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Le procès d’un ex-infirmier d’Auschwitz s’enlise loin des faits

Engagé à 19 ans dans les Waffen SS, Hubert Zafke a servi à Neuengamme et Auschwitz, auprès des médecins chargés de "sélectionner" les déportés envoyés à la mort

L'ancien infirmier SS Hubert Zafke, 95 ans, accusé de complicité de 3 681 meurtres à Auschwitz en 1944,  attend son procès au tribunal de Neubrandenburg, le 12 septembre 2016. (Crédit : Bernd Wüstneck/dpa/AFP)
L'ancien infirmier SS Hubert Zafke, 95 ans, accusé de complicité de 3 681 meurtres à Auschwitz en 1944, attend son procès au tribunal de Neubrandenburg, le 12 septembre 2016. (Crédit : Bernd Wüstneck/dpa/AFP)

« Farce », « mascarade », « spectacle indigne »: les invectives fusent depuis des mois autour du procès de Hubert Zafke, ex-infirmier âgé de 95 ans du camp de concentration d’Auschwitz, qui s’est enlisé lundi en Allemagne sans aborder les faits.

L’ancien SS répond depuis le 29 février de « complicité » dans l’extermination d’au moins 3 681 juifs gazés dès leur arrivée dans le camp emblématique de la Shoah, entre le 15 août et le 14 septembre 1944. Mais la procédure tient à un fil et le fond du dossier n’a jamais été évoqué.

Dans une ambiance glaciale, un feu roulant de requêtes visant le président du tribunal, Klaus Kabisch a monopolisé les débats. A peine annoncé le rejet d’une première demande de récusation, formulée la semaine dernière par l’une des parties civiles, le parquet a à son tour accusé de « partialité » le magistrat, avant que d’autres parties civiles ne lui emboîtent le pas.

Sans un commentaire et après moins de deux heures de débat, le juge a suspendu l’audience sans fixer de rendez-vous ultérieur, précisant seulement que l’examen des diverses requêtes pourrait prendre « trois semaines ».

Calé dans une chaise roulante, Hubert Zafke a assisté sans mot dire à la cinquième journée d’audience à Neubrandenbourg aux côtés de l’un de ses fils, pendant que les trois autres prenaient place dans la salle. Seuls une vingtaine de spectateurs se sont déplacés, dix fois moins que lors des précédents procès d’anciens nazis.

Oskar Gröning au premier jour de son procès à Luneberg, en Allemagne, le 21 avril 2015 (Crédit :  JTA/Andreas Tamme/Getty Images)
Oskar Gröning au premier jour de son procès à Luneberg, en Allemagne, le 21 avril 2015 (Crédit : JTA/Andreas Tamme/Getty Images)

Le vieil homme est le quatrième accusé d’une vague de procès tardifs du nazisme, après John Demjanjuk (2011), Oskar Gröning (2015) et Reinhold Hanning en mai dernier, tous condamnés dans une ambiance solennelle face à des salles combles.

Partialité ?

A Neubrandenbourg, petite ville d’ex-RDA cernée par des lacs, l’audience a d’emblée livré un visage différent : celui d’une guérilla opposant le président du tribunal aux parties civiles et au parquet, qui le soupçonnent de partialité.

« Les parties civiles ont abandonné tout espoir que s’ouvre un jour, sous la présidence de ce magistrat, un procès qui soit autre chose qu’une farce », écrivaient lundi dernier leurs avocats, Thomas Walther et Cornelius Nestler.

Les deux conseils ont réclamé à deux reprises la récusation du juge Klaus Kabisch, qu’ils accusent de saboter « par tous les moyens » sa propre audience. Le parquet – démarche rarissime – a formulé la même requête, qui doit être tranchée lundi.

« La justice a rarement offert un spectacle aussi indigne », souligne l’hebdomadaire Der Spiegel, abasourdi par le contraste avec les précédents procès, émouvants et denses.

Soixante-dix ans après la Seconde guerre mondiale, l’âge avancé des suspects a fait échouer nombre de procédures contre d’anciens nazis. Un ex-gardien d’Auschwitz est mort une semaine avant son procès, en avril, alors que l’ancienne télégraphiste du même camp a été jugée inapte à comparaître la semaine dernière.

Mais jamais la question n’avait empoisonné à ce point une audience, et personne ne sait si le tribunal examinera un jour les charges pesant sur Hubert Zafke.

‘Cache-sexe’

Faute de débat judiciaire, les escarmouches entre accusation et défense se sont déplacées dans la presse où l’avocat de M. Zafke, Peter-Michael Diestel, a fustigé une procédure « humainement préoccupante » et « politiquement douteuse ».

« Je considère extrêmement pénible que la justice allemande n’ait pas, ou seulement de manière lacunaire, travaillé sur l’Holocauste et que l’on cherche à organiser un cache-sexe avec ce genre de procès », déclarait en février ce pénaliste de renom et dernier ministre de l’Intérieur de RDA.

La rareté des condamnations prononcées contre d’anciens nazis au XXe siècle a souvent été invoquée ces dernières années pour justifier la volonté, depuis le tournant Demjanjuk, de les juger « jusqu’au dernier ».

Mais pour Me Diestel, « on inflige ça aux mauvaises personnes alors que dans les années 1960-1970, les responsables ont été renvoyés chez eux avec des peines de complaisance, des non-lieux ou des acquittements. »

Hubert Zafke (Crédit : Capture d’écran YouTube)
Hubert Zafke (Crédit : Capture d’écran YouTube)

Engagé à 19 ans dans les Waffen SS, Hubert Zafke a combattu sur le front de l’Est, suivi une brève formation au camp de Dachau et servi à Neuengamme et Auschwitz, auprès des médecins chargés de « sélectionner » les déportés envoyés à la mort.

Sur la période visée par l’accusation, 14 convois de déportés sont arrivés à Auschwitz. Dans l’un d’eux se trouvaient Anne Frank, ses parents Otto et Edith ainsi que sa sœur aînée Margot.

La mère de l’adolescente néerlandaise est morte d’épuisement à Auschwitz, tandis qu’Anne et Margot ont succombé à Bergen-Belsen début 1945.

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