L’écrivain qui a introduit l’humour et le pathos dans la Shoah
Le romancier Amir Gutfreund, lauréat du Prix Sapir de littérature en 2003, est mort d'un cancer à 52 ans
Amir Gutfreund, le romancier primé décédé vendredi dernier, était un écrivain accompli, un mathématicien et un officier de l’armée de l’air à la retraite, mais ce dont son agent se souvient c’est son humour.
« Il était une source de force et d’humour, il était vraiment drôle », a dit Deborah Harris, dont l’agence littéraire basée à Jérusalem a travaillé avec lui dès son premier livre. « Il était l’un des premiers à avoir apporté de l’humour à la Shoah ».
Gutfreund, qui est décédé à 52 ans après un combat d’un an et demi contre le cancer, a publié son premier livre, « Les gens indispensables ne meurent jamais, » en 2000, alors qu’il était encore lieutenant-colonel dans l’armée de l’air israélienne.
Le livre, un récit fictif de deux enfants nés de survivants de la Shoah dans un quartier rempli de survivants, était inhabituel par son humour et l’utilisation de voix adolescentes pour raconter une histoire d’adultes.
Selon Harris, le roman avait offert un aperçu d’une époque et d’un lieu particuliers, en le situant à Haïfa, où une génération d’Israéliens a été élevée par des parents de survivants de la Shoah.
« Tant de gens m’ont dit, ‘C’est exactement comment j’ai grandi, personne ne l’avait jamais décrit auparavant’ confie-t-elle. « Ils avaient tous eu des vies folles et il a été capable d’écrire sur ses parents fous et leur enfance folle et il a pu le faire avec un tel humour et un tel amour. »
Né à Haïfa de parents survivants de la Shoah, Gutfreund a étudié les mathématiques au Technion – l’institut de technologie d’Israël et a vécu dans un petit village dans le nord de la Galilée avec sa première femme, Neta, et leurs trois enfants. Elle est décédée en 2011. Gutfreund s’est remarié depuis, et avec sa seconde épouse, ont élevé cinq enfants.
Harris se souvient de sa première rencontre avec Gutfreund à son bureau à Jérusalem à la fin des années 1990, quand il est venu dans son uniforme de l’armée de l’air.
« Il m’a dit qu’en assistant à des réunions au quartier général il s’asseyait au fond de la salle et écrivait de la fiction, et j’ai pensé, ‘Ce gars ne peut pas être sérieux’ , » se rappelle-t-elle.
Gutfreund, qui a publié son premier livre à 39 ans, a continué avec cinq autres livres, « Les résidences en bord de mer », « Le Monde, un instant plus tard » , »Pour elle, volent les héros », « Un mercenaire et les bourgeons d’hiver » et « La légende de Bruno et Adella. »
Son premier livre, « Les gens indispensables ne meurent jamais » est son roman le plus traduit ; « The world, a moment later » a été traduit en anglais et « Pour elle, volent les héros », son livre le plus récent, a été traduit en français et adapté par le cinéaste Avi Nesher pour son film, « The Matchmaker. »
Jessica Cohen, la traductrice en anglais de Gutfreund, a confié qu’elle avait découvert son premier livre, « Les gens indispensables ne meurent jamais » en passant dans une librairie israélienne.
« J’ai pensé que c’était incroyable », a dit Cohen. « Même il y a dix ans il y avait un sentiment de ce que vous pouviez lire encore sur la Shoah qui n’avait pas encore été écrit, mais le sien était vraiment, vraiment différent. »
Utiliser l’humour à propos de la Shoah était encore tabou à l’époque, a ajouté Cohen, et elle est tombée amoureuse du livre.
Ce ne fut pas un travail de traduction facile, a dit Cohen, qui a également traduit des livres de David Grossman, Tom Segev et Ronit Matalon.
« Il s’agit d’un livre très difficile à traduire en raison du récit de l’enfant et des autres voix, » dit-elle.
« Amir a fait beaucoup de recherche et a décrit des personnages historiques et des scènes dans les camps. Il a été très impliqué et il y a eu beaucoup d’aller-retour. J’ai encore des centaines de courriels de lui et moi. »
Elle se souvient aussi de sa première rencontre avec Gutfreund, quand il est apparu dans un café en uniforme.
« J’ai été un peu surprise, » a-t-elle dit.
« Il ne rentre du tout pas dans le moule. Il ne faisait pas partie de la petite clique incestueuse des écrivains de Tel Aviv, et il ne voulait pas en faire partie. Son écriture était une partie de lui. Ce n’était pas quelque chose pour laquelle il se levait tous les jours, mais il se sentait obligé de le faire ».
Gutfreund avait hâte que son livre soit traduit en anglais, et avait des idées arrêtées sur la traduction, se souvient-elle.
Lorsque la traduction anglaise du livre « Les gens indispensables ne meurent jamais » a été publiée, Gutfreund a été finaliste pour le prestigieux prix littéraire Sami Rohr.
Harris a dit que quand Gutfreund a remporté le prestigieux prix Sapir de littérature en 2003, il « a donné une grande partie de l’argent » pour les travailleurs étrangers en Israël.
« Voilà le genre de personne qu’il était, » dit-elle.
Gutfreund aimait les gens, ajoute Cohen, le qualifiant « d’homme véritable et attentionné. Peu importe ce qu’il traversait, il voulait savoir comment nous allions », se rappelle-t-elle.
Gutfreund a fait la course pour terminer son dernier livre, « Montagne de bonheur », avant sa mort, selon Harris.
Elle soupira, se souvenant de sa dernière conversation avec lui il y a un peu plus d’un mois.
« Il s’agit d’un véritable défi littéraire et personnel et nous allons le faire », dit-elle. « Nous sommes tellement engagés à le maintenir en vie grâce à ses livres. »
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