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Le prix Femina récompense « La cache » de Christophe Boltanski

Le journaliste français invite le lecteur à suivre sa famille, géniale et névrosée, dans l'hôtel particulier de la rue de Grenelle, à Paris, où ils ont tous vécu dans la peur

Christophe Boltanski (Crédit : capture d’écran YouTube)
Christophe Boltanski (Crédit : capture d’écran YouTube)

Le grand reporter Christophe Boltanski a décroché mercredi le prix Femina, un des plus prestigieux prix littéraires français, pour son premier roman, « La cache », récit sur sa famille d’origine juive durant l’Occupation.

Le prix Femina du roman étranger a été attribué à la romancière écossaise peu connue Kerry Hudson pour « La couleur de l’eau » (Philippe Rey) tandis que le Femina Essai a récompensé Emmanuelle Loyer pour sa biographie de Claude Levi-Strauss publiée chez Flammarion.

« C’est extraordinaire, c’est vertigineux », a confié Christophe Boltanski qui s’est dit « extrêmement ému ».

« Je pense aux miens, car mon livre parle de ma famille, je pense aussi à ma grand-mère qui était romancière. J’ai voulu raconter l’histoire d’un enfermement, celui d’une famille qui vit soudée dans un appartement, cimentée par la peur et qui tente de recréer un monde de liberté et de joie », a-t-il ajouté.

« La cache » (Stock) est un des livres les plus remarqués de la rentrée. Ce roman-vrai d’une famille française durant les années noires de l’Occupation allemande était parmi les finalistes du Renaudot, attribué mardi à Delphine de Vigan, et demeure en course pour le Medicis qui sera attribué jeudi.

« Le livre de Boltanski est un livre finement écrit, émouvant, avec des portraits de membres de sa famille particulièrement touchants et une composition tout à fait originale », a affirmé Christine Jordis, une des douze membres du jury exclusivement féminin.

Fils du sociologue Luc Boltanski, neveu du plasticien Christian Boltanski, Christophe Boltanski, 53 ans, nous invite dans « La cache » à suivre sa famille, géniale et névrosée, dans l’hôtel particulier de la rue de Grenelle, à Paris, où ils ont tous vécu.

Cette maison est un « kibboutz familial » où il n’y a pas grand-chose à manger, où le luxe côtoie l’indigence.

La famille, ce sont d’abord ses grands-parents paternels. Sa grand-mère Myriam et son grand-père Etienne.

Etienne Boltanski, un médecin juif immigré d’Odessa, converti au catholicisme, ne pressent pas le danger après la défaite de 1940. Il a combattu pour la France durant la Grande guerre. Sa soif d’assimilation est inépuisable.

‘Bric-à-brac identitaire’

Durant l’occupation cependant, pour échapper aux rafles, Eugène devra se cacher dans un entre-deux de la rue de Grenelle, comme un clandestin au sein de sa propre famille. 20 mois terré dans une cache, une cavité de 1,20 mètre de hauteur.

Personne ne sortira indemne de cette histoire terrible. Le grand-père éclate en sanglots à la moindre émotion forte. Myriam veut désormais toute sa famille rassemblée autour d’elle « comme un bloc compact ». « Elle nous a avalés pour nous protéger », écrit Christophe Boltanski.

Car le traumatisme de l’Occupation ne va jamais cesser de hanter la famille Boltanski. Elle vivra totalement repliée sur elle-même. Les enfants ne vont plus à l’école. Si on sort, c’est tous ensemble entassés dans la petite Fiat 500. On a peur du « pire » qui « est toujours sûr », se souvient le petit Christophe.

A aucun moment il ne juge sa famille.

Journaliste, il préfère montrer ce « bric-à-brac identitaire » pour nous aider à comprendre cette famille française, la sienne, riche de tous les paradoxes, aisée et chiche, bourgeoise et bohême, juive et catholique, qui trouvera finalement dans la création la seule façon de sortir de sa cache.

Pour le Femina étranger Kerry Hudson a coiffé sur le poteau, par 6 voix contre 5, le grand écrivain britannique Martin Amis dont le livre « Zone d’intérêt » (Calmann-Levy), une histoire d’amour dans un camp d’extermination nazi, a reçu un accueil très partagé.

Deuxième roman de Kerry Hudson, « La couleur de l’eau » raconte l’histoire d’amour tumultueuse entre le vigile d’un magasin de luxe et une jeune voleuse d’origine russe qu’il choisit de ne pas dénoncer.

Le jury a salué « une histoire très émouvante qui se penche sur le destin de deux exclus ».

L’an dernier, le prix Femina avait été décerné à l’Haïtienne Yanick Lahens pour « Bain de lune » (Sabine Wespieser) et le Femina étranger avait été attribué à l’Israélienne Zeruya Shalev, pour « Ce qui reste de nos vies » (Gallimard).

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