A la fin des émeutes survenues vendredi à la frontière, le Hamas peut bien avoir remporté une victoire : Des dizaines de milliers de Gazaouis ont rejoint sa « marche du retour », ce qui en a fait l’une des plus importantes manifestations publiques de la dernière décennie à Gaza ou en Cisjordanie.
Le Hamas avait espéré des dizaines de milliers de personnes, même un million. Mais comme un collègue de Gaza l’a dit vendredi soir, « la véritable attente était que ce chiffre serait de loin plus bas. Et maintenant, tout le monde sait que le nombre de participants sera plus important lors de la journée de la Nakba » – le 15 mai, lorsque les Palestiniens marquent la « catastrophe » qui les a touchés avec la création d’Israël – à l’occasion de ce qui devrait être le paroxysme de cette campagne anti-israélienne.
Les chefs du Hamas, dont les membres se sont eux-mêmes montrés sur différents sites déterminants du mouvement de protestation dans la journée de vendredi, ont été euphoriques. Des opérations comme celles-ci n’arrivent pas quotidiennement. Depuis Ismail Haniyeh jusqu’au bas de la hiérarchie, les responsables se sont rendus sur tous les points sensibles le long de la frontière, et personne n’aura fait plus d’effet que Yahya Sinwar — le leader incontesté du Hamas à Gaza.
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A Jabaliya, des dizaines de milliers de personnes s’étaient rassemblées aux abords de la frontière lorsque Sinwar est arrivé. L’homme ne prononce pas de nombreux discours et, ces dernières semaines, il n’est pas beaucoup apparu en public. Mais vendredi, il s’est exprimé avec force, avertissant l’Etat juif que « la marche du retour continuera… jusqu’à ce que nous faisions disparaître cette frontière éphémère », ajoutant que la journée marquait « une nouvelle phase du combat national palestinien sur le chemin vers la libération ». Et plutôt que de mourir de faim, a-t-il mis en garde, le peuple de Gaza « mangera les foies de ceux qui les assiègent ».
Sinwar a clairement établi qu’il était venu à cet événement en compagnie de son épouse et de ses enfants, désapprouvant du même coup cette notion que « les chefs du Hamas se dissimulent dans des tunnels tout en envoyant les manifestants sur le front ».
Et du point de vue du Hamas, en effet, il semble que le groupe aura réussi vendredi là où l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a échoué. Le Hamas, qui a brandi le drapeau de la résistance armée et du terrorisme est parvenu à organiser l’un des plus grands mouvements de protestation publique vu dans les territoires depuis le début de la Seconde intifada il y a 18 ans et ses dirigeants – ce que ne font probablement pas ceux de l’AP – se sont tenus aux côtés des manifestants, affichant une autre sorte de leadership que celui des responsables du Fatah en Cisjordanie.
Les Palestiniens transportent la dépouille de Hamdan Abu Amsha, qui aurait été tué par des tirs israéliens un jour auparavant durant une manifestation massive à la barrière de sécurité, à Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, le 31 mars 2018 (Crédit : AFP/ MAHMUD HAMS)
Le Hamas est même parvenu à replacer la question palestinienne à l’ordre du jour international, devenu depuis longtemps indifférent à ce qu’il se passe à Gaza et en Cisjordanie.
Le coût en aura été 15 morts et des centaines de blessés, selon le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas. Ces chiffres augmenteront sûrement au cours des prochaines semaines qui nous séparent du 15 mai. Cela devrait être le cas aussi du nombre de participants aux manifestations.
Les Gazaouis qui ont parlé aux différents leaders du Hamas vendredi, sur la frontière, ont eu l’impression nette que les gouvernants de la bande ont l’intention de consacrer davantage de ressources à ce mouvement de protestation jusqu’à la journée de la Nakba.
Malgré les violences à la barrière et dans au moins un cas de tir en direction des soldats israéliens, ont dit ces Gazaouis, les forces de sécurité du Hamas ont fait un effort pour empêcher des hommes armés de s’approcher de la frontière vendredi. Il n’est aucunement certain qu’une telle initiative soit maintenue d’ici un mois et demi. La campagne du 15 mai, en d’autres mots, devrait probablement être bien plus vaste et bien plus violente.
Le « succès » des manifestations de vendredi devrait également se propager dans d’autres secteurs – de manière plus remarquable en Cisjordanie – dans les jours qui mèneront à la journée de la Nakba. Alors que les Américains vont ouvrir leur ambassade à Jérusalem et que les Gazaouis organiseront une « marche du retour » bien plus importante, il y aura des motivations considérables pour amorcer des mouvements de protestation en Cisjordanie.
Abbas a déclaré que samedi était une journée nationale de deuil pour rendre hommage aux personnes tuées vendredi. Toutes les institution de l’AP, et toutes les entreprises ont reçu l’ordre de rester fermées. Mais Abbas sait très bien que cette démarche représente trop peu et vient trop tard. Les Palestiniens, à Gaza et en Cisjordanie, savent très exactement qui assure les approvisionnements aujourd’hui et qui tente de monter dans le train en marche.
Abbas a également initié un débat en urgence au Conseil de sécurité de l’ONU où c’est l’hypocrisie qui a prévalu – inutile de le dire. Des civils se font massacrer en cet instant même en Syrie et la communauté internationale détourne le regard avec insistance.
A cet égard, personne n’arrive à la hauteur du président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan. Alors même que ses forces se livrent à un nettoyage ethnique dans la région kurde d’Afrin, dans le nord de la Syrie, c’est Erdogan qui a demandé l’ouverture d’une enquête sur les violences commises par l’armée israélienne sur la frontière avec Gaza.
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