquels nous participons », a-t-il ajouté. « La réalité virtuelle nous relie aux événements, aux gens et aux faits à un niveau d’immersion beaucoup plus élevé ».

Comme exemple d’une éducation efficace sur la Shoah basée sur la RV, Majewski a cité les hologrammes virtuels en 3D de survivants de la Shoah qu’il a vus au Musée historique de Stockholm en Suède.

« Ils sont un excellent exemple de la façon dont la technologie permet une immersion à un très haut niveau. Regarder dans les yeux des gens, entendre leurs témoignages – même s’ils ne sont que des hologrammes – crée une relation forte. Nous entendons plus fort, nous éprouvons davantage d’empathie, nous apprenons davantage », a assuré M. Majewski.

« Une compréhension beaucoup plus profonde »

Depuis 2012, la USC Shoah Foundation a contribué à la création d’une série de témoignages de survivants par hologramme. Certains d’entre eux sont utilisés dans des musées où les visiteurs peuvent poser des questions, par exemple, à la demi-sœur d’Anne Frank, la survivante Eva Schloss.

Appelé « Dimensions in Testimony », chacun des hologrammes nécessite un tournage à 360 degrés et l’installation de 112 caméras. Les survivants doivent donner leur témoignage à plusieurs reprises afin que l’hologramme puisse « répondre » à de nombreuses questions.

Outre la limite du nombre d’hologrammes de survivants pouvant être créés, il y a une limite à la portée de la plupart des projets de RV. Une simulation de RV hébergée dans un musée de New York sur un survivant de Majdanek – appelée “The Last Goodbye” [Le dernier adieu] – ne peut être vécue que par une personne à la fois, par exemple.

Selon un expert en conception de jeux de RV, certaines de ces barrières commencent à se dissiper.

« Je m’attends à ce que des projets de RV éducatifs soient demandés pour enseigner la Shoah, car des États comme le Connecticut et le New Jersey ont commencé à rendre obligatoire l’éducation au génocide et à la Shoah », a indiqué Ken Thompson, professeur adjoint de conception de jeux à l’Université du Connecticut.

Aaron Elster, survivant de la Shoah, devant son propre hologramme, à l’Illinois Holocaust Museum & Education Center, le 26 octobre 2017, à Skokie, dans l’Illinois. (Crédit : Joshua Lott/AFP)

« La technologie de la RV en est encore à ses débuts, mais nous pouvons déjà voir avec de nouveaux produits comme l’Oculus Quest que les casques d’écoute vont devenir plus petits, moins chers, plus légers et plus maniables », a fait savoir M. Thompson dans une interview accordée au Times of Israel.

Depuis plusieurs années, Thompson et ses collègues travaillent sur leur propre contribution à l’enseignement de la Shoah basé sur la RV. Leur expérience interactive « Courtroom 600 » utilise la RV pour amener les adultes à comprendre les procès de Nuremberg, au cours desquels certains criminels de guerre nazis clés ont été condamnés.

Grâce aux preuves du procès et aux documents connexes, M. Thompson et l’équipe de « Courtroom 600 » cherchent à « créer une expérience qui sensibilise à la nécessité de reconnaître l’antisémitisme et les autres idéologies raciales de notre époque et d’y résister », a-t-il affirmé.

Le procès de Nuremberg dans l’Allemagne d’après guerre, pendant lesquels certains des plus grands criminels de guerre du Troisième Reich ont été jugés et condamnés par les Alliés. Sur le banc des accusés se trouve Hermann Goering (devant à gauche), dirigeant de l’Armée de l’air allemande et personnage important du Reich. (Crédit : WikiCommons)

« Les apprenants sont placés dans une reproduction tridimensionnelle à l’échelle humaine de la salle d’audience 600, où ils peuvent interagir avec les participants historiques et faire une pause dans l’action en salle d’audience pour approfondir l’information contextuelle et les documents d’archives relatifs aux personnes, aux lieux et aux événements qui sont au cœur des procès », a-t-il détaillé.

Mélangeant la RV avec des méthodologies de conception de jeux et d’histoire publique, « Courtroom 600 » cherche à donner aux apprenants un plus grand « sens de l’échelle » lorsqu’ils sont confrontés à l’ampleur des crimes nazis.

L’expert en conception de jeux Ken Thompson travaille sur son projet de RV « Courtroom 600 », à Nuremberg, Allemagne. (Photo : Kassandra Thompson)

« Pour Yom HaShoah, nous utilisons souvent des objets pour remplacer un grand nombre de personnes », explique Thompson, qui a travaillé sur plusieurs projets qui utilisent la RV appliquée à l’histoire.

« Quand je suis allé à l’université au Rensselaer Polytechnic Institute, nous avons fait placer des drapeaux colorés sur un terrain de football. Nous avons fait cela parce qu’il est difficile d’expliquer aux gens les grands nombres. En RV, nous pouvons permettre une compréhension beaucoup plus profonde de l’échelle, ce qui rend plus clairs certains aspects de l’histoire », commente l’expert.

Le directeur de la USC Shoah Foundation, Stephen Smith, a déclaré que cette utilisation de la RV « représente une nouvelle façon de capter la vérité pour l’avenir », dans une interview sur le projet de RV « The Last Goodbye ».

« Nous n’avons pas peur de repousser les limites, mais nous envisageons d’utiliser soigneusement toute innovation afin que la crainte de la technologie ne l’emporte pas sur l’Histoire », a-t-il conclu.

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