Le massacre au kibboutz Beeri ravive les peurs et le courage de 1948
L'attaque du Hamas, qui a pris le contrôle de la communauté pendant 17 heures, rappelle la détermination des Israéliens et la vulnérabilité de leur pays
Avant la plus importante incursion du Hamas en territoire israélien, le kibboutz Beeri, situé à proximité de la ville d’Ofakim, était principalement connu pour son imprimerie florissante, son aménagement paysager soigné et sa scène culturelle naissante.
Mais après l’attaque surprise de ce samedi contre Israël menée par des centaines de terroristes, venus de la bande de Gaza voisine, Beeri est devenu un symbole de cette tragédie qui a causé la mort de centaines d’Israéliens et qui a conduit à une déclaration du Premier ministre Benjamin Netanyahu, annonçant qu’Israël entrait en guerre contre le groupe terroriste du Hamas.
Pour de nombreux Israéliens, les événements à Beeri ont révélé une faiblesse militaire dont peu de gens avaient prévu l’ampleur et qui, pour certains, rappelle certaines des périodes les plus incertaines de l’État juif.
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Samedi matin, des dizaines de terroristes ont pénétré dans le kibboutz, créé en 1946 dans le cadre d’un plan stratégique visant à aider le futur État à résister à une invasion égyptienne.
Les troupes du Hamas ont pris progressivement hier le contrôle de l’ensemble du kibboutz, dont les 1 200 habitants en font le plus grand des 25 villages qui composent le conseil régional d’Eshkol. Plusieurs membres du kibboutz auraient été enlevés et emmenés vers la bande de Gaza.
L’opération terroriste entrait dans le cadre d’un raid sans précédent mené par des centaines d’hommes armés du Hamas, qui ont réussi à traverser facilement la zone frontalière sous tension, pénétrant dans au moins trois villes – Ofakim, Sderot et Netivot – et plusieurs villages.
À Beeri, l’invasion terroriste a comporté un élément que peu d’Israéliens auraient pu imaginer possible : un homme en civil expliquait en arabe ce qui se passait à un caméraman, comme le ferait un journaliste, alors que des combattants armés du Hamas s’agitaient autour de lui.
Il s’agit d’un scénario sans précédent, qui illustre un épisode victorieux inédit du Hamas face à Israël. Les terroristes ont ainsi fait du porte-à-porte parmi les foyers du kibboutz, tuant plusieurs personnes et en arrêtant au moins 50 autres, les gardant captives.
Environ 17 heures après que les terroristes ont pris le contrôle du kibboutz, les forces de sécurité ont déclaré qu’elles avaient libéré tous les otages – des dizaines d’entre eux étaient détenus dans la salle à manger – mais qu’elles continuaient de balayer les lieux à la recherche d’autres éléments ennemis. Dans le même temps, l’armée israélienne a tué des dizaines de terroristes sur le sol israélien et des centaines d’autres lors de frappes aériennes à Gaza, selon l’unité du porte-parole de Tsahal.
Netanyahu a déclaré qu’Israël gagnerait ce qu’il a défini comme une guerre contre le Hamas, avertissant qu’il « écraserait » ses capacités. Mais ces fanfaronnades n’ont pas réussi à apaiser certaines des craintes existentielles qui étaient passées au second plan de la psyché israélienne à mesure que le pays s’est renforcé, mais qui ont soudainement refait surface après le dramatique succès militaire du Hamas samedi.
« C’était choquant, comme si on revivait une scène de 1948 », a déclaré Einat Barzilai, écrivaine et conférencière sur la culture israélienne. L’occupation du kibboutz par des terroristes de Gaza pendant la majeure partie de samedi l’a transportée au moment le plus périlleux de l’État juif, a-t-elle expliqué, alors que nombre de ses habitants doutaient de sa – et de leur – viabilité à court terme.
L’incursion à Gaza s’est produite au lendemain du 50e anniversaire de l’invasion surprise d’Israël par les armées égyptienne et syrienne lors de la guerre du Kippour, un événement traumatisant qui a ébranlé la confiance de nombreux Israéliens dans la vigilance des dirigeants militaires et politiques du pays.
« Mais la guerre du Kippour s’est déroulée sur le front. Le sentiment d’impuissance et de vulnérabilité lorsque votre propre maison est attaquée – cela rappelle davantage la guerre d’indépendance de 1948 », a déclaré Barzilai, qui vit à Jérusalem.
Les événements de Beeri ont poussé Shimon Riklin, commentateur de droite sur la 14e chaîne de télévision israélienne, à employer son habituel ton belliqueux à l’égard du groupe terroriste libanais du Hezbollah, qui pourrait se joindre aux combats – des tensions en ce sens ont éclaté ce dimanche matin à la frontière libanaise.
« Quand on voit ce qui s’est passé à Beeri, on a l’impression qu’il vaut mieux se concentrer sur la libération de toutes les zones contrôlées par les terroristes à l’intérieur d’Israël. Faisons cela et évaluons ensuite si nous sommes toujours d’attaque à affronter le Hezbollah, qui représente une force de combat beaucoup plus coriace que le Hamas », a déclaré Riklin samedi lors d’une émission intitulée « Les Patriotes ».
« On nous a abandonnés, personne ne nous protège. Il n’y a personne au volant », a déclaré Rachel Sadeh, une mère de trois enfants dans la cinquantaine d’années qui a immigré en Israël depuis l’ex-Union soviétique il y a de nombreuses années. Samedi, elle a attendu que son fils, Ziv, soit extrait d’une cachette qu’il avait trouvée après avoir échappé aux terroristes près de Beeri. Ziv Sadeh était parmi les dizaines de jeunes qui ont fui d’une rave-party nocturne face à l’avancée des terroristes du Hamas.
L’armée a lancé un appel massif de réservistes en vue d’une invasion terrestre de Gaza. Netanyahu a indiqué que le Hamas subirait des représailles d’une ampleur peu commune. Le groupe terroriste a tiré des milliers de roquettes sur Israël, notamment sur Tel Aviv, causant la mort de plusieurs personnes.
Certains témoignages au sujet de l’invasion de Beeri par le Hamas ont mis en avant un échec des forces de sécurité à reprendre le contrôle du kibboutz, mais aussi un échec à intervenir rapidement face à l’horreur.
Amit Man, une secouriste de 22 ans, est restée enfermée dans la clinique de Beeri pendant six heures avec des personnes blessées lors de l’attaque. Sa sœur, Haviva, a publié samedi sur Facebook des captures d’écran de la correspondance de plusieurs heures entre les deux sœurs.
Dans le dernier signe de vie de la soignante, qui a demandé à plusieurs reprises à sa sœur des informations au sujet de l’intervention de l’armée, Amit Man a écrit à propos des terroristes, vers 14h : « Ils sont là. Je ne pense pas que je sortirai d’ici. S’il vous plaît, soyez fort si quelque chose m’arrive. »
Haviva Man a écrit sur Facebook : « Malgré toutes les avancées, les progrès militaires et technologiques, on a l’impression que tout ça ne sert à rien. »
Le sort d’Amit Man restait inconnu ce dimanche matin.
Dans une déclaration samedi soir, Netanyahu a déclaré qu’Israël « s’embarquait dans une guerre longue et difficile » qui « nous a été imposée par une attaque meurtrière ».
La phase initiale de la guerre consiste ainsi à « détruire la plupart des forces ennemies » qui sont entrées sur le territoire israélien, a-t-il expliqué. Une offensive sur Gaza est en cours, a déclaré Netanyahu, « et elle se poursuivra sans hésitation et sans répit – jusqu’à ce que les objectifs soient atteints ». « Nous rétablirons la sécurité des citoyens israéliens et nous gagnerons », a-t-il ajouté.
De retour à Jérusalem, Barzilai, qui est religieuse et ne souscrit pas à bon nombre des valeurs libérales caractéristiques des kibboutzim largement laïcs d’Israël, a tiré une leçon de la première guerre israélienne.
« Lorsque vous voyez le danger, vous comprenez la détermination et le sacrifice de ces pionniers des temps modernes dans les kibboutzim – mais aussi dans des villes comme Ofakim et Sderot – qui vivent sous ce niveau de menace jour après jour », a-t-elle déclaré.
Ainsi, alors que l’offensive a ravivé certaines des craintes de 1948 – quand environ 1 % de la population juive de la Terre d’Israël d’avant la fondation de l’État est mort dans les hostilités –, « cela nous rappelle également que l’esprit de ces pionniers a finalement gagné cette guerre et gagnera les prochaines », a déclaré Barzilai.
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