Le Hezbollah prend à partie des journalistes libanais à la frontière avec Israël
La ministre de l'Information a condamné cet assaut ; Les journalistes couvraient les négociations menées sous l'égide de l'ONU sur les délimitations de leur frontière maritime
Mercredi, dans la localité de Naqoura, localité du sud du Liban frontalière d’Israël, une équipe de Télé-Liban a été prise à partie par trois hommes qui ont brisé leur matériel, a annoncé une journaliste de la chaîne publique sur son compte Twitter.
Les trois hommes se sont dits affiliés au groupe terroriste chiite du Hezbollah et ont contraint tous les journalistes présents pour couvrir les négociations entre le Liban et Israël à quitter le secteur, a affirmé un des reporters.
Réclamant « l’intervention des appareils de sécurité », la ministre de l’Information, Manal Abdel Samad, a condamné cet assaut.
Les deux pays voisins, toujours officiellement en guerre, ont tenu ce mercredi des discussions techniques pour délimiter leur frontière maritime et lever les obstacles à la prospection d’hydrocarbures, deuxième round de négociations inédites sous l’égide de Washington et de l’ONU.
Les discussions entre délégations libanaise et israélienne sont prévues jusqu’à jeudi. La séance de mercredi s’est terminée dans l’après-midi, après avoir duré environ quatre heures dans des locaux de l’ONU à Naqoura, a rapporté l’agence nationale d’information (ANI).
Après plusieurs années d’efforts diplomatiques américains en coulisse, le Liban en crise et Israël avaient officiellement dévoilé ces pourparlers, « historiques » selon Washington. Les négociations se font désormais avec la médiation d’un haut diplomate américain, John Desrocher.
Le Liban insiste sur le caractère « technique » et non politique des discussions initiées le 14 octobre, martelant qu’il s’agit de négociations « indirectes ».
Le contentieux maritime entre les deux voisins concerne une zone de 860 km². Le dossier est particulièrement stratégique pour un Liban en faillite, qui mise sur la prospection pour enrayer un effondrement économique ne faisant qu’empirer depuis un an.
Mercredi encore, les négociateurs se sont retrouvés sur une base frontalière de la Finul, force de l’ONU déployée pour surveiller la ligne bleue qui fait office de frontière.
« Réclamer le maximum »
C’est « la première session technique, les discussions détaillées sur la démarcation devraient débuter », a estimé Laury Haytayan, experte sur la bonne gouvernance des ressources en hydrocarbures au Moyen-Orient.
Pour Mme Haytayan, le Liban compte « réclamer le maximum qu’il puisse obtenir », et prévoit même d’aller « au-delà des 860 kilomètres » carrés dont il est question.
Cela engloberait des parties du gisement israélien de gaz naturel Karish. « Il faut attendre la réaction des Israéliens », dit Mme Haytayan.
Depuis un an, le Liban connaît une récession économique accompagnée par une dépréciation de la monnaie nationale et un accroissement de la pauvreté. La communauté internationale refuse de débloquer toute aide financière sans l’adoption de réformes.
Malgré ce contexte calamiteux, les autorités « veulent envoyer un signal aux Libanais, aux négociateurs israéliens et américains qu’elles ne sont pas à la table des négociations en position de faiblesse », souligne Mme Haytayan.
Pour le gouvernement israélien, l’objectif est « d’examiner la possibilité d’un accord sur la démarcation de la frontière maritime (…) pour permettre le développement des ressources naturelles », selon un communiqué publié mardi.
Les pourparlers, qui selon des estimations israéliennes optimistes pourraient durer « quelques mois », ont suscité des remous au Liban.
Le mouvement terroriste chiite du Hezbollah, poids lourd de la vie politique et ennemi armé d’Israël, a critiqué avec son allié Amal la présence de civils dans la délégation libanaise, réclamant une équipe composée uniquement de militaires.
Mardi, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a salué des « voix positives » évoquant au Liban la « paix avec Israël », même si les responsables libanais martèlent que les négociations n’ouvrent pas la voie à une normalisation.
Dans une interview lundi à la chaîne libanaise Al-Jadeed, Claudine Aoun, la fille du président libanais, avait en effet affirmé qu’une paix pouvait être envisagée « mais que tous les problèmes devaient d’abord être réglés ».
Les négociations interviennent dans un contexte de fortes tensions en Méditerranée orientale autour des hydrocarbures et de la délimitation des frontières maritimes, impliquant aussi entre autres la Turquie, la Grèce et Chypre.