Israël en guerre - Jour 566

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Le pogrom du 7 octobre a plongé dans le deuil 2 185 frères ou sœurs – étude

Une chercheuse déclare qu'il y a actuellement "une hiérarchie dans le chagrin", exhortant le gouvernement à offrir aux frères et sœurs dans le deuil les mêmes avantages que ceux octroyés aux veufs, veuves, parents et enfants des victimes du terrorisme

Masada Bochris, à droite, avec son frère, Chen Bochris, qui a été tué en combattant les terroristes du Hamas au kibboutz Nahal Oz, le 7 octobre 2023. (Autorisation)
Masada Bochris, à droite, avec son frère, Chen Bochris, qui a été tué en combattant les terroristes du Hamas au kibboutz Nahal Oz, le 7 octobre 2023. (Autorisation)

Une chercheuse de l’université Hébraïque de Jérusalem a mené une étude – la première en son genre – consacrée à 2 185 personnes qui ont perdu un frère ou une sœur lors du pogrom du 7 octobre. Elle déplore le manque de soutien apporté à ces dernières dans la mesure où elles ne sont considérées « que » comme membres de la même fratrie.

« Dans la hiérarchie de la douleur, la société ne reconnaît pas leur deuil de la même manière qu’elle reconnaît le deuil d’un veuf, d’une veuve, d’un orphelin ou d’une orpheline », dit la chercheuse Masada Bouchris au Times of Israël. « Ce qui multiplie par deux, voire par trois, leur sentiment d’intense souffrance ».

Bouchris, 29 ans, a elle-même perdu son frère, Chen Bouchris. Ce jeune homme de 26 ans était commandant-adjoint au sein de l’unité de commando d’élite Maglan. Il a été tué alors qu’il combattait les terroristes dans le sud d’Israël, le 7 octobre.

Après sa mort, Bouchris, travailleuse sociale de carrière, explique avoir cherché des études susceptibles de l’aider à comprendre son chagrin et à mieux le prendre en charge en tant que sœur de victime du massacre commis par le Hamas. Elle ajoute ne rien avoir trouvé dans la littérature psychologique, et qu’elle a donc décidé de faire elle-même des recherches sur cette forme particulière de deuil dans le cadre de la maîtrise qu’elle est en train de passer à l’université Hébraïque.

Son étude, « les échos du deuil : le sexe, l’ordre de naissance et les circonstances de la perte [d’un membre d’une fratrie] dans le cadre des événements du 7 octobre 2023 », révèle la nécessité d’apporter un soutien sur mesure pour les frères et les sœurs ayant perdu l’un des leurs « parce que le deuil vécu par les frères et sœurs des victimes est négligé », dit-elle.

Bouchris exhorte également le gouvernement à accorder aux frères et sœurs touchés par le deuil les mêmes avantages et les mêmes services, en matière de prise en charge psychologique et de santé, que ceux dont bénéficient les parents, les veuves et les enfants des victimes. Elle recommande de surcroît vivement de former les travailleurs sociaux et les psychologues à une meilleure compréhension du deuil qui est celui des frères et sœurs, car « il faudra des années pour comprendre » ce traumatisme unique.

Faire face au deuil

L’étude a été menée sur 444 adultes ayant perdu un frère ou une sœur le 7 octobre, lors du pogrom commis par les hommes armés du Hamas – ils avaient pris d’assaut Israël, massacrant plus de 1 200 personnes et kidnappant 251 personnes qui avaient été prises en otage à Gaza.

Le frère de Masada Chen, le major Chen Bochris, qui a été tué à Nahal Oz le 7 octobre 2023. (Autorisation)

Il y a eu d’autres victimes depuis – mais Bouchris a choisi de se concentrer sur les personnes dont les frères et sœurs avaient perdu la vie lors du pogrom.

Les personnes interrogées ont répondu à une enquête en ligne au mois de mai, soit huit mois après le massacre. Dans l’enquête, des questions sur le deuil, sur les différentes stratégies d’adaptation et un état des lieux en matière de stress émotionnel.

L’étude a révélé que 20 % des personnes interrogées n’avaient pas travaillé depuis la mort de leur frère ou de leur sœur.

Les femmes ont signalé des niveaux plus élevés de détresse émotionnelle que les hommes, indique Bouchris.

Si les femmes sont davantage en quête de soutien spirituel, émotionnel et psychologique, elles font également état d’une plus grande irritabilité et d’un manque de contrôle d’elles-mêmes. Elles ont confié avoir eu des accès de colère ingérables, avoir ressenti une envie de casser des objets, de s’en prendre physiquement à autrui et de se disputer. Elles ont dit se sentir anxieuses lorsqu’elles sont seules.

L’étude a également révélé qu’en cas de perte d’un frère ou d’une sœur aînée, les survivants n’ont pas voulu chercher de l’aide, pensant que personne ne les comprendrait autant que le défunt et se refusant à « le remplacer ».

« Il était la principale ressource », explique Bouchris. « il était celui vers lequel se tourner pour poser des questions ».

L’étude montre également que les personnes ayant perdu un frère ou une sœur qui servait dans les forces de sécurité, le 7 octobre, avaient davantage de pensées négatives vis-à-vis d’elles-mêmes que celles qui avaient perdu un frère ou une sœur appartenant à la sphère civile.

Depuis la mort de leur frère ou de leur sœur, ces personnes se considèrent comme faibles. Elles ont honte d’elles-mêmes, elles se sentent inutiles et elles ne pensent pas qu’elles seront en mesure de s’améliorer à l’avenir.

Bouchris fait remarquer que ces personnes en deuil ne font pas seulement face à la mort de leurs frères et sœurs, mais qu’elles ressentent également une perte émotionnelle de la part de leurs parents, soudainement absents parce que tout leur être se concentre sur le souvenir du défunt.

Les fratries endeuillées ressentent alors le besoin d’aider leurs parents à gérer leur chagrin, mettant le leur de côté.

La souffrance à court-terme devient une souffrance à long-terme

Bouchris explique que certaines personnes se sont interrogées sur les motivations de la réalisation de cette étude sur le deuil à court-terme.

« Mieux comprendre le deuil à court-terme permettra de mieux comprendre comment le deuil se déroulera à long terme », affirme-t-elle.

De plus, les événements du 7 octobre sont devenus « un trauma prolongé » car les Israéliens redoutent la répétition d’un massacre similaire, note la chercheuse.

En haut (de gauche à droite) : Inbar Segev Vigder, Ilia Nozadze, Revital Bronstein ; en bas (de gauche à droite) : Shahar Goldman, Nadia Sokolenco, Jonas Chrosis ; les six victimes de l’attaque terroriste par balles et à l’arme blanche survenue rue de Jérusalem, à Jaffa, au sud de Tel Aviv, le 1er octobre 2024. (Crédit : Photos utilisées conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

« La terreur a commencé à se généraliser », dit-elle, citant le récent attentat qui a pris pour cible le tramway de Tel Aviv-Jaffa qui a fait six morts et 16 blessés, l’attentat de Hadera, qui a fait un mort et cinq blessés, et celui qui a été commis à la gare routière de Beer sheva, qui a coûté la vie à une personne et blessé dix autres personnes.

« Notre société est exposée à des traumatismes et elle est ensuite à nouveau exposée à ces mêmes traumatismes sur les réseaux sociaux : il s’agit donc d’un double traumatisme », explique-t-elle.

Comme si nous n’avions pas le droit d’exprimer notre chagrin

Le 7 octobre 2023, à Ashdod, les sirènes avaient retenti à 6h30 du matin, raconte Bouchris, et « à 6h35, mon frère a choisi de partir se battre. Il n’a pas attendu d’ordre officiel pour le faire ».

Il avait été tué au kibboutz Nahal Oz dans la journée.

« Il y a eu tellement de morts qu’il a fallu 48 heures pour pouvoir identifier son corps et nous n’avons donc pas pu réciter le Kaddish », se souvient-elle.

Elle ajoute que la société demande aux frères et sœurs de « reprendre le travail et de vivre comme si nous n’avions pas droit à notre chagrin ».

Masada Bochris est soldate de réserve à Gaza depuis octobre 2023. (Autorisation)

Bouchris sert dans la réserve à Gaza, où elle est chargée de la planification des opérations spéciales. Elle anime également des ateliers où elle enseigne aux soldats comment appréhender leurs émotions. Elle a mené son étude pendant qu’elle était dans l’enclave et lorsqu’elle était en permission. Le fait d’être occupée, dit-elle, lui a permis de surmonter sa souffrance.

« Le fait d’être dans la réserve m’aide parce que j’ai l’impression que mon pays a besoin de moi », explique Bouchris. « Le cas échéant, je sais pertinemment que je serais déprimée. Lorsque je ne servirai plus dans l’armée, je devrais affronter la peur de vivre sans mon frère ».

« Je pleure tous les soirs », dit-elle. « Je me sens très seule. Il y a un grand vide dans mon cœur et je n’arrive pas à respirer ».

Elle a du mal à se concentrer, raconte-t-elle, et elle s’énerve facilement lorsque les gens font preuve d’impatience à son égard au supermarché.

« J’aimerais que les gens voient mon chagrin », dit-elle. « Valider le deuil vécu par les personnes aiderait ces dernières à y faire face. »

Un graffiti sur un mur de Tel Aviv, écrit par un frère ou une sœur en deuil après le 7 octobre 2023, dit : « Soyez créatifs avec la douleur ». (Autorisation)

Bouchris déclare rester en contact avec d’autres frères et sœurs endeuillés, rencontrés dans le cadre de ses recherches. Certains d’entre eux ont commencé à écrire des graffitis dans les rues de Tel Aviv pour exprimer leur souffrance, dit-elle. Ils envisagent de demander à la municipalité de Tel Aviv de parrainer une exposition.

Elle ajoute qu’elle aimerait dire aux gens « d’afficher plus de sensibilité à l’égard des frères et sœurs » des victimes.

« Le deuil qu’on ne reconnaît pas est d’une grande complexité », dit-elle. « Nous devons sensibiliser les gens aux besoins uniques des frères et des sœurs qui ont perdu l’un des leurs ».

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