Le soutien à Israël du Démocrate Fetterman lui vaut des adeptes à droite et des critiques à gauche
De nombreux Américains progressistes se sentent trahis par le soutien affiché du sénateur à l'Etat juif depuis le 7 octobre, les Républicains sont aussi surpris

JTA – Mehdi Hasan, éminent journaliste et commentateur propalestinien, a résumé les sentiments de nombreux progressistes en janvier lorsqu’il a publié « Nombreux sont ceux qui ne reconnaissent pas John Fetterman ces jours-ci ».
Hasan réagissait à une intervention de Fetterman critiquant l’activisme anti-Israël à l’université de Harvard. C’était la dernière en date d’une série de propos et d’actions qui, depuis le 7 octobre, ont fait du sénateur démocrate de Pennsylvanie l’un des plus fervents défenseurs d’Israël à Washington – et l’un des plus surprenants.
Lorsqu’il a pris ses fonctions l’année dernière, le député tatoué et vêtu d’un sweat à capuche, qui avait soutenu Bernie Sanders par le passé, était une véritable icône pour les Démocrates qui appréciaient ses positions libérales et son style osé. Mais depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, Fetterman s’est rangé dans le camp israélien, ce qui lui a valu les louanges de la droite et le mépris de ses anciens partisans de gauche.
Quelques jours après la publication de Hasan, en janvier, Donald Trump Jr a publié sur X : « Comment est-il possible que, ces derniers mois, John Fetterman, soit devenu visiblement plus « based » que la moitié du parti républicain du Sénat ??? ».
Le terme « Based » est un terme d’argot élogieux et la louange enthousiaste représentait un véritable virage pour le jeune Trump, qui avait déjà essuyé des critiques pour avoir traité Fetterman de « légume ». Sous sa publication où il faisait l’éloge de Fetterman se trouvait une vidéo du sénateur s’adressant à l’Orthodox Union (OU) et se moquant de l’Afrique du Sud pour avoir accusé Israël de génocide à la Cour internationale de justice (CIJ).
« Donc on parle ici de génocide, et voilà que c’est l’Afrique du Sud qui saisit la Cour internationale de justice », déclare Fetterman dans cette vidéo. « Peut-être que l’Afrique du Sud devrait se mettre sur le banc de touche lorsqu’il s’agit de critiquer Israël. Passez votre tour ! »
Immédiatement après le massacre du 7 octobre, au cours duquel des milliers de terroristes du Hamas ont assassiné près de 1 200 personnes en Israël et en ont enlevé 253 dans la bande de Gaza, Fetterman a affirmé que les États-Unis avaient le devoir « de s’aligner à notre allié », Israël. Des mois plus tard, Fetterman maintient cette position, qui est devenue de plus en plus singulière parmi les démocrates, alors que la guerre approche de son sixième mois et que les critiques à l’égard d’Israël se multiplient au sein du parti.
L’approche de Fetterman se démarque non pas tant par ses positions – il a récemment déclaré qu’il était d’accord avec « 99 % » d’un discours prononcé par le sénateur Chuck Schumer à l’encontre des dirigeants israéliens – que par la manière catégorique dont il les exprime. Ceux qui le connaissent et qui soutiennent sa position sur Israël affirment que son approche n’est pas vraiment une surprise – contrairement à ce qu’a écrit Hasan, c’est bien le Fetterman qu’ils connaissent.
« Les gens pensent que porter un training et un sweat à capuche fait de vous un progressiste. Porter un training et un sweat à capuche fait de vous quelqu’un qui porte un training et un sweat à capuche », a déclaré Jill Zipin, fondatrice et présidente de Democratic Jewish Outreach Pennsylvania, un comité d’action politique. « Le sénateur Fetterman a toujours été un Démocrate indépendant dans ses positions. Certaines de ses positions sont progressistes, d’autres plus centristes ».
Elle a ajouté : « Il est conscient de lui-même et de ses valeurs morales, et il ne change pas d’avis pour s’adapter aux vents dominants ».

Depuis que le Hamas a lancé sa guerre contre Israël le 7 octobre, John Fetterman est l’un des partisans les plus visibles d’Israël au sein des Démocrates, son seul rival étant le député new-yorkais Ritchie Torres. Il s’est enveloppé d’un drapeau israélien, il a rencontré des familles d’otages et il a tapissé son bureau d’affiches d’otages israéliens. En novembre, il a agité un drapeau israélien alors qu’il passait devant des manifestants propalestiniens à l’extérieur du Capitole.
Ses réseaux sociaux sont parsemés d’expressions de soutien sans équivoque à Israël. Lundi, alors que les pressions sur Israël se multiplient contre toute invasion de la ville de Rafah, à la frontière entre Gaza et l’Égypte, et que la famine s’annonce à Gaza, Fetterman a publié sur X : « L’Égypte devrait faire comprendre au Hamas qu’il est responsable de cette crise humanitaire et qu’il doit se rendre. »
La publication épinglée en haut de son compte personnel sur la plateforme précise « qu’à tout moment, le Hamas aurait pu mettre fin à cette tragédie naissante en se rendant et en libérant tous les otages… Le Hamas est l’instigateur de cette catastrophe humanitaire et en est le seul responsable. »
Le bureau de Fetterman n’a pas répondu à une demande de commentaire. Mais les dirigeants de plusieurs organisations juives du parti Démocrate ont déclaré que, selon eux, le sénateur junior était fermement engagé dans son soutien à Israël en raison de ses convictions morales et de sa propension à rester sur ses positions.
Mark Mellman, président du groupe de pression Democratic Majority for Israel, a indiqué que son groupe avait travaillé avec Fetterman sur une position concernant Israël au cours de sa campagne sénatoriale. Fetterman a souligné son soutien à Israël au cours de cette campagne et n’a pas changé d’avis depuis lors, selon Mellman.
« Je pense qu’il a développé un point de vue sur cette problématique et que, pour des raisons morales, il continue à y adhérer », a ajouté Mellman.
La politique pro-israélienne de Fetterman pourrait également avoir été influencée par l’impact de la fusillade de 2018 à la synagogue de Pittsburgh, qui s’est produite à 15 minutes en voiture du domicile de Fetterman. L’attaque, selon ses assistants, a forcé le sénateur à se pencher sur l’antisémitisme, comme l’a rapporté Politico en décembre. Un mois avant l’attaque du Hamas contre Israël, John Fetterman avait visité la synagogue et rencontré des survivants de la fusillade.

« Cela a eu un impact important sur l’ensemble de la communauté et il en fait partie », a déclaré Zipin en parlant de la fusillade.
On peut se demander dans quelle mesure la défense et le soutien à Israël par Fetterman affectera ses résultats en Pennsylvanie, d’autant plus qu’il lui reste environ quatre ans de mandat. Un sondage réalisé en janvier par l’université Quinnipiac a révélé que les électeurs étaient statistiquement partagés sur les performances professionnelles de Fetterman, mais qu’Israël ne semblait pas être un facteur déterminant. Selon ce sondage, 26 % des électeurs approuvent son soutien à Israël, tandis que 14 % le désapprouvent ; la plupart des électeurs ont déclaré que cela n’avait pas d’incidence sur l’opinion qu’ils avaient de lui.
En ce qui concerne le vote juif, Zipin a expliqué que la plupart des juifs de Pennsylvanie sont des Démocrates, comme dans le reste du pays, et que la communauté juive de l’État a toujours soutenu Fetterman. Son organisation avait appuyé sa campagne de 2022 et organisé de nombreux événements de campagne pour le soutenir. La Pennsylvanie compte environ 299 000 juifs, ce qui représente environ 3 % de l’électorat, selon une étude réalisée en 2021.
« Les électeurs juifs de Pennsylvanie et d’ailleurs apprécient ses messages de solidarité avec Israël, son leadership dans la demande de libération des otages et le fait qu’il ait placé la responsabilité sur le Hamas », a déclaré Halie Soifer, PDG du Conseil démocratique juif d’Amérique. « Parmi les électeurs juifs en particulier, le fait qu’il ait toujours été considéré comme un partisan d’Israël n’a donc pas commencé le 7 octobre et ne fait pas de lui un cas isolé au sein du parti démocrate. »
Le soutien de Fetterman à Israël a toutefois suscité la colère des progressistes qui le considéraient comme un allié sur d’autres questions et qui s’opposent aujourd’hui fermement à Israël. Nathan J. Robinson, rédacteur en chef du magazine progressiste Current Affairs, a accusé Fetterman de faire partie des hommes politiques qui « nous mentent et nous trahissent ».

Cette indignation s’étend à certains de ses anciens collaborateurs, qui l’accusent de « trahison vicieuse » dans une lettre anonyme publiée moins de deux semaines après le début de la guerre dans The Intercept, une publication de gauche.
« Ce ne sont pas les valeurs que nous pensions que vous défendiez, et ce ne sont pas nos valeurs », ont écrit ses anciens collaborateurs. Pendant votre campagne, vous aviez promis de vous occuper des « communautés oubliées », c’est-à-dire des personnes et des lieux qui sont négligés, ignorés et laissés pour compte. Vous ne pouvez pas être le champion des communautés oubliées si vous encouragez cette guerre et la destruction conséquente des communautés palestiniennes dans votre pays et à l’étranger ».
Les membres du parti démocrate juif ont réfuté la description de Fetterman comme un progressiste, notant qu’il n’est pas d’accord avec les gauchistes sur d’autres questions, telles que l’immigration et la fracturation hydraulique. En décembre, Fetterman a déclaré à la chaîne NBC qu’il n’était « pas un progressiste ».
Sa position a également suscité l’ire des juifs progressistes qui s’opposent à la campagne israélienne à Gaza. Eva Borgwardt, porte-parole nationale de IfNotNow, a déclaré que la conduite de Fetterman était « honteuse » et constituait une « catastrophe morale ».
Fetterman s’est également attiré des soutiens improbables. L’organisation de droite Zionist Organization of America (ZOA), qui a honoré une série de responsables républicains lors de récents galas à New York et en Floride, a applaudi Fetterman pour s’être rangé du côté des républicains en votant contre une mesure appelant à la création d’un État palestinien. Le président de la ZOA, Morton Klein, a déclaré que certains membres du conseil d’administration de l’organisation avaient appelé à honorer Fetterman et qu’il avait lui-même été surpris par la position pro-israélienne ferme du sénateur.
Avant le 7 octobre, Klein, qui vit en Pennsylvanie, a déclaré que, dans son entourage, le sénateur était considéré comme « un peu bizarre ». Aujourd’hui, a-t-il dit, la perception de Fetterman est différente.
« Les gens voient maintenant qu’il n’est pas si bizarre, que c’est un homme qui est doté d’une certaine intégrité morale », a indiqué Klein. « Cela a définitivement amélioré son image auprès des gens à qui je parle. »
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