Le lycée de Hersh Goldberg-Polin se recueille après avoir perdu dix anciens élèves dans la guerre
Himmelfarb, à Jérusalem, est l'une des écoles les plus prestigieuses en Israël pour les sionistes religieux, un groupe démographique qui a subi de lourdes pertes depuis le 7 octobre - mais qui garde le moral

JTA — L’atmosphère est singulièrement animée lors de la dernière soirée de la shiva – c’est la semaine rituelle de deuil juif – à la mémoire de Yuval Shoham, un soldat israélien qui a perdu la vie à Gaza le mois dernier.
Des groupes se sont rassemblés pour parler avec animation autour de la famille du défunt – il y a les parents et les quatre frères de Yuval – sous une grande tente qui a été installée à deux pas de leur congrégation dans le quartier de Baka, dans le sud de Jérusalem. C’est un samedi soir – et les personnes présentes partagent des histoires joyeuses sur Shoham, qui était âgé de 22 ans au moment de sa mort.
L’impression générale est d’assister à une réunion d’anciens élèves – et c’est le cas, d’une certaine manière. Shoham, le 394e soldat israélien à être tombé au champ d’honneur à Gaza au cours de cette guerre, est également le dixième ancien élève du lycée Himmelfarb à perdre la vie sur le front ou en captivité depuis le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, 7 octobre 2023. Les victimes sont de jeunes soldats ou un professeur aimé de ses élèves – en passant par l’un des otages israéliens les plus connus à avoir été enlevé par le Hamas, Hersh Goldberg-Polin.
« À un moment, on s’est tous demandé qui allait mourir cette semaine », dit Yishai Reich dont le frère, Ariel, a été le deuxième ancien élève d’Himmelfarb à être tué. Il ajoute que ces décès témoignent de l’esprit de service qui est enseigné sur les bancs du lycée et qu’ils témoignent également d’une communauté de Jérusalem soudée.
« Tout le monde aime tout le monde là-bas », s’exclame Reich, qui va bientôt faire son entrée dans l’armée. « Ce qu’on nous inculque, c’est que ce ne sont pas les études et les notes qui sont ce qu’il y a de plus important, que ce qui compte, c’est d’être quelqu’un de bien. C’est peut-être pour ça qu’un si grand nombre de bons soldats sont sortis de là ».
Aujourd’hui, avec un cessez-le-feu qui devrait durer au moins six semaines, la nation meurtrie peut réfléchir à ce qu’elle a perdu en observant les choses depuis une nouvelle perspective. Et les pertes ressenties à Himmelfarb, une école fondée il y a un siècle et qui accueille aujourd’hui environ 900 garçons de la cinquième à la terminale, sont particulièrement intenses, avec des ramifications pour tout le reste d’Israël.

Himmelfarb est l’une des écoles du mouvement sioniste-religieux les plus en vue du pays. Parmi ses anciens élèves, Herzi Halevi, le chef d’état-major sortant de Tsahal, des journalistes, des rabbins et des hommes d’affaires de premier plan.
L’établissement occupe également une place unique parmi les 10 % d’Israéliens environ qui se reconnaissent dans le mouvement sioniste religieux – une communauté typiquement orthodoxe moderne qui, par sa fidélité à la loi juive et à l’État juif, s’est toujours considérée comme une passerelle entre les juifs laïques d’Israël et la pratique religieuse stricte des haredim. De par son emplacement à Jérusalem, elle accueille des élèves relativement diversifiés et elle s’efforce de maintenir son éthique sioniste-religieuse de rapprochement entre les communautés, même alors que d’autres segments de la communauté se sont déplacés vers la droite.
Les pertes subies par Himmelfarb accentuent ce que Yair Ettinger, ancien élève de l’école et journaliste israélien de premier plan dans les cercles religieux, appelle le « tribut lourd, très lourd » que les sionistes religieux ont payé de leur sang au cours de la guerre israélienne sur plusieurs fronts. Mais à une époque où la société israélienne est épuisée et déchirée par des conflits extérieurs et intérieurs, Eittinger et d’autres, dans l’orbite de l’école, notent que leur volonté de rassembler le pays n’a fait que se renforcer.

« Dans la société israélienne, les gens ont vraiment soif de réconfort et de réconciliation », explique Ettinger, qui est l’auteur d’un livre intitulé « Frayed : The Disputes Unraveling Religious Zionists ». « Lorsqu’ils voient les sionistes-religieux combattre aux côtés des laïcs pendant la guerre, ils se disent : ‘C’est quelque chose que nous avons connu, dans le passé. Peut-être pourrions-nous le reconstruire’. »
Il ajoute : « Et je pense que dans ce sens, les gens se disent : ‘Himmelfarb prône ce genre de rapprochement sur lequel nous pourrons construire des choses’. »
Toutefois, ces décès en cascade ont entraîné de lugubres rituels parmi les anciens élèves et les parents. Chaque fois qu’Ariella Bernstein a vu les mots « autorisé à la publication » – qui, dans la presse israélienne, précèdent l’annonce des noms des victimes – elle s’est empressée de vérifier l’annuaire de Himmelfarb de son fils pour voir si le nom figurait dans ses pages.

Et quand, lors des funérailles de Shoham, son père Effie a déclaré qu’il avait « écrit dans ma tête cet éloge funèbre depuis 15 mois », depuis le début de la guerre, ces mots ont eu une résonance particulière pour Bernstein.
Son fils Benjy, ancien élève de Himmelfarb, a servi 227 jours dans la réserve pendant la guerre. Avant l’accord de cessez-le-feu, il devait retourner à Gaza pour quatre mois supplémentaires, à partir du mois de mars.
« Effie a eu la force et il a été en capacité de dire ce que je n’arrive pas à dire à haute voix, à savoir que oui, ça faisait 15 mois qu’il planifiait cet éloge funèbre », dit-elle. « J’ai dit à mon mari : ‘Tu vois, je ne suis pas la seule’. »
Bernstein vit à Baka, le même quartier de Jérusalem où vivent les familles Goldberg-Polin et Shoham. Effie Shoham et sa femme, Oshrat – une avocate qui a également donné des cours d’éducation sexuelle à Himmelfarb – sont les fondateurs de la synagogue Hakhel, dont la famille Goldberg-Polin est également membre.

Pendant la guerre, une photo virale a circulé, montrant Goldberg-Polin, Aner Shapira et Ben Zussman à l’époque de leur bar-mitzvah. Ils avaient tous fréquenté Himmelfarb et ils ont tous été tués par le Hamas.
Selon Shemaiah Rotenberg, un ancien élève de l’école, les liens entre Baka et Himmelfarb sont profonds. « Vous ne pouvez pas vous promener dans la rue sans croiser des amis de l’école », explique-t-il, ajoutant que dans la section locale du mouvement de jeunesse sioniste-religieux Bnei Akiva, seuls trois garçons ne sont pas des élèves de Himmelfarb.
Dans les deux mois qui ont suivi la mort d’Ariel Reich, quatre autres diplômés de Himmelfarb sont tombés au champ d’honneur à Gaza : Shachar Fridman, Dvir Barazani, Zussman et Oriya Ayimalk Goshen.
A chaque fois, les élèves, les anciens élèves et le personnel se sont retrouvés à l’école avant les funérailles pour un moment de recueillement et de soutien, avant de parcourir à pied les 800 mètres qui séparent l’établissement du cimetière militaire du mont Herzl, le cortège brandissant des drapeaux israéliens.

« Le seul avantage que présente l’éloignement de l’école par rapport à chez moi, c’est qu’elle est proche du mont Herzl », commente ironiquement Yoel Rockman, un ancien élève.
L’école a également pris des dispositions pour les frères et sœurs touchés par le deuil. Reich, qui était en Terminale lorsque son frère a été tué, trouvait qu’il était trop difficile pour lui d’assister aux cours dans les semaines qui ont suivi sa mort. L’école s’est arrangée pour que les enseignants le rencontrent individuellement. Il a ainsi pu avoir droit à des cours privés. Il a également pu consulter un psychologue deux fois par semaine.
« Ils se sont occupés de nous en permanence – pas seulement de moi, mais de toute ma famille. C’est ça, Himmelfarb », indique Reich, qui a également perdu sa mère lorsqu’il était en CM1. « C’est comme si on vous étreignait… Dès que vous entrez dans l’école, vous prenez conscience du fait que vous y êtes chez vous ».
Les enseignants étaient toujours là pour lui, lui demandant : « Quand peut-on prendre une tasse de café, juste pour discuter ? »
Après la mort de Goshen au mois de janvier, plusieurs mois de répit ont suivi – jusqu’en août, quand la nouvelle de la mort de Goldberg-Polin est tombée. À l’approche du premier anniversaire du pogrom du 7 octobre 2023, un ancien élève, Almken Terefe, a été tué et, peu de temps après, la communauté de l’école a été dévastée une fois de plus par la nouvelle que le rabbin Avi Goldberg, un ancien élève, père de huit enfants, qui était revenu enseigner au sein de l’établissement, avait été tué au Sud-Liban.

La famille de Goldberg vit à quelques rues de la famille Goldberg-Polin, à Baka.
Pour Reich, la mort de Goldberg a été un coup dur. Alors même lorsqu’il était stationné à Gaza en tant que capitaine servant dans la réserve, son ancien professeur principal lui a envoyé des messages de condoléances après avoir appris la mort de son frère.
« Il était une figure dominante dans ma vie », se souvient le plus jeune des frères Reich. « Nous avons été bouleversés par sa mort. Aucun d’entre nous n’a jamais imaginé que quelque chose puisse arriver à l’un de nos enseignants ».
Le rabbin Jeremy « Yirmi » Stavisky, qui avait été directeur de l’école pendant 23 ans avant de démissionner il y a quatre ans pour se reconvertir dans l’enseignement, note que la mort de Goldberg a également été un coup dur pour les autres membres du personnel, qui partageaient avec lui de profondes amitiés. Des liens les aident à surmonter leur chagrin. « Notre rôle n’est pas de remplacer le foyer des élèves, mais de leur offrir un autre foyer », explique-t-il.
Stavisky a lui-même vécu une perte personnelle lorsque son gendre, Yinon Fleishman, a été tué au début de la guerre.
Mais selon Stavisky, son successeur, le rabbin Shlomo « Shlomi » Danino, veille à ne pas laisser la douleur définir dorénavant l’école.
« Elle est avant tout un lieu de vie. Un lieu d’apprentissage, de sport, de jeu et d’épanouissement personnel. Nous sommes très attentifs à cela », indique-t-il.
Il montre une plaque qui rend hommage à la mémoire de 60 anciens élèves décédés depuis 1969. Elle a été placée dans un coin modeste du beit midrash de l’école – la salle d’étude religieuse – et non dans le hall principal.

Pour sa part, le hall principal est orné d’un panneau indiquant : « Dans toutes tes voies, connais-Le » – une phrase tirée des Proverbes. Pour Rockman, cette phrase résume l’éthique de l’école, qui est de ne pas se laisser abattre.
« Bien sûr, ils veulent qu’on reste religieux mais en fin de compte, on nous encourage à trouver notre propre voie ». Il note que si plus de 99 % des élèves qui quittent l’école s’engagent dans l’armée, leurs parcours varient considérablement après l’obtention de leur diplôme. Certains étudient dans des yeshivot avant et pendant leur service militaire, tandis que d’autres s’engagent immédiatement. Certains restent pratiquants, d’autres non.
L’une des constantes de l’école est de mettre l’accent sur le service, selon Stavisky.
« Personne ne peut vivre uniquement pour lui-même. Une personne doit toujours vivre pour donner un sens à sa vie et elle doit également voir comment elle peut contribuer au monde », commente-t-il. « Il s’agit d’une valeur profondément ancrée, et même si elle n’est pas souvent évoquée de manière explicite, les élèves et les anciens élèves ressentent fortement cette attente ».
Ce qui concerne également le service militaire et le fait de risquer sa vie, ajoute-t-il. « L’école ne prêche pas l’enrôlement au sein de l’armée ou la poursuite d’un rôle au combat – c’est simplement considéré comme une responsabilité civique et juive inhérente », explique-t-il.
Les étudiants, le corps enseignant et les anciens élèves de l’école savent que cette philosophie peut parfois entraîner la souffrance. Mais Stavisky déclare toutefois que c’est le moment où la foi et les amitiés entrent en jeu. Malgré les sacrifices qu’il est susceptible d’impliquer, ils ne sont pas prêts à renoncer au sionisme religieux.
« La reconnaissance profonde de notre identité sioniste religieuse nous aide », dit-il. « Nous croyons en cette histoire, l’histoire du peuple d’Israël qui est revenu sur la terre d’Israël après 2 000 ans ».
Il ajoute : « Mais si nous voulons un État au milieu de la barbarie du Moyen-Orient, alors nous devons être prêts à le défendre ».
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