Le souvenir des atrocités en Afrique encore vif, les demandeurs d’asile aident Israël
"Notre pays saigne et nous le soutenons", assure Brhane Negasi, qui a subi les affres des terroristes islamistes dans le désert du Sinaï ; "le Hamas est pire"
Usumain Baraka se souvient encore de l’époque où les Janjawids, ces miliciens arabes à cheval, ont tué son père et son grand frère, dans son Darfour natal, au Soudan. Arrivé en Israël cinq ans plus tard, en 2008, à l’âge de 14 ans, Baraka raconte qu’aujourd’hui encore, des membres de sa tribu, les Masalit, sont assassinés quotidiennement dans la région d’El Geneina, la capitale du Darfour occidental.
« Cette année, j’ai perdu des neveux et des cousins, des amis d’enfance proches et des voisins », a-t-il confié au Times of Israel.
Le 7 octobre, les cauchemars du Darfour ont ressurgi.
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Plusieurs de ses amis figuraient parmi les plus de 260 jeunes gens tués alors qu’ils fuyaient une rave qui avait duré toute la nuit. Il connaît aussi plusieurs des soldats tombés au combat dans le conflit actuel.
« Je suis arrivé en Israël avec un traumatisme grave et j’ai été soigné », raconte Baraka, qui vit à Raanana, une ville du centre du pays.
« Aujourd’hui, j’ai des outils pour faire face à tout cela. J’essaie d’aider les familles (d’amis assassinés ou disparus). C’est très pénible. »
Il a ajouté : « J’ai toujours cru que j’étais en sécurité en Israël. Je n’aurais jamais pensé voir ce produire ici ce que j’ai vécu à l’âge de 9 ans. Mais j’avais tort. »
« Je suis ici depuis 15 ans, et une fois par an (le jour de Yom HaShoah), tout le monde se réunit et dit ‘plus jamais ça’. »
« Mais ça continue à se passer aujourd’hui, partout dans le monde, dans différents pays. C’est la nature humaine, semble-t-il. »
Brhane Negasi fait partie des quelques milliers de réfugiés africains vivant aujourd’hui en Israël qui ont séjourné dans un camp tenu par des terroristes islamistes plusieurs années avant que l’État islamique (EI) ne se fasse connaître dans le désert du Sinaï.
« J’y ai vu des horreurs », raconte cet ancien capitaine de l’armée érythréenne, qui est parvenu à entrer en Israël il y a 15 ans.
« J’ai vu l’État islamique violer, brûler et assassiner des gens. Mais je ne les ai jamais vus toucher aux enfants. »
« Le Hamas n’est pas l’État islamique – il est encore pire que l’État islamique », a-t-il ajouté.
« Je prie pour le peuple d’Israël. »
Le 7 octobre, des terroristes de Gaza ont franchi la barrière frontalière lors d’un assaut choc et tué quelque 1 400 personnes, dont une grande majorité de civils, y compris des enfants et des bébés, dont beaucoup ont été ligotés, brûlés ou décapités.
Israël accueille actuellement quelque 25 000 demandeurs d’asile originaires d’Afrique, dont environ 18 000 Erythréens et plus de 3 000 Soudanais, venant notamment de la région du Darfour.
Trois Erythréens de la ville de Sderot, dans le sud du pays, auraient été pris en otage par le Hamas, selon Negasi. Deux maisons abritant des réfugiés érythréens à Ashkelon et une maison à Ashdod ont été touchées par des roquettes du Hamas, qui ont causé des dégâts mais n’ont pas fait de blessés. La communauté a évacué des dizaines de ses membres qui se trouvaient dans le sud depuis le 7 octobre et continue de s’occuper d’une famille à Sderot qui ne veut pas déménager.
Un réfugié du Darfour a été assassiné à Sderot pendant l’invasion du Hamas, d’après les renseignements fournis par Baraka, et la communauté tente toujours de déterminer le nombre de personnes disparues, mortes ou aux mains du Hamas.
Mais outre l’aide apportée à leur propre communauté, les difficultés économiques et les abus racistes – émanant notamment d’Israéliens issus de la classe ouvrière vivant dans les mêmes quartiers que de nombreux réfugiés africains –, les demandeurs d’asile de tout le pays se sont joints aux efforts déployés pour aider les soldats israéliens et les familles évacuées des zones dangereuses du sud et du nord du pays.
Parmi leurs nombreuses activités, les demandeurs d’asile érythréens servent chaque jour 300 portions de nourriture aux bénévoles d’un grand centre de secours civil à Tel Aviv.
Les femmes de la communauté préparent les repas à la maison et certaines viennent les servir. Chaque jour, entre 150 et 170 hommes érythréens viennent de différentes régions du pays pour aider à emballer et à déballer les cartons et à trier le matériel donné.
Les habitants du Darfour contribuent également à l’aide, explique Baraka, en emballant tout ce qui est nécessaire, de la nourriture au matériel médical.
Même la minuscule communauté de réfugiés de la République démocratique du Congo (RDC), dont beaucoup sont en Israël depuis 30 ans, fait ce qu’elle peut.
Ses quelque 700 membres, qui vivent principalement dans les villes de Tel Aviv, Holon et Bat Yam, au centre du pays, ont collecté la semaine dernière 6 500 shekels pour acheter des fournitures, qu’ils ont ensuite apportées à la municipalité de Bat Yam pour les distribuer.
La maison d’un membre de la communauté a subi des dommages dans le centre de Petah Tikva le 14 octobre lorsqu’une roquette du Hamas est tombée. Il n’a pas été blessé.
L’activiste Nely Mulenga Mwamba, en Israël depuis 21 ans, explique que les Congolais d’Israël, dont beaucoup travaillent comme nettoyeurs, y compris lui-même, n’ont actuellement que peu de travail et vivent de leurs économies.
Alors qu’il échangeait avec le journaliste du Times of Israel, son propriétaire lui a téléphoné pour lui rappeler qu’il devait 540 shekels d’arriérés à la commission du logement de l’immeuble.
Entre 2006 et 2013, lorsqu’Israël a achevé la construction de son mur le long de la frontière égyptienne, des réfugiés originaires de pays tels que l’Érythrée et le Soudan sont entrés dans le pays pour fuir les guerres, les dictatures brutales et d’autres épreuves.
Depuis leur arrivée dans le pays, les gouvernements israéliens ont été dominés par des politiciens hostiles à l’immigration.
Berhane Negasi est le seul à avoir obtenu la citoyenneté israélienne.
Un Soudanais et 32 Érythréens ont reçu le statut de réfugié au titre de la convention sur les réfugiés, selon l’autorité du ministère de l’Intérieur chargée de la population et de l’immigration.
Quelque 4 700 demandeurs d’asile, dont Baraka, ont obtenu un permis de séjour temporaire ainsi qu’une carte d’identité qui leur permet d’avoir un quotidien normal. La plupart d’entre eux ont obtenu cette autorisation à la suite d’une décision de la Cour suprême en 2021.
« C’est notre maison », a déclaré Negasi, qui dirige une organisation appelée Tikva Hadasha (Nouvel espoir). « Nous n’avons pas d’autre pays. Notre pays saigne et nous le soutenons. »
« Chacun a oublié ses propres problèmes. Je n’ai jamais vu une telle solidarité. »
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