Le terroriste français avait diffusé en direct sur Facebook le meurtre du policier
Abballa, qui avait prêté allégeance au chef de l'EI il y a trois semaines, s’est filmé en train de poignarder l’officier et sa compagne devant leur fils
Un homme lié à des organisations terroristes fondamentalistes islamiques qui a tué lundi soir un policier français et sa compagne aurait diffusé en direct l’attentat sur un réseau social via son téléphone portable.
Larossi Abballa, 25 ans, a enregistré l’attaque et l’a postée sur Facebook Live, selon les autorités françaises. Dans la vidéo de 13 minutes, on peut voir Abballa poignarder à mort l’officier de police et sa compagne devant leur maison de la banlieue parisienne, alors que leur fils de trois ans regarde, horrifié.
David Thomson, expert en sécurité français, a déclaré que la vidéo, et 15 photos, avaient été publiées sur le profil Facebook d’Abballa, sous le nom de « Mohamed Ali », avant qu’il ne soit suspendu quelques heures après l’attentat.
A côté d’une photo, dans laquelle on peut voir l’enfant en arrière-plan, Abballa a écrit « Je ne sais toujours pas ce que je vais faire de lui », a déclaré Thomson.
Pendant l’attentat, Abballa aurait tourné la caméra vers lui et prêté allégeance au chef du groupe Etat islamique (EI), Abu Bakr al-Baghdadi, disant qu’il suivait l’appel de l’organisation à des attaques de loups solitaires pendant le mois de Ramadan, qui a commencé la semaine dernière. Il a ensuite prévenu que l’Europe deviendrait un « cimetière ».
Il avait déjà prêté allégeance au chef de l’EI il y a trois semaines et avait en sa possession une « liste de cibles », a annoncé mardi le procureur de Paris François Molins.
Au cours de négociations avec les policiers, « le tueur a indiqué être musulman pratiquant, faire le Ramadan et a précisé qu’il avait prêté allégeance trois semaines plus tôt au commandeur des croyants de l’Etat islamique, Abu Bakr al-Baghdadi », a expliqué le procureur à la presse. L’assaillant connaissait la qualité de policier de la victime et a expliqué avoir répondu à un appel du chef de l’EI « demandant, de ‘tuer des mécréants, chez eux avec leur famille' », a ajouté le procureur.
Un profil Facebook portant le nom de Larossi Abballa, qui a disparu d’internet mardi matin, montrait des photos d’un homme souriant et barbu. Deux posts récents montraient des vidéos critiquant Israël et l’Arabie saoudite. Le dernier post disponible publiquement était un modèle du logo de l’Euro 2016, soulignant ce qui serait des symboles maçonniques et occultes.
« Certains diront que nous voyons le mal partout ! », avait écrit Abballa dans un message publié environ 18 heures avant l’attentat.
« J’ai soif de sang. Allah m’en est témoin. » Larossi Abballa, qui a tué un policier et sa compagne au nom du jihad avant d’être abattu, gravitait depuis des années dans la mouvance islamiste radicale et ne cachait pas son désir de commettre des actions violentes en France.
Originaire de Mantes-la-Jolie, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Paris, cet homme de 25 ans, cheveux longs, petite barbe, avait été condamné en septembre 2013 pour avoir participé à une filière d’envoi au Pakistan de volontaires pour le jihad.
L’enquête avait mis au jour le profil inquiétant du jeune homme, connu jusque-là pour des faits mineurs de droit commun (vol, recel).
Au moment de son arrestation en mai 2011 pour ses liens avec Mohamed Niaz Abdul Rassed, un ressortissant indien considéré comme l’inspirateur de la filière, les policiers retrouvent au cours d’une perquisition au domicile de ses parents un agenda avec une liste de commissariats, de mosquées et de lieux touristiques dans son département des Yvelines. « Des cibles potentielles », souligne à l’époque une source proche de l’enquête.
Les messages téléphoniques entre Abballa et les autres membres de la filière laissent peu de doutes sur les intentions du jeune homme, qui « semble volontaire pour commettre des actions violentes en France », relève alors cette source.
« Crois-tu vraiment qu’ils ont besoin de nous là-bas », au Pakistan ? « Allah avec sa volonté va nous donner les moyens de hisser le drapeau ici », en France, écrit-il en 2011 à l’un de ses compagnons. « Faut commencer le taf », « j’ai soif de sang. Allah m’en est témoin », ajoute-t-il.
Abballa se montre toutefois aussi pressé d’aller au Pakistan. « Il ne connaissait pas grand-chose à la religion mais c’était le plus chaud » pour partir, « il semblait très motivé à l’idée de faire le jihad », raconte l’un des membres de la filière aux enquêteurs, le décrivant comme « bizarre » et « mystérieux ».
L’exploitation de son téléphone, de son ordinateur et d’une clé USB révèle alors également de nombreux documents de propagande jihadiste : vidéos, brochure sur Al-Qaïda…
Avec ses compagnons, Abballa participe fin 2010 et début 2011 à plusieurs entraînements religieux et sportifs dans des parcs du Val-d’Oise et de Seine-Saint-Denis, non loin de Paris. Au cours d’une équipée plus discrète dans les bois de Cormeilles-en-Parisis (Val-d’Oise), le groupe s’entraîne même à égorger des lapins, d’après les investigations.
Autre révélation à l’époque, Abballa doit rencontrer le 18 décembre 2010 des « frères » venus de Belgique.
Devant les enquêteurs, il nie les faits, soutenant être athée, faisant semblant d’être musulman pour « ne pas attirer les soupçons » et « éviter d’être rejeté par sa famille », d’après une source proche du dossier.
Au cours de son procès en 2013, il apparaît comme « limité intellectuellement, basique, influençable. Aucunement décideur », se souvient Hervé Denis, l’un des avocats des prévenus.
Condamné à trois ans de prison, dont six mois avec sursis, il est libéré à l’issue du procès après avoir purgé l’intégralité de sa peine en détention provisoire.
L’homme ne semble pas pour autant avoir quitté la mouvance jihadiste. Il est impliqué dans une enquête judiciaire ouverte récemment sur une filière jihadiste syrienne, selon des sources proches du dossier, mais son rôle exact n’a pas été précisé.
L’agence de presse Amaq de l’EI a cité une source anonyme déclarant qu’un combattant de l’EI avait mené une attaque tard lundi soir. Bien que le groupe terroriste n’ait pas revendiqué officiellement l’attentat, le président français François Hollande a déclaré qu’il s’agissait d’« un acte incontestablement terroriste », et que la France faisait face à une menace « à une très large échelle ».
Deux personnes proches de l’attaquant ont été arrêtées, ont annoncé mardi les autorités, qui n’ont pas donné de précision à leur sujet.
La France est en ce moment à un niveau particulièrement élevé d’alerte car elle accueille l’Euro 2016, un tournoi de football d’un mois, et est toujours en état d’urgence depuis les attentats de l’EI à Paris qui ont tué 130 personnes en novembre.
Hollande a organisé mardi une réunion de sécurité.
« La France n’est pas le seul pays concerné [par la menace terroriste], comme nous l’avons vu, à nouveau, aux Etats-Unis, à Orlando », a-t-il déclaré.
Mardi, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’est rendu au poste de police des Mureaux, où travaillait Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans. La police n’a pas donné le nom de sa compagne mais a déclaré qu’elle travaillait à un poste administratif pour la police à Mantes-La-Jolie.
Cazeneuve a déclaré que plus de 100 personnes vues comme des menaces potentielles avaient été arrêtées en France cette année, y compris ces dernières semaines.
La France, comme d’autres pays d’Europe, a connu une série d’attaques au couteau visant des policiers ou des soldats et menées par des musulmans radicaux. L’EI a encouragé ses soutiens à organiser de telles attaques.