Le désarroi des habitants du quartier juif de Marrakech
De nombreuses maisons construites en pisé, un mode de construction en terre crue, sont davantage fragilisées en cas de pluie ; les risques doivent être évalués au plus vite
Dans le quartier juif de Marrakech, la Mellah, les touristes côtoient désormais des familles entières délogées par le séisme qui a fait plus de 2 900 morts dans une région proche et secoué l’une des médinas les plus célèbres du Maroc.
De nombreuses bâtisses ont été détruites ou très endommagées dans ce quartier historique et très populaire de la Vieille Ville, où la population vit dans la peur de nouveaux affaissements.
« Certains habitants, comme mes parents, ont trouvé refuge chez leurs proches, mais beaucoup d’autres vivent tout simplement dans la rue », s’est désolée Saïda Mirouch, 56 ans, en montrant les fissures qui lézardent les murs de la maison où elle a grandi.
« On n’a pas les moyens de faire des réparations. Des gens sont venus faire des inspections, mais ils ne nous ont rien dit. Qu’est ce qu’on fait ? Est-ce que la maison va s’écrouler ? On ne sait pas », a-t-elle déploré.
Des équipes dépêchées par le ministère marocain de l’Habitat ont poursuivi leurs tournées mardi, et des architectes étaient attendus sur les lieux mercredi. Mais aucun recensement officiel des maisons endommagées n’a encore été annoncé, après le séisme qui a frappé vendredi soir une région au sud-ouest de Marrakech (centre).
« Un danger très important »
« Nous allons faire des diagnostiques pour (…) voir s’il faut évacuer ou procéder à des renforcements », a affirmé à l’AFP le président du Conseil national de l’Ordre des architectes du Maroc, Chakib Benabdellah.
« Dans les tremblements de terre, il n’y a pas que les maisons qui tombent, il y a celles qui restent et qui présentent parfois un danger très important », a-t-il expliqué, en soulignant que la médina abrite des maisons très anciennes en pisé.
Ce mode de construction en terre crue pourrait les fragiliser davantage en cas de pluie. « Nous ferons au plus vite pour évaluer les risques », a précisé Benabdellah.
En attendant, la population vit dans l’angoisse, guettant la moindre secousse au passage des pelleteuses qui sillonnent les ruelles du quartier juif historique parfois encore appelé Essalam par ses habitants, même s’il a retrouvé son nom originel de la Mellah en 2017.
Il avait subi alors d’importants travaux de rénovation, évalués à plus de 17,5 millions d’euros, visant notamment à développer sa vocation touristique.
À LIRE : Le vieux quartier juif de Marrakech renaît
Construit pour héberger les Juifs de la ville, il abrite aujourd’hui une large population musulmane, souvent d’origine modeste, vivant de petits boulots dans la médina et se partageant de vielles demeures à plusieurs familles.
Selon l’Observatoire du tourisme, le Maroc a accueilli quelque 6,5 millions de touristes au premier semestre de l’année, dont plus de 4,3 millions à Marrakech.
« Où est le gouvernement ? »
Les autorités ont mis en place un centre d’accueil pour les sans-abris de Marrakech « mais personne ne veut y aller, car il est très loin, à l’extérieur de la ville », a affirmé Mirouch.
Zeïnab Khoulaki, une veuve de 67 ans, préfère rester avec ses trois enfants, ses quatre petits-enfants et beaucoup de ses voisins dans un campement improvisé dans le quartier.
Grâce à la solidarité des habitants de la Vieille Ville, ils reçoivent de la nourriture et quelques produits de première nécessité.
Mais les enfants, dont l’école a également été détruite, « n’ont pas changé d’habits depuis vendredi soir », le jour du séisme, a raconté cette femme qui travaille habituellement sur la place de Jemaa al-Fna, l’une des principales attractions de la ville, où elle propose des tatouages de henné aux touristes.
Autour d’elles, de nombreuses femmes dénoncent leur situation, ne sachant pas si, et quand, elles retrouveront un toit.
« Où sont les autorités, où est le gouvernement ? Pourquoi on ne nous installe pas de vraies tentes sur l’une des places principales ? », s’est insurgée une vielle dame, qui n’a pas souhaité donner son nom.
« Cela ne plairait pas aux touristes », lui a répondu une autre sur un ton ironique.