Israël en guerre - Jour 376

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Le retour en cours des étudiants réservistes démobilisés plus complexe que prévu

La visite à l’Université de Bar-Ilan révèle les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants-soldats de retour des combats et les réponses apportées par l'établissement

Lorsqu’il a été appelé à rejoindre la réserve suite du massacre du Hamas du 7 octobre, Dvir Fried, doctorant en informatique à l’université Bar-Ilan, était en train de choisir son sujet de thèse de doctorat.

« J’ai imprimé des choses avant de partir, j’ai emporté des articles dans mon sac en plus de mes équipements, mais je n’arrivais pas à travailler. Je m’asseyais mais je n’arrivais à lire qu’une demi-page », explique Fried, 30 ans. « Il arrive d’avoir le temps, mais de ne pas être disponible intellectuellement pour ce genre de choses. »

Fried a servi à Gaza comme personnel de soutien au sein d’une unité médicale. Il fait partie de ces milliers de réservistes inscrits à l’université, appelés pour prendre part au combat contre le Hamas et récemment démobilisés.

« Cela n’a pas été évident de revenir. Il faut du temps pour réactiver le cerveau après des semaines passées dans des situations de combat », confie Fried. Selon lui, la principale difficulté, dans le fait de revenir à la fac, est de « ne plus être habitué à se concentrer sur une seule chose pendant longtemps ».

Le Times of Israël s’est entretenu avec Fried et d’autres étudiants-soldats qui viennent de rentrer, lors d’une récente visite à l’université Bar-Ilan de Ramat Gan, près de Tel Aviv. Les élèves se trouvaient dehors, en train de discuter avant de se rendre en cours et de reprendre leurs habitudes. Ils ont beau avoir été autorisés par l’armée israélienne à retourner étudier, les réservistes que nous avons interrogés avaient avec eux leur arme de service.

Des étudiants de retour après leur temps de réserve assistent à une conférence spéciale à l’Université Bar-Ilan, à Givat Shmuel, le 23 janvier 2024. (Autorisation)

Après l’assaut choc du Hamas du 7 octobre contre le sud d’Israël – qui a ravagé des communautés entières et coûté la vie à 1 200 personnes, assassinées, pour l’essentiel des civils, et fait 253 otages – le gouvernement israélien a déclaré la guerre au Hamas.

Selon l’Association des doyens d’université, sur les quelque 360 000 réservistes rappelés par l’armée israélienne, on estime à 100 000 le nombre d’étudiants, soit près de 30 % de tous les étudiants inscrits pour cette année universitaire.

L’année universitaire aurait dû commencer le 15 octobre dernier, mais elle a été retardée à plusieurs reprises du fait de la guerre et du grand nombre de personnes déplacées suite à l’attaque terroriste dans le sud et des attaques ultérieures du Hezbollah dans le nord. Il a finalement été décidé de commencer le premier semestre le 31 décembre dernier, et un peu plus tard encore pour les étudiants réservistes, pour une rentrée échelonnée.

Tsahal poursuit son opération militaire dans la bande de Gaza et on ignore le nombre exact de réservistes démobilisés, étudiants ou autres.

À Bar-Ilan comme dans tant d’autres universités, un parcours spécial a été organisé pour les réservistes lors de la dernière semaine de janvier, avec des cours condensés destinés à les mettre à niveau sur les matières manquées.

Fried a été démobilisé plus tôt que la plupart des autres et a pu reprendre les cours le 31 décembre dernier. D’autres, comme Eliyahu Houri, n’ont été démobilisés que tout récemment. Le Times of Israël s’est entretenu avec lui, encore vêtu de sa tenue de treillis, dans un café étudiant très fréquenté.

Eliyahu Houri, étudiant de l’université Bar-Ilan, sur le campus de Givat Shmuel, le 31 janvier 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israël)

Houri, qui est âgé de 27 ans, est en dernière année d’une double licence en informatique et sciences du cerveau, parle d’une période très mouvementée.

Officiellement autorisé à reprendre ses études, il doit malgré tout exercer encore certaines de ses fonctions d’agent de communication dans le Nord : il a plusieurs allers-retours entre la base et l’université durant quelques semaines, à raison de quatre à cinq heures de sommeil par nuit et d’écoute de cours enregistrés pour rattraper son retard.

« J’espère que cela ne durera pas plus de quelques semaines » côté réserve, dit-il. « C’est difficile, mais je me dis que je vais y arriver. »

En dernière année d’un cursus très stimulant et sur le point de se marier, Houri espère pouvoir terminer et démarrer une maîtrise cet été. Il fait remarquer que bon nombre des étudiants de son cursus qui n’ont pas été mobilisés ont déjà terminé leur projet de fin d’études, en profitant du report de la rentrée.

Tal Charash, 28 ans, étudiant en quatrième année de droit est aussi commandant de compagnie réserviste au sein du commandement du front intérieur. Sa femme est officier de carrière, dans la logistique, et ils ont ensemble une fillette de deux mois née pendant la guerre, « donc il se passe beaucoup de choses », dit-il sèchement.

Charash, qui est membre du conseil étudiant de Bar-Ilan, a participé à des réunions avec l’administration de l’université pour prépare la réintégration des réservistes de retour des combats.

Tal Charash, étudiant à l’université de Bar-Ilan, le 31 janvier 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israël)

« Je pense qu’ils ont fait de leur mieux, mais tout n’est pas réglé. Après trois mois passés sans dormir, sans devoirs, c’est difficile de rester assis en classe », confie-t-il.

L’université a fait tout son possible mais enseignants et personnels « restent à l’affût, au cas où quelqu’un ait des difficultés », car il est possible que certains étudiants ne demandent pas eux-mêmes, poursuit Charash.

Certains étudiants n’ont pas encore terminé leur service dans la réserve, ajoute-t-il, et on ne sait pas encore comment ils vont faire pour rejoindre les cours en milieu de semestre ou même s’il leur sera possible de le faire.

Des mains secourables

Toutes les universités ont annoncé la mise en œuvre de programmes d’aide à la reprise des études pour les réservistes. Les modalités diffèrent d’une université à l’autre, mais elles passent généralement par des aides financières, du tutorat, une flexibilité dans les dates d’examen, des cours enregistrés entre autres.

En décembre, la Knesset a adopté une loi permettant de prendre en charge les coûts associés aux diplômes universitaires des soldats de combat démobilisés, des soldats seuls, des nouveaux olim et des minorités, entre autres.

À Bar-Ilan, les soldats de retour doivent recevoir une reconnaissance de leur service dans l’armée israélienne pour obtenir leurs crédits universitaires, une certaine flexibilité dans les critères de notation de certains cours ainsi que dans le calendrier des examens, un soutien pédagogique, comme la mise à disposition de cours enregistrés, des cours particuliers ou des cours de soutien ou encore des bourses spéciales allant de 1 000 à 6 000 shekels, entre autres avantages.

Ces bourses ont déjà été distribuées à 2 500 réservistes de Tsahal et 200 évacués de l’enveloppe de Gaza et des communautés frontalières du Liban, souligne l’université. Bar-Ilan compte environ 20 000 étudiants.

Le professeur Arie Reich, vice-recteur de l’Université Bar-Ilan, le 31 janvier 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israël)

« Nous n’avons jamais vécu une année comme celle-là », admet le vice-recteur de Bar-Ilan, le professeur Arie Reich de la Faculté de droit. Reich, qui a lui-même un fils à Gaza, est chargé de la liaison avec l’armée israélienne et de la réintégration des réservistes.

La moitié des 2 500 réservistes de Bar-Ilan étaient revenus au 31 décembre dernier, et 25 % de plus au 23 janvier, et ils ont pu bénéficier d’un parcours spécial, explique-t-il

Comme la plupart des universités, confrontées à cette rentrée tardive, Bar-Ilan a mis en place deux semestres d’une durée ramenée de 14 à 10 semaines, et d’une session d’été de 5 à 6 semaines.

« Nous ne nous sommes pas contentés de raccourcir la durée des semestres, nous nous sommes assurés que tous les professeurs réduisent la quantité des enseignements », explique Reich, afin que les étudiants de retour n’aient pas à rattraper de leçons sur leur temps libre. « Nous jonglons entre le maintien d’un niveau d’enseignement satisfaisant et la réintégration des étudiants de la réserve. »

« Certaines personnes ne sont pas allées à Gaza. Mais pour ceux qui y étaient, il faut du temps pour sortir du mode survie, c’est tout un processus. Et pour certaines personnes, cela peut prendre beaucoup de temps », ajoute-t-il. Il précise que l’université a multiplié par trois le nombre de psychologues dont elle dispose et organisé une formation spéciale de ses personnels pour aider les soldats de retour au pays.

Plus de services à venir

L’armée israélienne a laissé entendre que nombre de réservistes récemment démobilisés allaient sans doute être rappelés dans quelques mois, en vue de ce qui pourrait être les préparatifs d’une confrontation avec le Hezbollah dans le nord.

« Ils seront sans doute nombreux, parmi ceux qui viennent de rentrer, à être de nouveau appelés, nous le savons. C’est un vrai casse-tête pour nous », admet Reich. Il ajoute que l’université fera tout pour s’assurer que chaque soldat-étudiant bénéficie de ses crédits universitaires.

David Ovadia, étudiant à l’Université Bar-Ilan, sur une photo non datée. (Autorisation)

« Tout est très évolutif. Si les choses se mettent de nouveau à chauffer, bien sûr que je retournerai » à l’armée, confie David Ovadia, 26 ans, comme d’autres personnes interrogées pour cet article.

Étudiant en troisième année de physique, Ovadia est aussi officier de renseignement : « Je n’ai que de bonnes choses à dire, je sens qu’il y a un grand soutien de la part de l’université. » Le département de physique, en particulier, « fait l’impossible » pour aider les réservistes à se réintégrer, dit-il.

Malgré tout, au vu de la situation, il craint que les réservistes, dans leur ensemble, ne soient laissés pour compte sur le plan académique ou qu’ils ne soient perçus différemment en raison des circonstances de cette année chaotique.

« Il faut que nous passions tous nos examens et que nous ne soyons pas pénalisés par notre service de réserve », explique Ovadia. « Si les notes moyennes des réservistes sont inférieures à celles des autres, ce sera un problème. »

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