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Le prince Philip, une volonté de fer sous un masque d’humour

En 1994, Philip, décédé ce vendredi, s'était rendu en Israël, se recueillant sur la tombe de sa mère, Juste parmi les nations, enterrée sur le mont des Oliviers à Jérusalem

Le prince Philip de Grande-Bretagne, le duc d'Édimbourg, salue alors qu'il observe les troupes devant le palais de Buckingham après le défilé de l'anniversaire de la reine à Londres, le 16 juin 2012. (Crédit : LEON NEAL / AFP)
Le prince Philip de Grande-Bretagne, le duc d'Édimbourg, salue alors qu'il observe les troupes devant le palais de Buckingham après le défilé de l'anniversaire de la reine à Londres, le 16 juin 2012. (Crédit : LEON NEAL / AFP)

Deux pas en retrait, il a fidèlement accompagné la reine Elizabeth pendant plus de 73 ans. Loin de s’effacer, le prince Philip, décédé vendredi peu avant son centième anniversaire, était resté impétueux, malgré le sacrifice de sa carrière et les lourdeurs du protocole.

Le duc d’Edimbourg, grand amour de la souveraine, s’est éteint « paisiblement » au château de Windsor, quelques semaines seulement après une hospitalisation d’un mois à Londres pour une infection et un problème cardiaque préexistant. 

« Mon premier, second et ultime emploi est de ne jamais laisser tomber la reine », avait-il expliqué à son secrétaire particulier, Michael Parker, juste après son mariage, en 1947.

Un dévouement auquel Elizabeth II avait rendu hommage, confiant publiquement qu’il avait été sa « force » et son « soutien ».

Et pourtant, le prince Philip s’est longtemps heurté aux arcanes policés de la famille royale britannique avec son tempérament autoritaire, mais aussi ses plaisanteries douteuses voire des dérapages racistes.

Le prince Philip britannique arrive à une cérémonie, au château de Windsor, en Angleterre, le 22 juillet 2020. (Crédit : Adrian Dennis / Pool via AP)

Vendredi, de nombreux dirigeants mondiaux lui ont rendu hommage, parmi lesquels le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a présenté ses « plus sincères condoléances » à la reine Elizabeth II, à la famille royale et au peuple britannique. Le prince Philip sera « très regretté en Israël et dans le monde », a-t-il déclaré.

En 1994, Philip avait été le premier membre de la famille royale britannique à se rendre en Israël, dans le cadre d’une visite privée. Pendant ce déplacement, il avait reçu le titre de Juste parmi les nations, l’une des plus hautes distinctions d’Israël, décernée à sa mère à titre posthume pour avoir sauvé une famille juive des griffes des nazis durant la Seconde Guerre mondiale. La princesse Alice est d’ailleurs inhumée à Jérusalem dans la crypte d’une église sur le Mont des Oliviers, où le prince Philip s’était rendu.

En 2018, son petit-fils, le prince William, était devenu le premier membre éminent de la famille royale britannique à se rendre en visite officielle en Israël et dans les Territoires palestiniens.

Le président israélien, Reuven Rivlin, a également présenté ses condoléances à la reine Elizabeth II sur Twitter, exprimant le souhait que la mémoire du prince Philip « soit bénie ».

Le prince Philip britannique avec des vétérans britanniques de la Seconde Guerre mondiale, Nathan Kohaen, à droite, et Sol Jacobs, qui vivent maintenant en Israël lors d’une cérémonie au cimetière du Commonwealth à Ramle, en Israël, le 30 octobre 1994, où il est venu déposer une couronne. (Crédit : AP Photo)

Carrière militaire avortée

Philip est né à Corfou le 10 juin 1921, avec les titres de Prince de Grèce et du Danemark. À 18 mois, son oncle, roi de Grèce, est contraint d’abdiquer, et son père est banni du pays après la guerre gréco-turque. Avec ses parents et ses quatre sœurs, Philip fuit à bord d’un navire de l’armée britannique.

C’est le début d’une enfance solitaire et agitée, entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Sa mère, dépressive, est hospitalisée puis entre dans les ordres, tandis que son père part s’installer à Monaco.

Philip, lui, est finalement envoyé en Écosse pour suivre sa scolarité dans un austère pensionnat. Il ne reverra sa famille qu’à de rares occasions.

À partir de 1939, il fait ses classes dans l’armée britannique, au Royal Naval College de Dartmouth (sud de l’Angleterre). Il y découvre sa vocation et y rencontre pour la première fois la princesse Elizabeth. Il a 18 ans, elle en a 13 et tombe sous le charme du beau militaire. 

La princesse Elizabeth, son mari, le duc d’Édimbourg, et leurs enfants, le prince Charles et la princesse Anne, à la résidence londonienne du couple à Clarence House, en août 1951. (Crédit : AP Photo / Eddie Worth)

Il sert dans la marine pendant la Seconde Guerre mondiale. Il se distingue rapidement et devient l’un des plus jeunes lieutenants de la Royal Navy, promis à une brillante carrière.

Il se fiance après la guerre à Elizabeth. Philip est d’abord vu d’un mauvais œil par les membres de sa belle-famille. « Ils le considéraient comme brutal, sans éducation, et estimaient qu’il serait probablement infidèle », a révélé Alan Lascelles, secrétaire personnel du roi Georges VI.

Mais « Lilibet » l’adore et leur union est célébrée le 20 novembre 1947. Philip doit renoncer aux titres qu’il avait reçus à la naissance mais devient duc d’Édimbourg. Il obtient la nationalité britannique et adopte le nom – anglicisé – de sa mère, Mountbatten.

En 1952, la mort du roi George VI propulse Elizabeth sur le trône. Au cours de la cérémonie de couronnement, il fait le serment d’être « l’homme lige » de la reine, et devient à jamais le second de son épouse.

Il est contraint de mettre un terme à sa carrière militaire, un déchirement. « C’était frustrant, je venais d’être promu commandant », reconnaîtra-t-il plus tard. « La partie la plus intéressante de ma carrière navale venait seulement de commencer ».

Les membres de la famille royale britannique : la reine Elizabeth II, le vice-amiral Timothy Laurence, la princesse Beatrice d’York, le prince Philip, le duc d’Édimbourg, Catherine, duchesse de Cambridge (avec la princesse Charlotte et le prince George) et le prince William, duc de Cambridge, sur le balcon du palais de Buckingham pour assister au survol d’un avion de la Royal Air Force, à Londres, le 17 juin 2017. (Crédit : Chris J Ratcliffe / AFP)

Pragmatique

« Je ne sais pas combien de temps il va tenir, il est comme refoulé », dira l’ex-roi de Yougoslavie. Mais animé par un grand sens du devoir, le prince Philip s’investit dans son nouveau rôle, jusqu’à devenir parrain de plus de 780 organisations, assumant notamment la présidence du WWF pendant quinze ans.

Volontiers ironique, il se construit une réputation de gaffeur, à coups de dérapages racistes et de blagues douteuses. 

Chef de famille quand son épouse est cheffe d’État, il entretient une relation notoirement compliquée avec l’aîné de ses quatre enfants, le prince Charles, souvent interprétée comme une répercussion de sa propre enfance, dénuée d’affection parentale.

« Charles est un romantique, je suis un pragmatique », concède-t-il à son biographe Gyles Brandreth. « Cela signifie que nous voyons les choses différemment. »

La reine Elizabeth II de Grande-Bretagne et son époux, le prince Philip, duc d’Édimbourg, le 19 juin 2015. (Crédit : Adrian Dennis/AFP)

Mais la famille royale lui sait gré de son infatigable engagement en faveur de la monarchie. « Il est incroyable. Il a été présent toutes ces années, c’est notre roc », avait salué sa petite-fille, la princesse Eugénie.

Détenteur du record de longévité des conjoints des souverains au Royaume-Uni, le prince Philip avait pris sa retraite publique en 2017, à l’âge de 96 ans, après avoir honoré son 22 219e et dernier engagement solo : passer en revue une parade des Royal Marines, dont il était le général en chef.

En janvier 2019, la Land Rover qu’il conduisait avait percuté un autre véhicule en sortant d’une allée du domaine de Sandringham et s’était renversée. Sorti indemne de l’accident, il avait renoncé à conduire.

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