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L’éducation et la politique font-elles bon ménage ?

Une étoile jaune épinglée sur un enfant de trois ans ravive le débat sur le système éducatif israélien

Une enfant de 3 ans est rentrée chez elle de la garderie un jour avant la Journée de commémoration de l'Holocauste portant une étoile jaune (Crédit : Capture d'écran Deuxième chaîne)
Une enfant de 3 ans est rentrée chez elle de la garderie un jour avant la Journée de commémoration de l'Holocauste portant une étoile jaune (Crédit : Capture d'écran Deuxième chaîne)

JTA – Le 19 avril, la fille de Keren Zachmi est revenue de son école maternelle, près de Tel-Aviv, portant une tache jaune frappée du mot « Jude ».

Une enseignante a mis l’étoile jaune sur 17 enfants de maternelle afin qu’ils se sentent comme des victimes de l’Holocauste, le jour de Yom Hashoah, qui marque en Israël la commémoration de l’Holocauste. Consternée, Zachmi a pris une photo de sa fille de 3 ans avec l’étoile et l’a postée sur la page Facebook de la municipalité accompagnée d’une plainte.

« Je suis profondément choquée et inquiète de l’orientation que prend l’éducation de nos enfants », a écrit Zachmi.

Précisons que l’enseignante, qui a été rapidement suspendue après que l’affaire a défrayé la chronique, n’a pas suivi, l’année dernière, la formation prévue par le ministère de l’Education avec le musée Yad Vashem pour guider les enseignants sur la façon de parler aux jeunes enfants au sujet de l’Holocauste.

Et Shai Piron, le ministre de l’Education sortant, a dit au JTA que le programme « vise précisément à éviter de tels cas, en donnant aux enseignants les bons outils ».

Mais l’incident a alimenté un débat houleux entre les éducateurs, les parents et les leaders d’opinion sur le rôle de l’Holocauste dans l’éducation israélienne.

Pour certains, l’accent mis sur la Shoah construit l’identité juive et invite les étudiants à affronter des questions morales difficiles. Pour d’autres, un chapitre douloureux de l’histoire juive est instrumentalisé par un système éducatif qui utilise la peur pour promouvoir l’ethnocentrisme et une politique de droite.

Le député Yesh Atid, Shai Piron, avec l'ex-ministre des Finances, Yair Lapid à la Knesset le 26 novembre 2014 (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Le député Yesh Atid, Shai Piron, avec l’ex-ministre des Finances, Yair Lapid à la Knesset le 26 novembre 2014 (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

« L’enseignement de l’Holocauste aux tout-petits est non seulement inapproprié sur le plan pédagogique, mais fait partie d’une politique cynique des gouvernements de Benjamin Netanyahu, qui instille la peur à travers l’endoctrinement, et prépare une génération à une guerre sans fin », a déclaré Yossi Sarid, un ancien ministre de l’Education et ex-chef du parti Meretz (gauche).

Les vifs désaccords sur le rôle de l’Holocauste dans la culture nationale ne sont pas nouveaux dans un pays dont le parlement a récemment adopté une loi interdisant de traiter quelqu’un de « nazi ».

Mais dans le contexte politique actuel, la question de savoir s’il faut enseigner l’Holocauste à 4 ans a émergé comme une étincelle dans un débat plus large : le système éducatif israélien est-il manipulé pour promouvoir les valeurs religieuses et nationalistes ?

Sous le Premier ministre Benjamin Netanyahu, les ministres de l’Education ont fait venir des rabbins dans les écoles, emmené les élèves en voyages scolaires vers les lieux saints de Cisjordanie et retiré plusieurs enseignants de gauche de positions influentes.

Toutes ces actions ont provoqué un désaccord significatif des éducateurs et experts politiques, provoquant dans certains cas l’annulation ou la revue à la baisse des projets gouvernementaux.

L’opposition de certains « s’accompagne généralement d’une ignorance totale du judaïsme », déclare Arel Segal, un éminent journaliste religieux israélien, qui a, l’an dernier, publié un argumentaire défendant ses nouvelles initiatives.

« Ils méprisent une chose qu’ils méconnaissent, ils se rebellent contre une identité dont ils ne savent rien, et dans leur ignorance, ils transforment les thèmes juifs en monstre menaçant d’engloutir leurs enfants et de les transformer en sujets obéissants, en Etat militariste raciste. »

Sarid, lui, estime qu’un changement s’est produit au sein du ministère de l’Education, peu après l’élection de Netanyahu comme Premier ministre en 2009.

En 2011, le ministre de l’Education, Gideon Saar, a lancé un programme de visites de sites juifs à Hébron, une ville à majorité palestinienne de Cisjordanie, qui abrite les tombes des patriarches juifs.

Une pétition de 260 enseignants a qualifié le plan de « manipulation politique ». En 2013, le programme a été sensiblement réexaminé.

Piron a succédé à Saar cette année. Il a signé une initiative permettant aux rabbins d’un département du ministère des Services religieux d’enseigner des sujets religieux dans les écoles publiques. L’initiative visait à « relier les élèves à la Bible, au drapeau et à la nation » selon les termes de son directeur, Avichai Rontzki.

Cela aussi s’est avéré être une décision controversée, provoquant des plaintes de parents laïcs et une menace d’action judiciaire de l’Action Center Israël, un groupe de défense affilié au mouvement réformiste.

Dans une interview, Piron, à la tête du ministère de l’Education jusqu’à l’année dernière, a rejeté l’idée que l’éducation israélienne a été manipulée à des fins politiques.

Il nie que le ministère favorise la droite, soulignant les programmes conjoints avec le groupe de gauche ADAM et avec l’Institut israélien pour la démocratie, entre autres. Et il conteste les allégations selon lesquelles les valeurs humanistes seraient écartées en faveur de valeurs nationalistes.

« Le système éducatif israélien est l’un des plus ouverts au monde, offrant aux élèves un libre accès à des visions du monde constructives – y compris l’amour du pays, du peuple et du judaïsme », a déclaré Piron, un rabbin orthodoxe et membre du parti centriste Yesh Atid. « Cela s’appelle l’éducation, pas l’endoctrinement, malgré ce que disent certains individus aux motivations politiques. »

Quand ils dirigeaient le système éducatif, les ministres de gauche n’ont pas hésité à injecter de la politique dans les programmes. Sarid a ordonné que les écoles enseignent des textes de Mahmoud Darwish, le poète national palestinien, mais il s’est rétracté lorsque son projet a menacé de faire tomber la coalition.

Et Yuli Tamir, travailliste, qui fut ministre pendant trois ans jusqu’en 2009, a institué que la Ligne verte séparant Israël proprement dit de la Cisjordanie soit présentée dans les manuels scolaires. Mais cela n’a pas non plus été mis en œuvre.

Amnon Rubinstein, un autre ancien ministre de l’Education Meretz, déclare que l’accent religieux se ressent également dans le financement.

« Un effort politique d’introduire la religion a commencé l’année où Netanyahu a été élu et cela n’aurait pu avoir lieu sous ma responsabilité », déclare Rubinstein.

Adar Cohen, professeur d’éducation à l’Université hébraïque et ancien responsable du ministère de l’Education en charge de la supervision de l’éducation civique, déclare que le fossé politique se ressent également dans les débats autour de la pédagogie.

Cohen est devenu un symbole de ce débat en 2012, quand il a été démis de ses fonctions dans ce que certains critiques ont qualifié de purge destinée à éliminer les éducateurs perçus comme de gauche.

L’année dernière, Adam Varta, un professeur de lycée de la région de Haïfa, a été congédié pour avoir suggéré que l’armée israélienne a agi immoralement à Gaza.

« La société israélienne est de plus en plus fermée, plus ethnocentrique, regrette Cohen. Les éducateurs nagent souvent à contre-courant. Nombreux sont ceux qui ne peuvent s’empêcher d’enseigner aux élèves à toujours poser des questions, quitte à gêner. »

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