Le discours de Ronni Gamzu salué par les médecins, mais peut mieux faire
Si le nouvel homme fort dans la lutte contre le coronavirus apporte une dose d'optimisme, certains remettent en doute ses plans
C’est une bouffée d’optimisme qui s’est emparée, mardi, de la profession médicale après le discours prononcé par le nouvel homme fort de la lutte contre le coronavirus en Israël, le professeur Ronni Gazmu, lors de sa prise de fonction. L’allocution a été saluée et qualifiée de point de départ d’une nouvelle relation entre l’Etat et le public.
« Je pense que ce discours a été incroyable », explique avec enthousiasme Nadav Davidovitch, épidémiologiste et leader du syndicat des médecins en Israël, qui s’est fait plutôt remarquer jusqu’à présent pour ses critiques des politiques mises en oeuvre par l’Etat dans le cadre de la crise de la COVID-19.
« Son idée de créer un nouveau contrat entre le gouvernement et les Israéliens, c’est très exactement ce dont nous avons besoin aujourd’hui », ajoute-t-il.
Davidovitch considère que l’allocution a signalé le lancement d’un programme sérieux. « Je ne pense pas que tout cela ne soit qu’artifices », déclare-t-il.
Pour Galia Rahav, responsable du service des maladies infectieuses dans le plus grand hôpital d’Israël, le centre médical Sheba de Ramat Gan, Gamzu a prononcé les mots que les citoyens avaient besoin d’entendre.
« Il a été charismatique et il gagnera la confiance du public en retour », dit-elle au Times of Israel.
Elle ajoute que « la présence constante d’un homme qui aura la charge des choses et qui décidera des choses – au lieu d’avoir des groupes différents, ce qui crée une confusion horrible – sera assurément une amélioration ».
Toutefois, Eli Waxman, ancien chef de la Commission des conseillers experts dans la lutte contre la pandémie au sein du conseil national de Sécurité, qui a récemment déclaré qu’avoir tenté d’aider le gouvernement dans le combat contre le coronavirus s’était apparenté à se « taper la tête contre un mur de briques », est plus prudent.
Waxman est heureux que Gamzu se soit approprié deux initiatives qu’il a lui-même prônées – améliorer le suivi des contacts et impliquer l’armée – mais il confie au Times of Israel que « je ne suis pas soulagé – du moins pas encore ».
« Pour que l’armée puisse travailler, l’autorité doit être transférée, ce qui pourrait nécessiter des décisions gouvernementales et peut-être même une législation. Il faut attendre de voir si cela va se faire ».
Gamzu, ex-chef du ministère de la Santé et directeur-général du centre médical Sourasky de Tel Aviv, a détaillé sa vision des choses dans un discours télévisé. Il a expliqué qu’il utiliserait sa nouvelle fonction gouvernementale pour s’assurer que le virus serait combattu avec efficacité, mais que les Israéliens ne subiraient plus de restrictions « manquant de logique ».
Il a fait savoir qu’il avait l’intention d’améliorer le processus controversé de suivi des contacts en impliquant les militaires, admettant que le ministère de la Santé avait échoué à ce niveau-là et que cette mission se trouvait au « cœur » des tentatives visant à stopper la pandémie.
Gamzu a annoncé sa volonté de mettre en place un système de « feux tricolores » qui permettra d’évaluer la situation relative au coronavirus dans les différentes parties du territoire.
Il a fait une autre promesse audacieuse, celle de reconstruire la confiance publique. Il s’est engagé à mettre au point « un nouveau contrat entre la population et le gouvernement ».
Davidovitch, qui est président du forum de santé publique à l’Association médicale israélienne et directeur de l’école de santé publique au sein de l’université Ben-Gurion du Negev, déclare au Times of Israel que « le discours a été très exactement ce dont nous avions besoin aujourd’hui, en particulier avec cette emphase mise sur la transparence et sur l’utilisation de mesures proportionnées. »
« Il a demandé au public de lui faire confiance et c’est important. C’est exactement ce qu’il avait fait au cours de l’épidémie silencieuse de polio en 2013 et 2014, où il avait appelé à la solidarité et à une meilleure compréhension de ce qu’est la santé publique ».
Gamzu était directeur-général du ministère de la Santé au cours de cette épidémie de poliomyélite, qui avait été combattue avec succès.
Cyrille Cohen, immunologue éminent, estime que Gamzu « appuie sur le bouton ‘réinitialisation’. »
« Les gens sont dans la confusion la plus totale et ils ne font pas confiance aux décisionnaires », commente-t-il, « et je pense que c’est donc une bonne chose d’appuyer sur le bouton ‘réinitialisation’. J’espère simplement que ce n’est pas trop tard dans la mesure où nous assistons à une augmentation du nombre de malades dans un état critique et que certains hôpitaux se rapprochent dangereusement de leurs capacités maximales« .
Cohen, chef du laboratoire d’immunothérapie à l’université Bar-Ilan et membre d’une commission de conseil en charge des vaccins contre le coronavirus au sein du ministère de la Santé, explique que puisque la confiance des Israéliens est « compromise », il faut redonner une « virginité » à l’Etat.
Cohen pense que la décision de transférer le suivi des contacts à l’armée est importante parce que, si ce dernier est bien effectué, il renforcera le pouvoir du dépistage en garantissant que si une personne est positive à la maladie, son entourage et les gens qu’elle a rencontrés seront rapidement placés en quatorzaine. Le ministère de la Santé a manqué de capacités pour mettre en oeuvre cette initiative pour de nombreux patients, mais Cohen nourrit l’espoir que les militaires réussiront là où le ministère a échoué.
Selon Davidovitch, l’une des convictions les plus importantes de Gamzu est sa certitude de la nécessité de transférer davantage d’autorité aux municipalités locales.
« Il va donner plus de pouvoir aux municipalités locales, ce qui est cohérent dans la mesure où il est impossible de prendre en charge Israël en considérant le pays comme une seule unité. Il faut être plus complexe que ça », commente-t-il.
Il ajoute que si l’autorité se consolide grâce à Gamzu, il espère que finalement les responsabilités seront déléguées et décentralisées en faisant intervenir dorénavant des acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux variés pour gérer la crise avec une meilleure efficacité.
« Même si cela peut paraître être le contraire, tout sera affaire de décentralisation », prédit-il.
Cohen déclare pour sa part que malgré son enthousiasme face au discours, il pense que le système de « feux tricolores » sera « très difficile à mettre en oeuvre » et que Gamzu a eu tort de réaffirmer son intention d’ouvrir les écoles le 1er septembre, comme prévu.
Cohen ajoute que « c’est une date qui, je le pense, devra probablement être reportée parce que cela a été l’une de nos principales erreurs il y a deux mois – ce qui explique pourquoi j’ai tendance à être en désaccord avec cette réouverture ».
« Dans le meilleur des cas, nous ne devrions autoriser que la rentrée des élèves du CP au CE2 et attendre pour les autres. Cela va être impossible, en pratique, de faire baisser le taux de contamination d’ici le 1er septembre, et nous ne devrions pas répéter l’erreur de rouvrir les établissements scolaires ».