Le génocide au Rwanda exposé au Mémorial de la Shoah
A l'approche des commémorations du génocide, l'exposition documente sur quels préjugés s'est accumulée la haine, et comment le massacre répond aux caractéristiques d'un génocide
Des silhouettes vides et des visages sans bouche: des enfants tutsis survivants du génocide au Rwanda ont dessiné le traumatisme et l’impossibilité de s’en délivrer, comme l’illustre une double exposition au Mémorial de la Shoah et à Drancy.
A l’approche des commémorations du génocide de 1994, cette double exposition documente, lettres, discours, photos et films à l’appui, du XIXème siècle aux années 90, sur quels préjugés et stéréotypes s’est accumulée la haine, et comment le massacre planifié de 1994 répondait à toutes les caractéristiques d’un génocide, et non à un conflit inter-ethnique ou économique.
L’exposition « Rwanda 1994: notre histoire? » au Mémorial de la Shoah se base sur une masse de documents, pour certains inédits, tandis que celle, parallèle, de Drancy, « Rwanda 1994: le génocide des Tutsi », déjà présentée en 1994, met davantage l’accent sur les objets et vestiges du génocide, avec des prêts du Mémorial de Kigali-Aegis.
Au Mémorial de la Shoah, la première salle est consacrée à des lettres et dessins d’enfants: « Nous avons continué à mourir-vivre mal », écrit une petite fille.
Sur une vidéo, le rappeur et écrivain Gaël Faye (« Petit pays ») rappelle comment dans les quartiers « tout a commencé par des mots, de simples mots à l’école, dans les médias, la culture ».
Ce matin, par hasard, devant l'hôtel de ville de Paris, à l'ombre d'un drapeau français, j'ai reconnu des visages et des…
Posted by Gaël Faye on Tuesday, April 2, 2019
L’exposition de Paris expose de nombreux documents illustrant les stéréotypes insufflés par colons et missionnaires, et renforcée par les photos d’époque: « une fable raciale imposée à la société rwandaise » en raison d' »un univers mental obsédé de classification », souligne la chercheuse Hélène Dumas, commissaire scientifique.
Ce ne sont pas des raisons économiques qui ont poussé au génocide : « les tueurs ne profitent pas des maisons ou des vaches mais les détruisent. Il n’y a aucune rationalisation économique », dit-elle.
Les classifications sur les traits des visages, les récits sur les Tutsi étrangers d’origine nilotique aboutiront à des demandes de partition, à la mention sur la carte d’identité, à des suggestions affirmant que les Tutsi sont trop nombreux dans l’enseignement…
Dès 1963-1964, des massacres de Tutsi sont documentés par des journaux comme Témoignage Chrétien et Le Monde.
« Cette idéologie raciale voulait que les Tutsi soient en quelque sorte les cousins raciaux des blancs, plus aptes à gouverner, à être éduqués. Ils ont été favorisés par le système colonial », explique Mme Dumas à l’AFP.
La différence entre le colonisateur belge et la France est saisissante selon elle: « les Belges ont constitué une véritable commission d’enquête en 1997. Nous, on a eu une mission d’information qui n’avait pas de pouvoirs coercitifs ».