Israël en guerre - Jour 648

Rechercher
Analyse

Le stock de missiles de l’Iran est épuisé, mais son arsenal pourrait encore être menaçant

Selon les experts, il faudra des années à Téhéran pour reconstituer ses stocks de missiles - mais le pays peut encore terroriser Israël et d'autres pays avec des ogives à fragmentation et des missiles à courte portée

Stav Levaton

Stav Levaton est correspondante militaire pour le Times of Israel.

Des membres de la force paramilitaire iranienne Basij défilent devant un missile de fabrication nationale lors d'un défilé à Téhéran, en Iran, le vendredi 10 janvier 2025. (Crédit : AP/Vahid Salemi)
Des membres de la force paramilitaire iranienne Basij défilent devant un missile de fabrication nationale lors d'un défilé à Téhéran, en Iran, le vendredi 10 janvier 2025. (Crédit : AP/Vahid Salemi)

Alors que le conflit entre l’Iran et Israël pourrait bien être gelé grâce à un cessez-le-feu qui a été négocié mardi par les États-Unis, des questions restent en suspens concernant l’état réel de l’arsenal iranien en matière de missiles après environ deux semaines d’échanges de tirs d’une grande violence.

Les salves iraniennes ont démontré la puissance destructrice des missiles à longue portée de la République islamique. Elles ont anéanti des bâtiments et elles ont fait des dizaines de morts, alors même qu’Israël affirmait avoir détruit une grande partie de son stock et de ses moyens de lancement.

Le cessez-le-feu, qui a été confirmé par le bureau du Premier ministre et par les médias d’État iraniens, a été annoncé par le président américain Donald Trump dans la matinée de mardi – même si les échanges de tirs se sont ensuite poursuivis pendant plusieurs heures supplémentaires.

Dans l’heure qui a précédé l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, l’Iran a lancé six salves distinctes en direction d’Israël, avec un total d’une vingtaine de missiles. L’utilisation de petites salves successives qui ont visé différentes parties du pays – une stratégie qui avait également été employée la veille – a marqué un changement radical par rapport aux premiers jours du conflit, où l’Iran cherchait à submerger les défenses antimissiles israéliennes à l’aide de tirs à grande échelle, avec des barrages qui ont pu atteindre un total de 60 missiles à la fois.

Selon certains experts, ce changement apparent de stratégie reflète les tentatives, de la part de l’Iran, d’optimiser son stock de missiles quasiment épuisé. L’attaque qui a eu lieu mardi matin a détruit un immeuble d’habitation à Beer Sheva et elle a entraîné la mort de quatre personnes qui n’avaient pas eu le temps de rejoindre un abri entre deux alertes.

« Si vous voulez attaquer quelque chose qui se trouve dans une zone peuplée et que vous ratez votre cible de 300 mètres, vous allez toucherez quand même quelque chose. Vous allez quand même avoir des images spectaculaires », dit Fabian Hinz, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques, au Times of Israel.

Une photo fournie par le bureau iranien du CGRI le 11 janvier 2025 montre Hossein Salami, à gauche, chef des Gardiens de la révolution iranienne, et Amir Ali Hajizadeh, chef de l’armée de l’air des Gardiens, visitant une base de missiles souterraine dans un lieu tenu secret en Iran. (Crédit : CGRI iranien / AFP)

Depuis les frappes à fort impact qui ont pris pour cible les centres urbains jusqu’aux rumeurs d’armes hypersoniques et à sous-munitions, la guerre aérienne de 12 jours a été une démonstration de la puissance de feu de l’Iran et une toile de fond pour sa propagande.

Mais derrière les images spectaculaires d’immeubles résidentiels qui se sont effondrés et malgré les déclarations contradictoires de Téhéran et Jérusalem se cache une réalité plus complexe : que reste-t-il de l’arsenal iranien ? Et quelles leçons permettront donc de modeler la prochaine phase de concurrence stratégique – voire de conflit ?

Plus légers et plus longs

Tout au long des douze jours de la guerre, l’Iran a utilisé des missiles balistiques à moyenne et à longue portée, notamment les missiles Ghadr et Emad, deux variantes modernisées de l’ancien Shahab-3. Si ces missiles ne sont pas de conception nouvelle, ils restent très meurtriers s’ils ne sont pas interceptés.

Cette photo prise à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, montre des traînées de roquettes dans le ciel, après que l’Iran a frappé Israël avec une salve de missiles, le 13 juin 2025. (Crédit : Eyad BABA/AFP)

« Ces missiles n’ont rien de spécial », déclare Tal Inbar, expert chevronné en politique aéronautique, aérospatiale et en missiles, au Times of Israel, « si ce n’est que s’ils ne sont pas interceptés par les systèmes de défense antimissile… Dans les zones urbaines, les dégâts sont dévastateurs ».

Selon Inbar, ce n’est pas leur technologie sophistiquée qui rend ces missiles si destructeurs, mais leur puissance brute. Chacun d’entre eux transporte plusieurs centaines de kilogrammes d’explosifs, et un seul impact peut causer des dégâts considérables. L’explosion qui en résulte peut endommager des structures situées à des centaines de mètres du point d’impact, faisant de chaque tir réussi un événement potentiellement meurtrier.

Au cours de la guerre, les missiles iraniens ont tué 28 personnes. Ils ont fait des milliers de blessés et ils ont causé des dégâts considérables aux infrastructures civiles, même si environ 90 % d’entre eux ont été interceptés, selon les chiffres de l’armée israélienne.

A LIRE : « Rising Lion » : 12 jours de guerre entre Israël et la République islamique en chiffres

Hinz déclare que les premiers tirs sont provenus de l’ouest de l’Iran, mais qu’au fur et à mesure que les frappes israéliennes sur les bases de missiles et sur les sites de lancement se sont intensifiées, l’Iran a commencé à mener des opérations depuis des zones qui étaient situées plus en profondeur dans le pays – Shiraz, par exemple – en s’appuyant à la fois sur des systèmes à combustible solide et sur des systèmes à combustible liquide.

Des soldats israéliens et une équipe de secours travaillent parmi les décombres d’immeubles résidentiels détruits par un tir de missile iranien qui a tué plusieurs personnes, à Beersheba, en Israël, le 24 juin 2025. (Crédit : AP Photo/Leo Correa)

Les missiles à combustible liquide, comme l’Emad, offrent une portée légèrement plus avancée mais ils sont plus exigeants sur le plan logistique, nécessitant des temps d’installation plus longs et des équipes de lancement plus importantes.

La classification des missiles balistiques iraniens est compliquée par leurs nombreuses variantes qui se recoupent et par le manque d’informations publiques fiables. Le célèbre système Shahab-3, par exemple, a évolué au fil du temps, devenant une arme plus performante.

« Le Shahab-3 a été le pilier des missiles iraniens pendant des années », indique Inbar, « mais il a été modernisé il y a plus de dix ans pour intégrer la famille des Ghadr ».

Tal Inbar, expert chevronné en matière de politique aéronautique, d’espace et de missiles, une photo non-datée. (Crédit : Autorisation)

Selon Inbar, l’Iran a renforcé la portée de ses missiles de plusieurs manières : en augmentant la poussée des moteurs, en allégeant les missiles (en remplaçant les structures en acier par de l’aluminium, par exemple) et en perfectionnant la conception des ogives. En conséquence, le Ghadr a étendu la portée initiale du Shahab, qui était de 1 300 kilomètres, en la faisant passer à 1 800 kilomètres, permettant ainsi à l’Iran de frapper Israël depuis l’Est.

L’Emad représente encore une nouvelle amélioration. Il est équipé de systèmes de guidage terminal, ce qui le rend beaucoup plus précis que les modèles précédents.

Mais si l’arsenal balistique iranien reste dangereux, sa viabilité à long terme est toutefois réellement remise en question. Selon les estimations qui avaient été faites par les services de renseignement israéliens au début du conflit entre Israël et l’Iran, le régime islamique disposait d’un stock d’environ 2 000 missiles balistiques, a fait savoir Fox News.

Mais depuis le début des combats, un grand nombre d’entre eux ont été lancés ou détruits lors de frappes aériennes israéliennes qui ont visé des sites de lancement et des infrastructures de production.

Un soldat se tient à côté des restes d’un missile iranien dans la ville de Safed, le 16 juin 2025. (Crédit : David Cohen/Flash90)

Avant le conflit, les services de renseignement américains estimaient que l’Iran pouvait produire environ 50 missiles balistiques par mois. Ce chiffre pourrait toutefois être désormais peu pertinent.

« Je pense que le taux de production n’a eu pratiquement aucune incidence sur la cadence des tirs », indique Hinz.

Il fait remarquer que les frappes israéliennes ont probablement endommagé ou détruit de nombreuses installations de production déterminantes, comme le complexe de Shahrud, qui fabriquait des moteurs de missiles à propergol solide.

Les portraits de généraux de l’armée iranienne et de scientifiques nucléaires tués lors de l’attaque israélienne du 13 juin sont affichés au-dessus d’une route, tandis qu’un épais panache de fumée s’élève d’une raffinerie de pétrole dans le sud de Téhéran, après avoir été touchée par une frappe israélienne dans la nuit du 15 juin 2025. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

« Israël a la possibilité de paralyser et de détruire la production de missiles si le pays le souhaite. Il sait où les sous-composants sont fabriqués », précise-t-il.

Même si une production limitée doit se poursuivre, elle sera loin de compenser les 600 missiles balistiques environ qui ont été lancés par l’Iran et les centaines d’autres qu’Israël affirme avoir détruits. Selon les experts, le réapprovisionnement complet des stocks pourrait nécessiter des années.

Menace hypersonique ou théâtre stratégique ?

Les missiles hypersoniques, au sens large, sont des armes qui se déplacent à une vitesse supérieure à cinq fois celle du son, soit Mach 5.

Cette catégorie comprend à la fois certains types avancés de missiles balistiques et ce que l’on appelle les « véhicules hypersoniques », qui peuvent manœuvrer dans l’atmosphère à Mach 5, bien plus rapidement que les missiles de croisière traditionnels. Ce qui les rend beaucoup plus difficiles à suivre et à intercepter que les missiles balistiques traditionnels, qui suivent des trajectoires prévisibles.

Inbar dit que si l’Iran affirme posséder des missiles balistiques hypersoniques, tels que le Fattah-1, ces systèmes ne sont pas encore largement déployés. Il laisse entendre que seul un petit nombre d’entre eux – voire aucun – serait actuellement disponible.

Le missile Fattah est dévoilé lors d’une cérémonie à Téhéran. L’Iran affirme avoir créé un missile hypersonique capable de se déplacer à une vitesse 15 fois supérieure à celle du son, le 6 juin 2023. (Crédit : Hossein Zohrevand/Agence de presse Tasnim via AP)

Il n’y a aucune preuve solide susceptible de confirmer le déploiement du Fattah-1 dans le cadre du conflit actuel – même s’il a été admis qu’il était possible que certains aient été lancés et interceptés.

L’Iran serait également dans la phase initiale de développement d’un véhicule hypersonique, le Fattah-2.

« Il n’est pas opérationnel ; [l’Iran] n’a jamais effectué de vol d’essai », déclare-t-il. « Néanmoins, cela donne une idée de ce que l’Iran envisage pour sa prochaine génération de missiles en cas de survie du régime. »

Inbar fait remarquer que même si l’Iran finissait par déployer de véritables armes hypersoniques, ces dernières ne seraient pas invincibles : « Il existe des solutions pour les abattre. Ce n’est pas une arme miracle contre laquelle il n’existe aucune défense, ni en Israël ni aux États-Unis ».

De petites bombes partout

Un changement notable dans l’utilisation des missiles par l’Iran au cours de la seconde moitié du conflit a été l’introduction d’ogives à sous-munitions, souvent appelées familièrement « bombes à fragmentation ». Contrairement aux ogives conventionnelles – qui concentrent leur force explosive en un seul point – les sous-munitions dispersent des dizaines de petites bombes sur une zone au périmètre plus large.

Une image du Commandement du front intérieur montre une munition provenant d’un missile à bombes à fragmentation iranien, avertissant la population de rester à l’écart, le 19 juin 2025 (Crédit : Armée israélienne)

Le premier usage d’une bombe à fragmentation par l’Iran à l’encontre du territoire israélien a eu lieu le 19 juin, lors d’un tir barrage qui avait pris pour cible le centre et le sud du pays. Selon Tsahal, l’ogive s’est fragmentée à une altitude de sept kilomètres, faisant pleuvoir de petites bombes sur une zone de huit kilomètres.

L’une des sous-munitions, qui contenait une ogive explosive d’environ 2,5 kilogrammes, s’est abattue sur une habitation à Azor, une ville du centre du pays, entraînant des dégâts équivalents à ceux d’un petit missile. Selon un responsable militaire, un grand nombre des autres bombes n’ont pas explosé, laissant derrière elles des munitions encore intactes et qui constituent toujours une menace pour les civils.

« Il s’agit d’un missile balistique classique, mais le véhicule de rentrée ne contient pas d’ogive très lourde », commente Inbar. « À la place, il y a quelques dizaines de petites bombes qui sont dispersées ».

L’impact est plus large mais il est néanmoins moins intense, ce qui est susceptible de réduire les dommages structurels mais ce qui renforce le risque de victimes civiles.

Fabian Hinz, chercheur en technologies intermédiaires et drones à l’Institut international d’études stratégiques, sans date. (Crédit : IISS)

En raison de la dispersion aléatoire et de l’absence de guidage des bombes, Hinz fait remarquer que les ogives à sous-munitions sont susceptibles de poser un défi particulier pour les systèmes de défense antiaérienne.

« Il ne faut pas beaucoup de force pour détruire [les infrastructures civiles] », fait-il remarquer, « mais si vous pouvez augmenter la portée géographique de l’attaque, les chances de toucher quelque chose augmentent, surtout si les missiles ne sont pas très précis ».

Selon l’altitude à laquelle les sous-munitions sont larguées, les bombes à fragmentation peuvent être plus difficiles à intercepter.

« Vous avez soudainement plusieurs cibles », explique-t-il, ce qui complique la réponse des systèmes de défense antiaérienne.

Rester concis

Hinz déclare que l’Iran conserve encore une grande partie de son arsenal de missiles à courte portée et de missiles anti-navires. Des armes qui pourraient théoriquement être utilisées pour viser des bases américaines, des navires commerciaux ou des infrastructures énergétiques dans le Golfe, si le conflit venait à se poursuivre.

Lundi soir, l’Iran a utilisé son arsenal à courte portée pour mener une frappe aux missiles à l’encontre de la base aérienne d’Al Udeid au Qatar qui abrite des soldats, des avions et des armes américains.

Cette attaque, largement anticipée en représailles aux frappes américaines lancées, la veille, contre trois installations nucléaires iraniennes ‘ dont le site d’enrichissement fortement fortifié de Fordo – a marqué la première frappe directe connue de l’Iran menée à l’encontre d’une installation américaine majeure dans le Golfe.

Des missiles de défense anti-aérienne s’élèvent pour intercepter des missiles iraniens tirés sur le Qatar, le 23 juin 2025. (Captures d’écran : X)

L’Iran a affirmé que six missiles avaient touché la base – qui accueille également des forces britanniques, qataries et d’autres forces alliées. Les responsables américains ont toutefois démenti cette attaque et les autorités qataries n’ont signalé ni blessé, ni victime. L’Iran aurait averti Doha au préalable, signalant son intention probable d’éviter une escalade du conflit avec les États-Unis.

« L’arsenal à courte portée est encore beaucoup plus intact que les missiles balistiques à moyenne portée », dit Hinz.

Si le conflit avec Israël devait se poursuivre ou reprendre à l’avenir, l’Iran pourrait utiliser ses missiles à courte portée, d’une portée de 300 à 1 000 kilomètres en demandant à ses milices alliées, en Irak, de les tirer en direction du territoire israélien.

Selon Hinz, le fait que l’Iran n’ait pas donné suite à cette idée jusqu’à présent reflète probablement une retenue politique plutôt que des limitations techniques.

Israël, qui utilise un système de défense antimissile à plusieurs volets – un système qui comprend notamment le Dôme de fer, la Fronde de David et les batteries Arrow – affirme être bien équipé pour faire face à de telles menaces.

Sur cette photo publiée par le ministère iranien de la Défense le 25 mai 2023, un missile Khorramshahr-4 est lancé depuis un lieu non divulgué en Iran. (Crédit : Ministère iranien de la Défense via AP)

L’Iran pourrait également utiliser son arsenal anti-navire pour cibler le trafic maritime dans le détroit d’Ormuz, une voie maritime mondiale stratégique qui représente un cinquième du trafic pétrolier mondial.

Au Yémen, les Houthis soutenus par l’Iran ont poursuivi une stratégie similaire dans la mer Rouge après le 7 octobre, étranglant le trafic maritime dans le canal de Suez.

Pour l’Iran, qui dépend des exportations de pétrole et qui semble prêt à capituler après plus d’une semaine de frappes sur ses infrastructures militaires, une telle initiative comporterait des risques considérables, notamment de la part d’ennemis beaucoup plus puissants qu’Israël, comme les États-Unis.

« Contrairement aux Houthis, [l’Iran] a plus à perdre », fait remarquer Hinz.

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.