Le Mossad est-il responsable de la mort d’un ingénieur aéronautique tunisien ?
La déclaration du Hamas, qui affirme que Mohammed al-Zoari était un pionnier de son programme de drones, pourrait rendre son assassinat moins énigmatique, mais d’autres facteurs doivent être envisagés
Les circonstances de la mort jeudi de Mohammed al-Zoari, un ingénieur aéronautique tunisien qui était membre du groupe terroriste palestinien du Hamas, s’éclairent, et de plus en plus d’éléments pointent du doigt le Mossad israélien.
Les journaux tunisiens se sont précipités vendredi pour accuser le Mossad d’avoir tué Zoari, qui a été abattu à bout portant dans sa voiture, devant sa maison de la ville tunisienne de Sfax, et samedi, des responsables du Hamas ont donné plus de poids à cette accusation.
Voici ce que nous savons jusqu’à présent : Zoari était un ingénieur aéronautique spécialiste des drones. Il était considéré comme un membre des Frères musulmans en Tunisie, connus pour être des rivaux du gouvernement local. Ses relations avec le groupe l’ont contraint à partir pour la Syrie en 1991, et à ne revenir qu’après le renversement de l’ancien président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali en 2011. (Le mouvement tunisien Ennahdha, inspiré des Frères musulmans, a publié un communiqué condamnant et déplorant la mort de Zoari.) Zoari est connu pour avoir formé des futurs pilotes de drone chez lui.
Samedi après-midi, des responsables du Hamas ont confirmé qu’il était un personnage central de ses développements d’armes, déclarant qu’il était un pionnier du développement de ses drones.
Un responsable juridique de Sfax, Murad a-Turki, a déclaré que la police avait retrouvé deux pistolets, des silencieux et quatre voitures qui auraient été utilisés pour le meurtre. « Selon notre enquête préliminaire, nous avons trouvé une connexion à d’autres éléments qui ont quitté le pays », a-t-il déclaré.
Ce sont les faits que nous pouvons accepter. Après cela, le sujet s’obscurcit.
Un proche de Zoari, Karim Abed a-Salam, a déclaré à la Neuvième chaîne tunisienne que Zoari avait visité plusieurs fois la bande de Gaza ces dernières années, en entrant par les tunnels qui courent sous la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte. Il a déclaré que Zoari était un agent de liaison entre le Hamas et les gouvernements iranien et syrien. On ne sait pour l’instant pas si ces déclarations contiennent une once de vérité.
Le journal libanais Al-Akhbar a annoncé samedi que Zoari avait aussi aidé dans le passé le Hezbollah, groupe terroriste libanais, dans le développement de ses drones.
Le Mossad a été accusé dans le passé d’éliminer ceux qui fournissent aux groupes terroristes palestiniens et libanais des technologies sophistiquées, ainsi que des scientifiques nucléaires iraniens.
L’affaire la plus exposée a été celle de la mort d’Hassan Lakkis, qui dirigeait la recherche et le développement des armes du Hezbollah. Il a été abattu au sud de Beyrouth en 2013. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, avait accusé Israël, mais Jérusalem avait démenti toute implication. A ce moment, comme aujourd’hui, personne n’avait pu présenter des preuves montrant qu’Israël était responsable.
Il faut aussi explorer la possibilité que d’autres aient pu être responsables de la mort de Zoari. Des partisans mécontents de l’ancien président Ben Ali ont-ils pu être impliqués ? Cela semble improbable : pourquoi cibleraient-ils un ingénieur aéronautique au lieu de, par exemple, un responsable d’Ennahdha ou un politique connu ?
Peut-être s’agissait-il simplement d’un incident criminel. Mais alors pourquoi les tueurs auraient-ils utilisé des silencieux et plusieurs véhicules ?
A ces spéculations, l’on pourrait ajouter la démission soudaine et inexpliquée du directeur de la sécurité nationale tunisienne, Abd Belhaj Ali, à peine quelques heures après la mort de Zoari.
Pour l’instant, il y a beaucoup de questions et quelques réponses précieuses à propos de cette mystérieuse mort.