Le directeur de Human Rights Watch démissionne après trois décennies à son poste
Ce critique de longue date d'Israël, qui supervisait l'organisation quand elle a déclaré qu'Israël était un État d'apartheid, l'année dernière, a dit qu'il partirait en août
Le dirigeant de longue date de Human Rights Watch a annoncé, mardi, qu’il démissionnerait cet été de son poste de directeur-exécutif après presque trois décennies passées à la barre de l’une des plus importantes organisations de défense des droits de l’Homme du monde .
Kenneth Roth avait été à la tête de l’organisation, dont le siège est à New York, quand elle avait été colauréate d’un prix Nobel, en 1997, qui avait récompensé son travail visant l’interdiction des mines antipersonnel. Le groupe avait également promu l’établissement de la Cour pénale internationale qui est aujourd’hui chargée de poursuivre les crimes de guerre, les crimes contre l’Humanité et les génocides.
Fatou Bensouda, l’ancienne procureure de la CPI, avait dit que Roth avait été « une inspiration » pour elle.
« La passion intrépide de Roth pour la justice, son courage et sa compassion à l’égard des victimes des violations faites aux droits de l’Homme et des victimes d’atrocités n’est pas seulement une responsabilité professionnelle à ses yeux, mais aussi une conviction intime », avait-elle déclaré.
Roth était devenu directeur exécutif de HRW en 1993, quand le groupe comptait environ 60 employés et un budget annuel de sept millions de dollars. Aujourd’hui, l’organisation dispose d’un effectif de 552 personnes couvrant plus de 100 pays et elle est dotée d’un budget de près de 100 millions de dollars.
« Ken Roth a transformé Human Rights Watch en mastodonte de la justice », a commenté Anthony Romero, directeur exécutif de l’ACLU (American Civil Liberties Union). « Il a inspiré toute une génération de défenseurs des droits de l’Homme, plus déterminés que jamais à combattre pour un monde meilleur ».
Le groupe a été sur la ligne de front concernant certains dossiers relatifs aux droits de l’Homme parmi les plus brûlants. En cela, « Kenneth Roth s’est inévitablement fait beaucoup d’ennemis », a fait savoir l’organisation.
« Bien qu’étant juif (et ayant un père qui a fui l’Allemagne nazie à l’âge de 12 ans), il a été attaqué pour les critiques émises par Human Rights Watch a l’égard des abus commis par le gouvernement israélien », a dit HRW dans un communiqué émis mardi.
Roth et Human Rights Watch sont des critiques fervents d’Israël. Ils ont notamment accusé l’État juif de crimes de guerre, des accusations rejetées avec colère par les autorités israéliennes.
Il y a un an, HRW avait émis un rapport de 213 pages accusant Israël d’apartheid. Israël avait rejeté ce rapport avec force, disant que les accusations étaient « de fausses affirmations… à la fois ridicules et mensongères », et avait déclaré que HRW avait « un agenda anti-israélien depuis très longtemps ».
Suite à la guerre d’onze jours qui avait opposé Israël et le Hamas, au mois de mai dernier, le groupe avait accusé l’État juif et les Palestiniens de Gaza de crimes de guerre.
Le dicteur de HRW pour les affaires israéliennes et palestiniennes, Omar Shakir, avait été expulsé d’Israël en 2019, accusé de soutenir le mouvement BDS (Boycott, Divestment and Sanctions), qui cherche à isoler Israël sur la scène internationale en raison de son traitement présumé des Palestiniens.
Au cours des audiences consacrées à l’expulsion d’Amid Shakir, Roth avait accusé l’État juif « de non seulement réprimer les activités des groupes de défense des droits de l’Homme mais aussi de priver les Israéliens d’informations sur ce qui se passe autour d’eux ».
Au cours de ses premières années au sein de Human Rights Watch, Roth avait mené des enquêtes, notamment à Haïti et à Cuba, mais aussi sur le conflit israélien ou au Koweït au lendemain de l’invasion de l’Irak, en 1990. Ces dernières années, il s’est principalement consacré aux atrocités survenues pendant la guerre syrienne, ainsi qu’à la répression par les Chinois de la population Ouïghour, dans le Xinjiang.
Après le 11 septembre 2001 marqué par les attentats aux États-Unis, Human Rights Watch avait enquêté et révélé l’existence de sites sur lesquels les responsables américains interrogeaient et torturaient les terroristes présumés. Le groupe avait poussé le gouvernement à lancer des investigations et à poursuivre devant la justice les auteurs de ces tortures.
Dans son communiqué annonçant le départ de Roth, l’organisation souligne également que son travail a contribué à la condamnation de l’ex-président du Liberia Charles Taylor, à celle de l’ancien président du Pérou Alberto Fujimori et à celle des criminels de guerre serbes Radovan Karadzic et Ratko Mladic.
Roth avait commencé sa carrière dans la défense des droits de l’Homme comme bénévole, y consacrant ses nuits et ses week-ends en plus de son travail d’avocat et de procureur fédéral. Il avait rejoint Human Rights Watch en 1987 au poste de directeur-adjoint et il avait pris la tête de l’organisation, dont il avait finalement réuni toutes les branches régionales en une seule et unique entité, en 1993.
Il avait aussi « mondialisé les activités de plaidoyer » de HRW en établissant des bureaux à Bruxelles, Londres, Tokyo, Sydney ou Johannesburg.
Après le départ, fin août, de Roth, ce sera le directeur-adjoint du groupe Tirana Hassan qui deviendra son chef jusqu’à la nomination définitive de son successeur.
« Il est temps de transmettre le flambeau », a déclaré sur Twitter le directeur de HRW, 66 ans, sans donner de raison précise ni détailler ses futurs projets. Il s’est félicité d’avoir, avec ses équipes, « construit une force de premier plan dans la défense des droits des personnes à travers le monde ».
« J’ai eu le grand privilège de passer presque 30 années de ma vie à construire une organisation qui est devenue un moteur dans la défense des droits de l’Homme à travers le monde », a-t-il déclaré par ailleurs. « Je quitte aujourd’hui Human Rights Watch mais je n’abandonne pas la cause des droits de l’Homme. »