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Analyse

Le plan économique américain pourrait être dur à vendre à Netanyahu

Le projet comprend des mesures qui exigeraient des compromis sécuritaires qui pourraient mettre le Premier ministre et la droite dans l'impasse

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l'ambassadeur américain en Israël David Friedman lors de la cérémonie à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Guerre des Six jours, dans la Vieille ville de Jérusalem, le 21 mai 2017. (Crédit : AFP/EPA Pool/Abir Sultan)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l'ambassadeur américain en Israël David Friedman lors de la cérémonie à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Guerre des Six jours, dans la Vieille ville de Jérusalem, le 21 mai 2017. (Crédit : AFP/EPA Pool/Abir Sultan)

WASHINGTON (JTA) — Quelques jours avant l’ouverture d’une conférence durant laquelle Jared Kushner tentera de lever des dizaines de milliards de dollars pour son plan de paix au Moyen-Orient, la Maison-Blanche a dévoilé un aperçu de son volet économique avec des propositions – notamment une liaison entre Gaza et la Cisjordanie – qui, assurément, ébranleront le gouvernement israélien.

Le plan de « Paix pour la prospérité », qui a été mis au point par une équipe dirigée par Kushner, le gendre de Donald Trump, a été publié sur le site de la Maison-Blanche dans la journée de samedi. Il laisse totalement de côté le volet politique qui, disent ses auteurs, sera présenté au mois de novembre, à l’issue des élections israéliennes prévues en septembre.

Les 40 pages du plan économique adoptent avec enthousiasme les expressions de l’identité palestinienne et laissent pressentir des aboutissements politiques qui pourraient bien bouleverser les projets de Netanyahu de former une coalition avec les partis qui se trouvent à la droite de sa formation du Likud.

L’éventualité d’un Etat palestinien n’est toutefois pas mentionnée.

En plus de la liaison entre Gaza et la Cisjordanie, qui traverserait inévitablement le territoire israélien, des propositions visant à enregistrer les propriétés foncières immobilières et à permettre aux agriculteurs palestiniens de mieux accéder à l’eau et aux terres cultivables.

Des propositions qui mettraient Netanyahu à rude épreuve : il a été un soutien inlassable de Trump qui a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et qui a également reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan. Le président américain a retiré les Etats-Unis de l’accord iranien sur le nucléaire, honni par le Premier ministre israélien ; il a coupé les aides financières octroyées par les Américains aux Palestiniens et appuyé la campagne de Netanyahu dans sa tentative de réélection au mois d’avril.

Des militantes palestiniennes du groupe terroriste du Jihad islamique portent des pancartes du président américain Donald Trump et du Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d’une manifestation contre l’atelier économique du Bahreïn dans le sud de la bande de Gaza à Rafah, le 18 juin 2019. (SAID KHATIB / AFP)

Le plan de Kushner anticipe une collecte de 50 milliards de dollars, qui serviront à construire des infrastructures et autres dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, ainsi qu’à promouvoir des partenariats dans les secteurs du commerce et du tourisme avec l’Egypte, la Jordanie et le Liban – certaines parties de ces fonds étant allouées à ces pays.

Ni le plan de 40 pages, ni le détail du mode de dépense de ces fonds – qui est exposé en accompagnement sur 96 pages – ne mentionnent un Etat palestinien.

Kushner a indiqué qu’il ne trouvait pas le terme pertinent et David Friedman, ambassadeur américain en Israël, a expliqué que le volet politique du plan abandonnerait à Israël le contrôle sécuritaire de la Cisjordanie, suggérant qu’une souveraineté palestinienne pleine et entière n’était pas à l’ordre du jour.

Netanyahu, pour sa part, a pris ses distances avec la solution à deux Etats, qu’il semblait favoriser dans le passé, affirmant qu’il prévoyait d’élargir la souveraineté israélienne sur les implantations juives de Cisjordanie.

L’Autorité palestinienne, qui boycotte le sommet qui aura lieu cette semaine au Bahreïn, a d’ores et déjà rejeté ce plan dont elle n’a pas encore pleinement connaissance, en partie parce qu’il semble clairement établi qu’il ne proposerait pas d’Etat palestinien et qu’il ne répondrait pas à la revendication palestinienne d’une portion de Jérusalem. Le plan et son annexe – qui présente dans le détail l’allocation des fonds – ne mentionne pas une seule fois Jérusalem.

Des manifestants palestiniens brûlent un drapeau israélien durant une manifestation à la frontière d’Israël avec la bande de Gaza, le 6 avril 2018. (Crédit : AP Photo/ Khalil Hamra)

« L’ABC de l’économie, c’est qu’aucune valeur monétaire ne peut impliquer ou se substituer à la souveraineté économique qui est l’exigence première de la prospérité », a commenté sur Twitter Husam Zomlot, envoyé du Front de libération de la Palestine à Washington jusqu’à son renvoi, l’année dernière, décidé par l’administration Trump en mesure de sanction contre les Palestiniens pour leur boycott des négociations de paix.

Dans une interview accordée à Reuters, qui a fait état du plan avant qu’il ne soit publié, Kushner a indiqué qu’il était conscient que sa proposition, une fois révélée, pourrait entraîner un certain scepticisme.

« Je trouve personnellement que dans le monde réel, le moyen de régler des problèmes est d’aller vraiment dans le détail, en avançant des propositions, en étant d’accord ou en désaccord avec certains points – c’est très sain et c’est ainsi qu’on peut résoudre un conflit », a-t-il dit.

« Souvenez-vous bien que personne ne donne son aval avant de prendre finalement la décision de le faire. Ce n’est pas inhabituel de s’insurger et de critiquer des propositions, mais ce que nous espérons réussir, c’est créer un cadre où nous pourrons faire évoluer le débat et faire en sorte d’aborder les choses différemment, de manière plus segmentée – d’une manière qui, avec un peu de chance, pourra entraîner quelques résultats », a-t-il ajouté.

Les éléments du plan comprennent certains compromis sécuritaires que Netanyahu pourrait répugner à accepter. Le principal concerne un projet de transport d’un montant de 5 milliards de dollars qui relirait la bande de Gaza et la Cisjordanie.

Des camions palestiniens au poste-frontière de Kerem Shalom, principal point d’entrée des biens pénétrant à Gaza depuis Israël, le 9 juillet 2019. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

« Les fonctionnalités pourraient inclure une ligne de transport ferroviaire interurbaine reliant les villes majeures de Gaza et de la Cisjordanie pour les déplacements urbains rapides, des gares de transport de masse à proximité des centres urbains et des connexions aux lignes ferroviaires régionales telles que le projet ferroviaire jordanien », explique la proposition.

« Ces connexions seront mises en place par étapes avec une solution intermédiaire dont le déploiement serait programmé dans les deux ans », note-t-elle.

Une proposition similaire avait été faite au cours du processus d’Oslo, à la fin des années 1990. A l’époque, les responsables israéliens s’étaient inquiétés que tout système similaire permettant de transporter des Palestiniens de Gaza vers la Cisjordanie en traversant le territoire israélien ne vienne poser un large risque sécuritaire.

D’autres éléments du plan suggèrent la reconnaissance d’une identité nationale palestinienne – ce qui serait aussi dur à vendre aux partisans israéliens de la droite dure et même au parti du Likud de Netanyahu.

La somme de 500 millions de dollars serait ainsi allouée à « une nouvelle université phare libérale d’arts et de sciences en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ».

Au cours des décennies, les universités palestiniennes ont nourri l’identité nationale palestinienne et ont, parfois, été au cœur de la protestation contre l’occupation israélienne. Les autorités, au sein de l’Etat juif, ont fait fermer de manière répétée et au fil des années les facultés dans les moments d’agitation.

Des Palestiniens brûlent des drapeaux israéliens lors d’une manifestation à l’Université ouverte d’Al-Quds dans le village de Dura, à la périphérie de la ville de Hébron le 13 décembre 2017, alors que les protestations se poursuivent dans la région suite à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump. (PHOTO AFP / HAZEM BADER)

Un montant de 80 millions de dollars est prévu pour le développement des arts palestiniens – qui adoptent souvent des perspectives nationalistes – et 150 millions sont destinés au Musée palestinien situé aux abords de Ramallah. Le musée se consacre à la célébration de l’identité palestinienne, mettant notamment en avant la résistance à Israël.

Préparation d’un morceau géant de knafeh, une pâtisserie au fromage, à Beit Hanina, le 3 décembre 2017. (Autorisation : Open Holidays)

Le document ne se prive pas de souligner l’identité palestinienne. « La cuisine traditionnelle palestinienne varie en fonction des régions et intéresse fortement les visiteurs », dit une partie du document au sujet du tourisme.

« Chaque ville palestinienne s’enorgueillit de ses propres plats et saveurs, depuis la glace Rukab, à Ramallah, au fameux kafneh de Naplouse », est-il écrit.

Le plan offre en détails l’allocation de la somme de 28 milliards allouée à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Les fonds seront dirigés vers trois pays voisins pour des projets transfrontaliers, et aussi pour le tourisme : plus de sept milliards pour la Jordanie, 9 milliards pour l’Egypte et 6,3 milliards pour le Liban.

Contrairement à la Jordanie et à l’Egypte, le Liban n’a pas signé de traité de paix avec Israël et le Hezbollah, milice terroriste alliée à l’Iran qui refuse tout accommodement avec Israël, reste très influent dans le pays.

La proposition prône des déplacements plus aisés pour les Palestiniens, et un plus grand accès aux terres cultivables et à l’eau.

« Un environnement commercial amélioré en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et l’accès à davantage de terres créeront une opportunité unique aux agriculteurs qui souhaitent élargir leurs opérations », dit-elle.

Les obstacles à ces ambitions posés par les politiques israéliennes – soucieuses de sécurité et favorisant la croissance des implantations juives – ne sont pas mentionnés.

Les officiers de la police des frontières montent la garde pendant que les agriculteurs palestiniens utilisent des tracteurs pour travailler la terre dans le village de Qusra en Cisjordanie, avec l’avant-poste Esh Kodesh en arrière-plan, le 19 novembre 2013. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)

Les perspectives optimistes de la proposition contournent certaines des questions les plus épineuses des résolutions, notamment celle de la propriété de la terre.

« L’enregistrement de la propriété foncière est une phase essentielle de la transformation de l’économie palestinienne qui permettra de déverrouiller l’utilisation des terres en garantie et d’éliminer de nombreuses barrières existantes au développement », dit-elle, sans mentionner qui aurait la charge d’enregistrer les propriétés foncières et qui devrait régler les conflits de propriété.

Le plan propose une vaste expansion des postes-frontières, ce qui aura nécessairement un coût pour Israël s’il faut les sécuriser et y déléguer des personnels.

La question de la gouvernance qui sera sans doute présente dans le volet politique est absente – mais elle hante néanmoins le document. Le Hamas, groupe figurant sur la liste des groupes terroristes aux Etats-Unis, se trouve à la tête de Gaza ; l’administration Trump et le Congrès ont interdit presque tous les financements directs versés à l’Autorité palestinienne.

Jared Kushner aux côtés d’un membre de la délégation saoudienne lors d’une réunion de la Maison-Blanche entre le président Donald Trump et le prince héritier Mohammed ben Salmane d’Arabie Saoudite, le 20 mars 2018. (Crédit : Kevin Dietsch / Pool / Getty Images via JTA)

Kushner, au Bahreïn, exercera des pressions sur les leaders des pays riches en pétrole, dans le Golfe persique, pour qu’ils injectent de l’argent dans des projets et dans des régions dirigées par des autorités que son propre gouvernement traite actuellement de parias.

Pour le moment, il est difficile de dire exactement qui se trouvera au Bahreïn : jusqu’à présent, seuls les ministres des Finances Bahreïni, Saoudien et des Emirats arabes unis ont confirmé leur présence. Les fonds, note la proposition, seront administrés « par une banque de développement multilatérale établie ».

Il y a bien quelques éléments étonnants dans la disposition du plan prônant la célébration de l’identité palestinienne – qui ne parviennent pas néanmoins à faire oublier le coup de bâton donné par l’administration Trump aux Palestiniens lorsqu’ils ont asséché leurs financements, même s’ils semblent y remédier après coup. Ainsi, le plan propose de former des juges pour rendre le système judiciaire indépendant : l’USAID, l’agence du département d’Etat que Trump a retiré des régions palestiniennes, avait mis en place exactement le même programme en 2014.

Une élève palestinienne passe à côté de l’aide humanitaire fournie par l’agence d’aide aux réfugiés palestiniens de l’ONU, l’UNRWA, et de l’USAID, dans le camp de réfugiés de Shatie, à Gaza City, le 6 juin 2010. (Crédit : AP Photo/Lefteris Pitarakis, File)

« Ce projet apportera un soutien financier à court-terme au secteur public palestinien pour payer ses arriérés au secteur privé », explique le plan – des arriérés occasionnés en partie en raison des baisses de financement américain.

Le site Internet du programme présente des photos de petites élèves passant devant une école fondée par l’USAID – un financement annulé depuis par Trump. Il montre également un cliché des co-dirigeants israélien et palestinien du « Cercle des parents », un groupe de dialogue sur la paix pour les familles de victimes du conflit et qui était financé par les Etats-Unis – financement qui a depuis été supprimé, une fois encore, par Trump.

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