Le zoo de Varsovie ouvre un musée de l’Holocauste pour enfants
Grâce à l'héroïsme du directeur et de son épouse, des Juifs ont trouvé refuge dans la ménagerie pendant la Shoah
Varsovie (JTA) – Dans une charrette en partance pour le zoo de Varsovie, Moshe Tirosh pouvait sentir la peur de ses parents et la forte odeur d’alcool provenant du cocher et de son cheval.
En cette nuit pluvieuse de 1940, ils redoutaient les soldats nazis qui gardaient le pont Kierbedzia séparant leur maison du zoo où ils espéraient trouver un abri. Quant à l’odeur, elle résultait d’une ruse ingénieuse du père de Tirosh pour qu’ils arrivent à destination en toute sécurité.
Son père, un menuisier, avait conseillé au cocher de s’immerger de vodka, de sorte que les gardes nazis sur le pont, conscients des stéréotypes allemands sur les habitudes de consommation des Polonais, les laissent passer sans inspection.
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« Le risque était énorme, mais mes parents savaient que notre seule chance de survie était de gagner ce zoo », se souvient Tirosh, 78 ans.
Tirosh est l’un des 300 Juifs dont la vie a été sauvée grâce à l’héroïsme méconnu du directeur de la ménagerie, Jan Zabinski, et de son épouse, Antonina. Lieutenant de la résistance polonaise, Zabinski abritait les Juifs dans les voies souterraines reliant les cages des animaux. Il utilisait également le zoo pour stocker des armes qui servaient à la Résistance.
Scientifique méticuleux dont le style abrupt pouvait parfois passer pour discourtois, Zabinski était un personnage intimidant.
« Quand Zabinski donnait un ordre, les gens s’exécutaient », déclare Jan-Maciej Rembiszewski, directeur du zoo de 1982 à 2006 et qui y faisait du bénévolat après la guerre. « Je suis sûr que même les nazis respectaient son style autoritaire, qui lui a permis de diriger l’endroit comme il l’entendait. »
Le mois prochain, Tirosh, qui vit aujourd’hui en Israël, reviendra au zoo pour l’ouverture d’un musée célébrant l’héroïsme des Zabinski. Dans une interview à son domicile de Karmiel, Tirosh, officier de carrière de Tsahal à la retraite, se souvient également d’Antonina, une enseignante joyeuse qui aimait la peinture et le piano.
«Je n’avais que 3 ans et demi, mais j’étais déjà un enfant de la guerre méfiant, entraîné à garder le silence pendant des heures », se souvient Tirosh. Ses parents lui avaient dit de prier Jésus à haute voix s’il était soupçonné d’être juif par des étrangers. « Mais quand j’ai vu Antonina, j’ai dit à ma mère : ‘Je pense que nous serons bien ici’. »
Tirosh a passé trois semaines au zoo, où il vivait dans une pièce souterraine sans fenêtre avec sa sœur cadette, alimenté par les Zabinski et leur fils, Ryszard. Pour des raisons de sécurité, les parents de Tirosh occupaient une pièce différente dans le labyrinthe souterrain.
Au moment où Tirosh est arrivé au zoo, la plupart des animaux avaient été tués – certains dans des parties de chasse d’officiers nazis – ou expédiés vers des zoos allemands. Déterminé à maintenir le zoo en raison de son importance pour la Résistance, Zabinski l’a transformé en élevage de porcs, selon « The Zookeeper’s Wife », un livre paru en 2007 sur les Zabinski.
Parfois, Zabinski faisait de la contrebande de viande de porc dans le ghetto juif, où l’interdiction de sa consommation a été largement abandonnée en raison de la famine organisée par les nazis (les Juifs étaient contraints à un régime de 187 calories par jour).
Au zoo, Antonina communiquait avec ses visiteurs juifs via un code musical, se souvient Tirosh.
« Elle nous jouait un air de piano et nous disait de ne pas bouger et de rester très silencieux si nous entendions cet air, puis un autre air pour indiquer que le danger était passé », raconte-t-il.
Un jour, Antonina a donné à Tirosh et à sa sœur du colorant roux pour couvrir leurs cheveux noirs naturels et les faire paraître moins juifs. Quand les enfants sont sortis de la salle de bains, le fils d’Antonina a dit qu’ils ressemblaient à des écureuils, ce qui est devenu leur nom de code. Tirosh raconte que son internement au zoo était l’une des rares périodes de la guerre où il n’a pas souvenir de douleur ou souffrance.
Après avoir quitté le zoo, Tirosh est parti vivre dans des familles d’accueil chrétiennes avec sa sœur, il y a souffert de violence et de maladie et a failli mourir. Après la guerre, Tirosh a retrouvé sa famille. Son père est mort d’une crise cardiaque en 1948 et le reste de la famille a immigré en Israël en 1957.
Antonina est décédée en 1971 et son mari en 1974. Le musée de Yad Vashem de Jérusalem les a honorés Justes parmi les Nations en 1965.
Le nouveau musée, où les visiteurs peuvent voir l’ancienne villa des Zabinski au zoo et le labyrinthe de tunnels rénové, comprend également le piano sur lequel Antonina avertissait de l’approche des nazis.
« Ce musée ne sera pas énorme, mais du point de vue de la mémoire, il fait partie des plus importants du genre en raison de son public cible – les enfants », déclare Jonny Daniels, fondateur de « From The Depths », l’organisation de commémoration de l’Holocauste qui a initié le projet de musée, en collaboration avec la Fondation Panda, une branche caritative du zoo.
« Plus qu’un nouveau monument de la ville dédié à des sauveteurs de juifs anonymes, nous avons ici une histoire tangible de bravoure dans un endroit fréquenté par les enfants et des groupes visitant des sites de l’Holocauste, qui pourront découvrir l’un des plus beaux sites de Varsovie », poursuit Daniels.
Ces dernières années, des plans pour ériger des monuments à Varsovie en l’honneur de sauveteurs de Juifs ont suscité un débat en Pologne, certains prônant que l’accent mis sur le sauvetage blanchissait la complicité polonaise généralisée dans l’extermination des Juifs du pays.
Tirosh partage ces préoccupations. La société polonaise, dit-il, éprouvait un « antisémitisme profond qui s’alliait parfaitement avec les plans d’extermination nazis ». Mais il ne voyage pas en Pologne pour parler de la société polonaise.
« J’y vais simplement pour rendre hommage au couple qui m’a sauvé la vie », conclut-il.
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