Israël en guerre - Jour 476

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Le programme controversé et ambitieux de la session d’hiver de la Knesset

L'ordre du jour bien rempli établi par la coalition pour la session d'hiver à la Knesset comprend les espoirs de la droite de pouvoir parvenir à esquiver les décisions prises par les plus hauts magistrats du pays, l'avancée de la "loi sur l'état juif" et la réécriture de la loi sur un projet de législation ultra-orthodoxe

Marissa Newman est la correspondante politique du Times of Israël

Photo d'illustration : Le premier ministre Benjamin Netanyahu parle avec le président de la coalition David Bitan en séance plénière le 5 avril 2017, avec à ses côtés également le ministre du Tourisme Yariv Levin à droite. (Crédit :  iHadas Parush/FLASH90)
Photo d'illustration : Le premier ministre Benjamin Netanyahu parle avec le président de la coalition David Bitan en séance plénière le 5 avril 2017, avec à ses côtés également le ministre du Tourisme Yariv Levin à droite. (Crédit : iHadas Parush/FLASH90)

La Knesset a lancé lundi sa session d’hiver avec un agenda ambitieux et souvent controversé, qui va d’une tentative de parvenir à contourner les jugements de la Haute-cour lorsque c’est estimé nécessaire jusqu’à l’ancrage de l’identité juive de l’état dans les lois fondamentales du pays.

Cette ligne législative bien remplie établie par les ministres et le Premier ministre Benjamin Netanyahu au cours des vacances parlementaires qui ont duré trois mois comprend aussi l’expansion des frontières municipales de Jérusalem pour absorber les implantations alentours, la réécriture des lois sur la conscription militaire des ultra-orthodoxes et sur l’immigration illégale afin de parvenir à contourner les jugements rendus par la Haute cour et la Cour suprême et, en plus de cela, le passage du budget 2019.

Dans l’ombre des enquêtes de corruption qui visent le Premier ministre Netanyahu, alors que son épouse Sara devrait être inculpée d’un jour à l’autre pour détournement présumé de fonds publics, les législateurs du Likud resserrent les rangs autour de Netanyahu avec peu de critiques en public contre le Premier ministre et même une proposition (qui soulève des objections de la part du parti Koulanou au sein de la coalition) qui cherche à offrir aux Premiers ministres en exercice l’immunité face aux poursuites judiciaires.

Mais partout ailleurs, la fièvre électorale battait déjà son plein en cette journée de reprise des activités de la Knesset. Le nouveau président du parti travailliste de centre-gauche Avi Gabbay s’est engagé à changer l’image du parti et à le faire glisser à droite, et les premières lueurs d’une confrontation politique à venir entre Gabbay et le centriste Yair Lapid de Yesh Atid semblent émerger à l’horizon.

La colère contre la Haute cour

Les législateurs et les ministres de la coalition sont retournés dans cette enceinte du pouvoir qu’est le Parlement en nourrissant leurs griefs individuels contre la plus haute instance judiciaire israélienne, qui a rejeté cet été leurs plus importantes législations dans une série de jugements.

Pour les partis ultra-orthodoxes, ces frustrations sont dues à un jugement rendu par le Haute-cour qui a rejeté une loi qui reportait la conscription des hommes ultra-orthodoxes. Le tribunal a donné un an au gouvernement pour l’adoption d’une nouvelle législation sur cette question très sensible pour les Haredim, affirmant que la loi actuelle est intenable car elle est incapable d’atteindre les objectifs propres qu’elle s’est fixée (à savoir enrôler les ultra-orthodoxes au sein de l’armée) et qu’elle n’a pas su articuler l’avenir de ces quotas d’engagement après 2020.

Les juifs ultra-orthodoxes manifestent contre l'arrestation de deux Juifs ultra orthodoxes qui ne se sont pas présentés à une convocation de l'armée, à Jérusalem, le 19 octobre 2017 (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)
Les juifs ultra-orthodoxes manifestent contre l’arrestation de deux Juifs ultra orthodoxes qui ne se sont pas présentés à une convocation de l’armée, à Jérusalem, le 19 octobre 2017 (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)

Pour le parti de centre-droit Koulanou et son chef, le ministre des Finances Moshe Kahlon, la frustration est née suite à la décision prise par la Cour de disqualifier sa réforme sur la taxe qui aurait été imposée aux propriétaires d’un troisième bien immobilier et qui a été renvoyée en Commission des Finances de la Knesset.

Le tribunal a également statué en défaveur du budget 2017-2018, gardant ce dernier intact mais s’opposant à l’avancée de tout budget futur portant sur deux ans à moins que la Knesset ne révise sa loi fondamentale sur l’économie de l’Etat – un coup qui a frappé de plein fouet Kahlon et Netanyahu.

Pour les partis de droite du Likud et HaBayit HaYehudi, la colère contre la Haute cour a pour origine la décision prise au mois d’août par l’instance judiciaire concernant les immigrants clandestins. La Haute cour a limité l’emprisonnement des immigrants clandestins à 60 jours tout en autorisant la pratique gouvernementale d’expulsion des migrants vers un pays tiers avec leur consentement préalable. Suite à ce jugement, Netanyahu et la ministre de la Justice Ayelet Shaked ont tous les deux promis de faire adopter une nouvelle loi pour expulser les migrants – largement issus du Soudan et d’Erythrée – vers ces autres pays sans que leur consentement soit nécessaire.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre des habitants du sud de Tel Aviv durant une visite du quartier, le 31 août 2017 (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre des habitants du sud de Tel Aviv durant une visite du quartier, le 31 août 2017 (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

La Cpur a également gelé – en attendant la réponse de l’Etat – ce qu’on appelle la loi de Régulation qui autorise les constructions illégales en Cisjordanie sur des terres privées palestiniennes, une législation qui avait été avancée l’hiver dernier par HaBayit HaYehudi et le Likud.

Shaked, la ministre de la Justice, et Naftali Bennett, ministre de l’Education – qui accusent depuis longtemps la Cour suprême d’avoir adopté une philosophie de gauche, interventionniste et militante – ont proposé de faire avancer une loi constitutionnelle qui permettrait au gouvernement de re-légiférer des projets de loi ayant été rejetés par le tribunal, entravant ainsi la supervision judiciaire. Kahlon, dont le soutien partisan serait essentiel au passage de cette mesure, a pour sa part juré de bloquer toute tentative de mettre un frein au pouvoir de la justice.

Naftali Bennett, président de HaBayit HaYehudi, et sa députée Ayelet Shaked, à droite, assistent à une session plénière de la Knesset, le 12 mars 2014. (Crédit : Flash90)
Naftali Bennett, président de HaBayit HaYehudi, et sa députée Ayelet Shaked, à droite, assistent à une session plénière de la Knesset, le 12 mars 2014. (Crédit : Flash90)

Mais le ministre des Finances devra également affronter une pression significative pour rallier le soutien au budget 2019 qu’il souhaite faire avancer lors de la session d’hiver. Ce qui, a-t-il signalé, pourrait résulter en des concessions politiques dans la controverse liée à la Cour suprême.

Avec la bénédiction de Netanyahu, l’expansion de Jérusalem et le projet de loi sur l’Etat juif

Dans les très nombreuses législations de haut-niveau que les députés ont promis de faire avancer rapidement, il y a les trois toutes jeunes propositions de loi qui ont gagné le soutien explicite du Premier ministre israélien.

La première – appelée le projet de loi sur l’Etat juif – a été révisée par une commission spéciale avant sa première lecture en séance plénière. Durant la dernière session de la Knesset, Netanyahu a clairement affirmé qu’il souhaitait voir cette loi – qui grave pour la toute première fois le caractère juif d’Israël dans sa loi fondamentale constitutionnelle – adoptée dans les meilleurs délais.

Avi Dichter, député du Likud et président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, le 11 juillet 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Avi Dichter, député du Likud et président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, le 11 juillet 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

L’identité nationale d’Israël est mentionnée dans un certain nombre de lois du pays, mais les 11 lois fondamentales existantes traitent surtout des institutions et du caractère démocratique de l’Etat. Le projet de loi sur l’Etat nation, affirment ses partisans, poseraient les valeurs juives et démocratiques sur un pied d’égalité. Ses critiques estiment toutefois que le projet discrimine de manière effective les Arabes israéliens et les autres communautés minoritaires.

Pour sa part, le Premier ministre a également apporté son appui à une initiative visant à intégrer les implantations autour de Jérusalem au sein de la municipalité. A l’international, ce projet de loi a été perçu par certains comme une annexion de facto, une caractérisation qui a été rejetée par les partisans israéliens de cette législation du « Grand Jérusalem ».

A view of the Jewish West Bank settlement of Ma'aleh Adumim, with the controversial E1 tract in the background (photo credit: Yonatan Sindel/Flash90)
Vue sur Maaleh Adumim (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Selon la proposition initiée par le parlementaire du Likud Yoav Kisch et soutenue par le ministre des Renseignements Yisrael Katz, les habitants de Maale Adumim, Givat Zeev, Beitar Illit et Efrat, ainsi que ceux du Gush Etzion, pourraient voter lors des élections municipales de Jérusalem mais ces implantations ne seraient pas soumises à la pleine souveraineté israélienne.

Ce changement permettrait à l’équilibre démographique officiel de Jérusalem de pencher plus significativement vers une majorité juive, « confortant ainsi le statut et le symbole de Jérusalem », selon le préambule de la proposition.

Au total, les implantations en question accueillent aujourd’hui environ 130 000 Israéliens. Selon la même proposition, environ 100 000 personnes vivant dans des quartiers palestiniens situés à l’extérieur de la barrière de sécurité qui entoure la ville seraient retirées du recensement de la ville. Une nouvelle municipalité serait prévue pour eux.

Les députés du parti HaBayit HaYehudi avancent également une loi qui permettrait d’annuler le retrait en 2005 de quatre implantations israéliennes en Cisjordanie, même si le soutien de Netanyahu à cette proposition reste pour le moment indéterminé.

Des députés du Likud et de HaByit HaYehudi lors d'un rassemblement dans l'implantation évacuée de Sa-Nur, dans le nord de la Cisjordanie, en août 2017. (Crédit : Jacob Magid/Times of Israël)
Des députés du Likud et de HaByit HaYehudi lors d’un rassemblement dans l’implantation évacuée de Sa-Nur, dans le nord de la Cisjordanie, en août 2017. (Crédit : Jacob Magid/Times of Israël)

Une troisième initiative appuyée par Netanyahu augmenterait la pression sur les ONG de gauche et les groupes de défense des droits de l’Homme. De récents rapports ont indiqué que cette législation durcie sur les ONG autoriserait le gouvernement à faire fermer les organisations critiques à l’égard de l’armée israélienne. Netanyahu a indiqué au mois de juin que le gouvernement formulerait un nouveau projet de loi restreignant les financements des organisations à but non-lucratif par des gouvernements étrangers et a donné pour mission au ministre du Tourisme Yariv Levin de rédiger cette loi. Une proposition qui n’aurait pas été encore terminée à ce stade.

Mais le Premier ministre a également connu un revers dans ce domaine au début du mois lorsque le conseiller juridique de la Knesset a mis un terme à une tentative du cabinet de lancer une enquête parlementaire sur les affaires des ONG.

Une bataille des centristes en préparation ?

Dans l’opposition, le nouveau leader du parti travailliste – un ancien ministre du parti Koulanou- semble vouloir faire glisser sa formation vers la droite de l’échiquier, affirmant à une chaîne de télévision la semaine dernière que les implantations ne seraient pas nécessairement supprimées lors d’un futur accord de paix et saluant quelques jours après une fois encore les implantations. Après cette démarche politique visant à changer l’image de son parti, Gabbay aurait également indiqué avoir prévu de changer aussi son nom pour se dissocier de la gauche politique.

Le leader travailliste Avi Gabbay, à gauche, lors d'une conférence de presse à Tel Aviv, le 11 juillet 2017; 2017. Yair Lapid lors d'une conférence de presse à Herzliya, le 22 juin 2017. (Crédit : Miriam Alster/Flash90; Jack Guez/AFP/Getty Images via JTA)
Le leader travailliste Avi Gabbay, à gauche, lors d’une conférence de presse à Tel Aviv, le 11 juillet 2017; 2017. Yair Lapid lors d’une conférence de presse à Herzliya, le 22 juin 2017. (Crédit : Miriam Alster/Flash90; Jack Guez/AFP/Getty Images via JTA)

Les semaines qui ont mené à la session d’hiver de la Knesset ont vu également deux députés travaillistes renoncer à leurs sièges alors que la formation, depuis longtemps en période de troubles, paraît sur le point de connaître certaines transformations.

Des rivalités sont également évidentes entre Gabbay et Lapid, qui vont tenter d’attirer un grand nombre des mêmes électeurs lors des prochaines élections. Alors qu’elles ont été prévues pour le mois d’octobre 2019, les enquêtes de corruption lancées à l’encontre de Netanyahu ont amené les deux hommes à se mettre ouvertement en campagne.

Alors que les deux politiciens ont juré de mener une campagne positive et d’éviter d’attaquer leurs adversaires, Lapid – qui a défendu la loi sur l’enrôlement au sein de l’armée des ultra-orthodoxes dans sa version dure en 2014 – a commencé à attaquer ouvertement Gabbay en raison de son opposition à la conscription obligatoire.

Dans une série d’interviews accordées à la presse Haredim, Gabbay s’est en effet opposé à un enrôlement obligatoire des ultra-orthodoxes, proposant plutôt de verser le salaire minimum aux soldats tout en offrant des exemptions aux Israéliens désireux de poursuivre leur cursus d’éducation.

« Je pense que ceux qui désirent s’éduquer et qui sont déjà en train de faire des études devraient pouvoir continuer à le faire », a-t-il estimé. « Les autres doivent servir au sein de l’armée ou dans le service national. De plus, ceux qui font des études et qui veulent ensuite aller travailler auront besoin du service national ».

Ces propos ont été appuyés par le législateur Yoel Hasson de l’Union sioniste qui a noté lors d’un entretien accordé à Walla ce mois-ci que le service militaire pour tous n’était « pas une valeur en soi » et que « la croissance de l’économie israélienne est une valeur précieuse qui doit être renforcée ».

« Sur les traces d’Avi Gabbay, c’est maintenant son nouveau leader de faction qui annonce que le service militaire n’est pas une valeur », a répondu Lapid sur Twitter. « Pas de problème, mais débarrassez-vous donc du mot ‘sioniste’ dans le nom de votre parti ».

Ces frictions devraient davantage apparaître lorsque le gouvernement avancera une nouvelle législation sur le service militaire des Haredim – qui sera probablement une pièce maîtresse des projets de lois qui seront proposés lors de cette session d’hiver 2018 à la Knesset.

A moins, bien sûr, que les enquêtes policières sur le Premier ministre ne viennent tout bouleverser.

L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.

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