Le ministre des Communications critiqué suite à son refus de se conformer aux ordres de la Haute Cour
Karhi a accusé la Cour d'usurper son autorité ; Lapid, le chef de l'opposition, rappelle que la loi doit être respectée, Gantz met en garde contre l'anarchie si les ministres ne se conforment pas aux ordres des juges
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Les responsables de l’opposition ont condamné, mardi, le ministre de la Communication, Shlomo Karhi, qui a déclaré qu’il défierait la Haute Cour de justice et qu’il refuserait d’appliquer une ordonnance rendue dans une affaire relevant de son domaine de compétence – une affaire qui est relative à une querelle portant le Conseil d’administration de la chaîne publique Kan.
Le conseil d’administration n’a pas travaillé depuis le mois de novembre – le mandat de deux de ses membres ayant expiré et Karhi n’ayant pas jugé utile de nommer leurs remplaçants. De son côté, le tribunal a ordonné, dans la journée de lundi, que le mandat de ces deux membres soit prolongé jusqu’à ce qu’ils soient remplacés, de façon à ce que le Conseil d’administration puisse mener à bien ses différentes missions.
Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a dénoncé les propos de Karhi. Il a insisté, au micro de la station de radio 103FM, sur la nécessité, pour les ministres, d’obéir à la loi et de se conformer aux décisions rendues par la justice tandis que le leader de la formation HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a affirmé que le non-respect des décisions de justice était « une tache noire dans une démocratie ».
Lundi soir, suite à la décision qui a été prise par la Haute Cour, Karhi a déclaré que l’ordre avait été donné « sans l’autorité nécessaire pour ce faire » et « en violation de la loi », avec pour conséquence qu’il ne pouvait pas être considéré comme juridiquement contraignant.
Karhi, membre d’extrême-droite du parti du Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu, est un fervent critique du système judiciaire israélien. Le refus d’un ministre de se soumettre à un ordre de la Haute Cour – créant une impasse entre deux branches du gouvernement – entraînerait une crise constitutionnelle, et la manière dont les autorités et dont les agences devraient alors agir reste incertaine.
Ce jugement du tribunal a fait suite à une requête qui avait été déposée par l’organisation Hatzlaha, qui demandait que le mandat des deux membres du Conseil d’administration du Kan soit temporairement prolongé – Karhi ayant refusé de nommer deux remplaçants.
Le Conseil d’administration ne peut pas mener à bien son travail s’il ne compte pas sept membres. Il lui est donc actuellement impossible d’assumer le rôle qui est le sien – à savoir définir les politiques du radiodiffuseur public et assurer son contrôle.
Le conseil est habilité à nommer les hauts responsables de Kan, à déterminer ses procédures de travail, à définir ses différentes politiques et à élaborer son plan de travail annuel, lui apportant ensuite son approbation. En l’absence de sept membres, toutes ces activités déterminantes sont actuellement suspendues.
La commission de recherche, au sein du Conseil d’administration, a pour mission de nommer les nouveaux membres du conseil, mais cette instance ne peut plus prendre en charge ses tâches depuis que le précédent président, Moshe Drori, qui avait été nommé par Karhi, a démissionné au mois de novembre.
Moshe Drori avait démissionné suite à une requête déposée auprès de la Haute Cour qui dénonçait sa nomination en tant que président de la commission de recherche, à la lumière d’une décision très controversée qu’il avait rendue en 2009 alors qu’il était lui-même juge d’un tribunal de district. Drori avait alors acquitté un homme qui était accusé d’avoir écrasé une femme israélienne d’origine éthiopienne – l’auteur présumé des faits avait pourtant, à l’époque, plaidé coupable. Le jugement avait été qualifié de raciste et il avait été annulé par la Cour suprême.
Dans sa décision rendue lundi, la Haute Cour a émis une ordonnance provisoire appelant Karhi à répondre à la requête et à expliquer la raison pour laquelle il s’est refusé, jusqu’à présent, à nommer un nouveau président à la tête de la commission de recherche – s’il souhaite par ailleurs désigner deux nouveaux membres qui intégreront le Conseil d’administration.
La Cour a également rendu une ordonnance provisoire prolongeant le mandat des deux membres du conseil dont les mandats avaient expiré, jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur la requête – ou jusqu’à ce que deux nouveaux membres soient nommés.
« Ceci afin de permettre à la société d’exercer son autorité conformément à la loi et afin de ne pas nuire au bon fonctionnement de la société », a ajouté la Cour dans sa décision qui a été rendue par le président par intérim de la Cour suprême, Isaac Amit, et par les juges Noam Sohlberg et Daphne Barak-Erez.
Dans une réponse furieuse, Karhi s’en est pris au tribunal, accusant les magistrats d’usurper l’autorité qui est celle du gouvernement.
« J’informe par la présente l’honorable cour que cette ordonnance provisoire a été émise sans autorité et contrairement à la loi. De plus, il m’a été possible de déterminer qu’il existe un obstacle constitutionnel à sa mise en œuvre en raison d’une violation grave du principe de séparation des pouvoirs et des fondements de la démocratie », a fulminé le ministre.
« L’ordonnance est nulle, non contraignante et dénuée de sens », a-t-il ajouté, tout en mettant en garde « mes amis de gauche » sur « le type ‘d’État de droit’ que vous défendez et sur la ‘démocratie’ que vous prétendez sauver ».
S’exprimant au micro de Radio 103FM, Lapid a expliqué que si Karhi ne se conformait pas à l’ordonnance de la Haute Cour, il n’y avait aucune raison pour que qui que ce soit se conforme à ses instructions en tant que ministre.
« Un ministre doit suivre la loi et s’il ne la suit pas, il est inutile de lui obéir », a déclaré le chef de l’opposition.
Gantz a dit aux médias que le non-respect des décisions de justice était « une tache noire dans une démocratie » et il a mis en garde contre les conséquences d’un tel acte pour l’ordre constitutionnel israélien.
« Dans un tel cas, les forces de l’ordre doivent le traduire en justice avec la plus grande sévérité et la plus grande rapidité. Sinon, nous sombrerons dans l’anarchie », a prédit le chef de file de HaMahane HaMamlahti.