Israël en guerre - Jour 432

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Le Covid-19 va t-il relancer l’ère de l’école à la maison ?

La pandémie a contraint les parents à assurer l'instruction de leurs enfants ; à mesure que les écoles rouvrent, des enseignants espèrent que cette expérience laissera des traces

Une jeune Israélienne lors d'un cours à distance chez elle au Moshav Haniel, le 18 mars 2020. (Chen Leopold/Flash90)
Une jeune Israélienne lors d'un cours à distance chez elle au Moshav Haniel, le 18 mars 2020. (Chen Leopold/Flash90)

L’école à la maison ne signifie pas nécessairement faire l’école chez soi, où en tous cas, ce n’était pas le cas.

« Les gens pensent que les enfants qui suivent une scolarisation à la maison passent la journée chez eux, et que le coronavirus n’a pas impacté nos vies. C’est faux », commente Efrat Campagnano, mère de trois enfants et membre active d’un groupe de scolarisation à domicile à Jérusalem. « En réalité, les filles et moi-même passions très peu de temps chez nous avant le virus. Nous allions au musée, avions des activités sociales avec des amis, allions au parc. Les membres de notre groupe d’enfants de Jérusalem scolarisés à domicile se rencontraient plusieurs fois par semaine pour toutes sortes d’activités. Donc le coronavirus a eu un impact majeur sur nos vies. Mais peut-être étions-nous mieux préparés à passer beaucoup de temps – la majeure partie de la journée – avec nos enfants ».

Les familles confinées à cause de la pandémie de coronavirus se sont retrouvées en charge de l’instruction – ou de la déscolarisation – de leurs enfants. La pandémie a ébranlé l’équilibre de nombreux foyers, en Israël et dans le monde entier. Cependant, l’expérience sociale géante de l’enseignement à distance à l’échelle nationale – qui touche peut-être à sa fin avec la réouverture des écoles – a également permis d’acquérir quelques compétences.

Pourquoi envoyons-nous nos enfants à l’école ? Comment un enfant apprend-il ? Quel est le rôle du parent et de l’enseignant dans ce processus ? Ceux qui pratiquent l’enseignement à domicile ont tendance à se poser ce genre de questions. Et c’est peut-être chez eux que nous trouverons des pistes de réponses.

Efrat Campagnano (Autorisation)

« J’ai choisi de pratiquer l’enseignement à domicile pour mes filles parce que c’est ainsi que je conçois mon rôle de mère – être responsable des apprentissages de mes enfants », explique Efrat Campagnano. « Ce que nous faisons s’apparente davantage à de la déscolarisation qu’à de l’enseignement à la maison. Les enfants n’ont pas de cours à la maison. Ils sont exposés au monde et apprennent par curiosité, parce que [les enfants] sont faits pour apprendre.  »

« L’enseignement à la maison, ce n’est pas l’enseignement à distance », précise Valeria Gumush, mère de deux enfants scolarisés chez eux à Kiryat Tivon, près de Haïfa. « C’est la rencontre entre la curiosité naturelle de l’enfant et les opportunités que présente le monde. On ne peut pas enseigner, on peut seulement préparer le terrain ».

Pendant la pandémie, les chambres à coucher ont pris des airs de salles de classe et la frontière entre école et maison a été floutée. Face à cette nouvelle réalité, de nombreux pédagogues qui appelaient à la réforme du système scolaire ont réalisé que la pandémie procédait à ce changement.

Reut Naor (Autorisation)

« Nous avons longtemps parlé des avantages de l’approche individuelle à l’égard des élèves. Certains enfants apprennent plus facilement le matin par exemple. Pour d’autres, la soirée est plus propice aux apprentissages. Dans une salle de classe traditionnelle, l’enseignant doit synchroniser tous les enfants. Le coronavirus a permis de désynchroniser l’apprentissage », analyse Reut Naor, chargée de l’innovation éducative au sein du réseau AMIT, qui compte 107 écoles dans le pays.

« Nous demandons depuis longtemps un changement dans la perception du rôle de l’enseignant – de l’enseignement au tutorat, de la position de source de savoir à celle de guide vers l’auto-apprentissage. Le processus d’apprentissage peut être très différent de ce qu’il est dans une école traditionnelle. Le coronavirus nous a permis de voir cela »,poursuit-elle. « Cela aura été une expérience qui nous aura propulsés vers les choses que nous souhaitions mettre en place. Nous avons été catapultés vers le futur – le futur dans le domaine de l’éducation notamment – et nous avons dû y faire face ».

Une enseignante dirige une classe par correspondance depuis son domicile à Mevaseret Zion, dans la banlieue de Jérusalem, le 19 avril 2020, en pleine pandémie de coronavirus. (Flash90)

Tsuriel Robbin, directeur du collège-lycée Wasserman à Beer Sheva affirme également que certains des défis d’ordre éducatif posés par le coronavirus vont intégrer notre quotidien.

« Le fait que les écoles aient commencé à se servir de la technologie comme vecteur de connaissances est l’aspect le moins intéressant », estime-t-il. « Ce qui compte c’est que la période coronavirus a rompu avec le concept traditionnel des classes de 30 élèves qui écoutent un enseignant faire la leçon pendant 45 minutes. Nous avons vu qu’une leçon peut durer le temps que le souhaite l’élève : certains fatiguent au bout de 15 minutes, d’autres préfèrent enchaîner deux heures de cours sans pause. Certains préféreront travailler à 22 heures, voire à minuit. »

« L’une des raisons pour lesquelles nous faisons face à des décalages éducatifs, c’est parce que l’école traite tous les élèves sur un pied d’égalité, alors qu’ils sont tous différents ».

L’un des aspects positifs qu’aura eu le coronavirus sur le système scolaire – et tous les parents éreintés l’admettront – c’est qu’ils ont pu avoir un aperçu de ce que font leurs enfants à l’école.

« Quand nous avons réalisé que les enfants devraient étudier à la maison, nous sommes demandés comment tirer profit de ce nouvel environnement d’apprentissage », indique Yulia Biran, directrice de l’école expérimentale Hillel à Jérusalem.

« En ayant cela à l’esprit, nous avons tenté de leur donner des tâches qui pourraient être intéressantes pour toute la famille – par exemple interviewer ses grands-parents ou faire un projet à base de photos de familles. Nous avons eu un très bon retour de la part des parents qui ont dit qu’ils avaient toujours voulu en savoir davantage sur ce que leurs enfants faisaient à l’école, et qu’ils en avaient désormais la possibilité. Pour nous, les enseignants, voir à quel point la relation avec les parents est importante a été très instructif. Je suis excitée à l’idée de créer une communauté où enfants et adultes peuvent apprendre ensemble ».

Des élèves israéliens à l’école Orot Etzion à Efrat portent des masques alors qu’ils reviennent à l’école pour la première fois depuis le début de l’épidémie de coronavirus, le 3 mai 2020. (Gershon Elinon/Flash90)

Tsuriel Robbins, de Beer Sheva, est assez optimiste quant au maintien des changements à mesure que les écoles rouvriront : « tout dépend du ministère de l’Éducation, de sa disposition à accorder davantage d’autonomie aux professeurs. J’ai parlé à des gens là-bas, ils semblent comprendre. On ne reviendra pas en arrière ».

Tsuriel Robbins (Autorisation)

« Pensez par exemple aux examens de fin d’année. Avant le coronavirus, nous consacrions du temps, de l’énergie et des ressources à nous assurer que les élèves ne servent pas de leurs manuels et ne copient pas les uns sur les autres. Maintenant, on ne peut pas le vérifier, les examens auront lieu depuis la maison, donc nous devons changer le format de l’examen. Au lieu de tester la mémoire des élevés, nous testerons leur capacité à réfléchir et à trouver les informations dont ils ont besoin. Est-ce une mauvaise chose ? ».

Ceux qui pratiquent l’enseignement à domicile sont aussi optimistes.

« Si nous étions un parti politique », commente Efrat Campagnano, « ce serait un bon moment pour faire parler de nous, parce qu’à cause du coronavirus, les gens ont goûté à la vie avec leurs enfants, quand ils ne passent pas leur journée au bureau. Nombre de parents commencent à se poser des questions sur leur rôle en tant que parents et sur la nécessité de la scolarisation. Je ne dis pas qu’ils opteront tous pour l’école à la maison, et ce n’est pas le but. Le but, c’est de commencer à réfléchir. Maintenant que vous avez goûté à l’alternative, le choix sera plus conscient ».

Valeria Gumush (Autorisation)

« Je ne qualifierais pas ce qui se passe d’enseignement à la maison », nuance Valeria Gumush. « La scolarisation à la maison est le résultat d’un choix éclairé. Ce que nous venons de vivre a été imposé aux parents ».

Elle confie cependant que certains de ses amis ont été ravis de s’y frotter, malgré la difficulté de concilier télétravail et instruction à la maison.

« On réalise que c’est plus facile de passer la journée entière avec son enfant que de passer une heure avec lui en soirée. Nos enfants sont plus sereins et plus heureux à la maison. Cela ne signifie pas que les parents vont immédiatement se tourner vers l’enseignement à domicile. Mais ils décideront peut-être d’arrêter certains cours l’après-midi. Il y a tellement d’autres opportunités pour l’apprentissage, et nous voulons les explorer ».

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