Le renseignement de Tsahal favorable à une reprise de l’accord sur le nucléaire
Les partisans du JCPOA, en rupture avec le Mossad et avec l'armée, disent que le temps gagné permettra de mieux se préparer face à l'Iran et aux autres menaces
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
De hauts-responsables de la Défense sont en désaccord avec le positionnement adopté par Israël concernant les négociations visant à faire revivre l’accord sur le nucléaire qui avait été conclu entre l’Iran et les grandes puissances, selon des informations qui sont parues dimanche sur Ynet, qui n’a pas cité ses sources.
Le site d’information a ainsi fait savoir que plusieurs généraux israéliens, et notamment le chef des renseignements militaires, commençaient à soutenir l’idée d’une remise en vigueur de l’accord signé en 2015, un point de vue qui va à l’encontre de la politique officielle de l’État juif.
Cet article a été publié alors que les grandes puissances se préparent à reconvoquer les parties concernées pour des pourparlers visant à redonner vie au JCPOA (Plan d’action global commun) à Vienne, après des mois d’impasse.
Officiellement, l’État juif s’oppose à une remise en vigueur de l’accord que le pays avait dénoncé dès sa signature, jugeant l’Iran indigne de confiance et incapable de respecter ses engagements.
Les gouvernements israéliens successifs s’alarment, depuis deux décennies, de la volonté de l’Iran de se doter de l’arme atomique.
Mais de hauts-responsables des services de renseignement estiment dorénavant qu’un mauvais accord serait préférable à une absence totale d’accord dans la mesure où il donnerait à Israël le temps nécessaire pour se préparer à d’importantes ripostes militaires contre l’Iran, a signalé Ynet.
Lors de l’année qui vient de s’écouler, l’armée israélienne a intensifié ses efforts pour mettre au point une menace militaire crédible contre la république islamique. Des dizaines d’avions de chasse israéliens ont ainsi effectué des manœuvres aériennes au-dessus de la mer méditerranée pour simuler des frappes de structures nucléaires iraniennes au début du mois de juin.
Les responsables qui soutiendraient une remise en vigueur de l’accord seraient, selon le site, le chef de l’administration des renseignements militaires de Tsahal, le général Aharon Haliva; le directeur de la division de recherche des renseignements militaires, le général Amit Saar ; le responsable de la division stratégique de Tsahal, le général Oren Setter et l’officiel militaire en charge du dossier iranien, le général Tal Kelman.
Selon l’article, les généraux pensent que le ministre de la Défense, Benny Gantz, serait lui aussi favorable à la reprise d’un accord. Ce dernier a déclaré, dans le passé, qu’il soutiendrait un pacte « plus large, plus fort et plus long ».
Toutefois, les membres les plus éminents du Mossad, avec parmi eux le directeur de l’agence d’espionnage, David Barnea, et le chef d’État-major Aviv Kohavi, ne sont pas d’accord et ils s’alignent pour leur part sur le positionnement israélien, a noté l’article.
Ynet a déclaré que le Mossad affirmait que l’accord n’était pas une bonne chose pour Israël et que, dans le meilleur des cas, il ferait gagner à Israël deux ans à deux ans et demi. De plus, l’article a fait savoir que le Mossad estimait que la médiatisation du positionnement de ces responsables du renseignement avait pour objectif d’influencer le prochain Premier ministre, Yair Lapid, pour le presser à appuyer une remise en vigueur de l’accord.
L’administration des renseignements militaires a fait savoir à Ynet que son positionnement à l’égard de l’accord sur le nucléaire iranien n’avait pas changé depuis que Haliva était arrivé à son poste, au mois d’octobre 2021.
De son côté, Gantz a réagi aux informations révélées dimanche en disant que les discussions liées au JCPOA devaient être gardées à huis-clos.
« Les responsables de la Défense gèrent jour et nuit la menace iranienne en la considérant comme la problématique stratégique la plus importante et la plus urgente pour la sécurité d’Israël », a écrit Gantz sur Twitter.
« Un travail qui est fait en coordination avec toutes les branches sécuritaires et si la liberté d’opinion est de mise, les décisions sont prises par la hiérarchie politique », a-t-il ajouté.
« Nous continuerons à avoir cette discussion ouverte et profonde, mais seulement à huis-clos. Toute autre manière de faire porte préjudice à la sécurité de l’État d’Israël », a-t-il continué.
L’accord original, qui avait été conclu en 2015, avait allégé les sanctions imposées à l’Iran en échange d’une révision à la baisse du programme nucléaire de la République islamique – mais les États-Unis s’étaient retirés unilatéralement du pacte sous l’impulsion du président d’alors, Donald Trump, qui avait remis en place des sanctions économiques écrasantes.
Cela avait amené l’Iran à se dégager de son côté de ses engagements, lançant des travaux d’enrichissement de l’uranium à un degré de pureté qui n’est techniquement qu’à un pas du degré de pureté nécessaire pour fabriquer une arme atomique.
Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a fait savoir, samedi, que les négociations sur le nucléaire avec la république islamique reprendraient dans les jours à venir après un déplacement surprise en Iran.
Les responsables israéliens affirment que si les sanctions économiques sont encore une fois levées, la république islamique allouera plus de fonds aux activités terroriste contre Israël et à ses groupes mandataires de tout le Moyen-Orient, notamment sur la frontière nord de l’État juif.